L'influence du "gaming" à la littérature

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06/10/2024

Jean-Philippe Jaworski & Melchior Ascaride, Désolation, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski & Melchior Ascaride, Désolation
éditions Les Moutons électriques 

Grande figure des littératures de l'Imaginaire et du jeu de rôle, Jean-Philippe Jaworski n'a jamais cacher son admiration pour J.R.R. Tolkien et ses œuvres. Si l'on veut une preuve, il suffit de regarder du côté de Tiers Age, un jeu de rôle gratuit sur La Terre du Milieu ou encore s'intéresser à son récit Désolation, paru d'abord chez Mnémos en 2011, puis chez Les Moutons électriques en 2020. 

Comme c'est un texte cher au cœur de l'éditeur, il vient de le rééditer, toujours au format d'un très beau graphique publié dans la très belle collection La Bibliothèque Dessinée.  

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Sous l'égide du thane de Diggenhlaew, une compagnie de guerriers nains et de gnomes s'engage sous la montagne du Kluferfell, à l'assaut des galeries souterraines. Bien que bardés de fer, ils n'en mènent pas larges car ils craignent de réveiller l'entité tapie. Le moindre bruit risque de trahir leur position et les livrer à une fin funeste. D'autant qu'il semblerait que plus d'une créature évolue sous terre. A ces conditions, peuvent-ils seulement espérer tous s'en sortir ? Rien n'est moins sûr. 

Mon avis :

Désolation est un court récit de fantasy écrit dans le but de rendre hommage à J.R.R Tolkien. Le titre en lui-même est très évocateur puisqu'il fait référence à la désolation de Smaug. Or, justement une menace tapie hante ces lieux et cause un grand effroi à la compagnie. On ne peut donc qu'avoir l'image d'un dragon faisant de ces mines son fief. Ainsi, bien qu'absent physiquement une peur diffuse et viscérale s'empare tout de même de chaque membre de cette troupe pour mieux les troubler et les pétrifier. 

La tension va vite monter et le bain de sang n'est pas loin, surtout que d'autres créatures se précipitent à leur rencontre. 

En effet, attaqués par des gobelins, ils n'ont pas d'autres choix que de monter à l'assaut. Ces attaques de gobelins sont clairement un clin d'œil aux affrontements de la communauté de l'anneau avec les orques et les gobelins au cœur de la Moria. 

Tout comme J.R.R. Tolkien, Jean-Philippe Jaworski table aussi sur des scènes très visuelles. Ainsi, il emprunte les mêmes ingrédients que le maître de la fantasy pour nous livrer un récit très épique. 

Désolation est un roman d'aventure au ton guerrier qui prend cadre dans le Vieux Royaume imaginé par Jean-Philippe Jaworski. 

La plume est comme d'habitude très enlevé en mêlant les ambiances, tantôt mystérieuse, tantôt horrifique. 

L'auteur joue sur les rebondissements jusqu'à y ajouter un soupçon de trahisons pour faire bonne mesure et ainsi tenir les lecteurs en haleine. Le but est atteint car on ne voit rien venir, sans doute trop captivé par les illustrations de Melchior Ascaride.

Silhouettes sombres, visages grimaçants et yeux effarés égrènent les pages de ce livre et portent ce texte en lui donnant toute sa palette de couleurs qui viennent jouer sur les émotions suscitant peur et intrigue. 

En accueillant ce récit au sein de La Bibliothèque Dessinée, Les Moutons électriques signent leur volonté de mettre à l'honneur un livre à fort potentiel. Le résultat est réussi car c'est une publication très soignée. Ce relié est de belle facture réhaussé par les nombreux dessins d'un artiste très talentueux au style inimitable.

Pour conclure :

Cette collection de graphiques est bien trop stylée pour passer à côté. Alors n'hésitez pas et laissez-vous tenter par l'une ou l'autre de ces aventures. Si vous aimez l'œuvre de J.R.R. Tolkien pourquoi ne pas lire du Jaworski sous un jour nouveau ? 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Gagner la Guerre, Le Chevalier aux Epines, Le Conte de L'Assassin, Le Débat des Dames et Les Fauteurs d'ordre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Melchior Ascaride
Désolation
La Bibliothèque Dessinée
9782361839437
146 pages
Editions Les Moutons électriques

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21/09/2024

Nelly Chadour & Anne-Perrine Couët, Les sœurs Brontë contre la Momie, éditions Les Moutons électriques

Nelly Chadour & Anne-Perrine Couët, Les sœurs Brontë contre la Momie
éditions Les Moutons électriques 

Nelly Chadour est l'une des voix montantes des littératures de l'Imaginaire. Sa bibliographie compte déjà plusieurs titres comme Espérer le soleil ou Avant 7 jours. Quant à sa novella Les sœurs Brontë contre la Momie, elle vient d'être rééditée au format illustré dans la très belle collection, La Bibliothèque Dessinée des éditions Les Moutons électriques. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Alors que Charlotte et Anne sont parties à Londres pour mettre les choses au clair avec leur éditeur, Emily, elle, est restée dans le Yorkshire afin de garder à l'œil son père et son frère. Or, justement ce dernier s'est une nouvelle fois éclipsée dans la lande alors que la soirée est déjà bien avancée. Partie le chercher en compagnie de son chien, Emily le retrouve aux prises avec une étrange créature sortie de terre pour l'étrangler. N'écoutant que son courage, elle le sort des griffes de cette abomination et pense être saine et sauve. Seulement, la nuit venue, celle-ci s'est introduite dans la demeure familiale pour enlever son ivrogne de frère. Emily n'a pas d'autre choix que de partir à sa poursuite en espérant ne pas arriver trop tard. Quant à ses deux sœurs, elles ne sont pas plus en sécurité de leurs côtés puisque d'étranges phénomènes sont à l'œuvre dans les rues de Londres. Echapperont-elles à un sort funeste et trouveront-elles la clé de ce mystère ?

Mon avis :

Dans Les sœurs Brontë contre la Momie, Nelly Chadour nous propose un mélange de genres à sa sauce. Ainsi, elle mêle habilement des notes pré-apocalyptiques à de l'uchronie et de la fantasy. Dans son roman, Les sœurs Brontë croisent la route de momies ressuscitées importées à Londres à l'occasion d'une exposition. La rencontre promet d'être un brin cocasse et particulièrement horrifique, surtout au vu de l'agressivité des cadavres animés qui cherchent juste à les étouffer à coup de serpents dans le gosier. Pour la famille Brontë, il s'agira surtout de survivre et d'empêcher le monde d'être broyé sous les crochets d'Apophis. Vous l'aurez compris, Nelly Chadour revisite un épisode majeur de la mythologie égyptienne au cours duquel Apophis, symbole du chaos et du mal, est contré dans ses attaques du dieu Rê par Seth, Isis et Bastet qui l'empêchent de mettre fin à la création. 

Le cadre est clairement idéal pour y développer un récit crépusculaire où il sera question d'empêcher rien de moins qu'un Armageddon. Enrôler les sœurs Brontë dans cette aventure ne manque pas de charme car voir ces demoiselles retrousser leurs manches pour affronter ces immondes créatures au risque de leur vie est juste trépident. 

Dans son livre, Nelly Chadour casse leur image de femmes de lettres, dont le nom est clairement associé au romantisme, pour nous brosser le portrait de petits bouts de femmes pleine de courage, aventurières qui se frottent sans hésiter au danger. C'est un régal de les retrouver dans cette aventure baroque où la magie s'épanouit généreusement aussi bien à travers l'apparition de divinités égyptiennes déchues ou non que dans cette capacité qu'ont les sœurs à pouvoir s'écrire à distance par l'intermédiaire d'une sorte de transe. Un don lié à l'écriture, c'est plutôt bien vu pour des écrivaines, n'est ce pas ! 

Le récit est insolite, drôle et rocambolesque. Une alchimie se crée de suite avec ces protagonistes que l'on découvre sous un jour nouveau, au moins pour certains d'entre eux. Le ton enlevé de Nelly Chadour joue beaucoup sur l'absurde pour divertir ses lecteurs. Ici, elle s'appuie sur des héroïnes fortes qui sont là pour sauver la situation en luttant bec et ongles contre la menace pendant que les hommes, eux, préfèrent se cacher ou se sauver. En cela, l'autrice adopte un point de vue féministe afin de casser la place mineure qu'occupaient les femmes du XIXe siècle. C'est rafraîchissant !

Quelle merveilleuse idée qu'ont eu Les Moutons électriques d'offrir à ce texte un nouvel écrin extrêmement visuel. Il fallait bien un graphic pour mettre en couleurs cette intrigue pleine de panache. Et il faut bien le dire Anne-Perrine Couët a parfaitement su capter l'essence de cette histoire pour la retranscrire à merveille à coup d'illustrations de qualité. Le texte et les images s'ajustent parfaitement pour donner du relief à l'action et du rythme à la lecture. 

Pour conclure :

Intégrer Les sœurs Brontë contre la Momie dans La Bibliothèque dessinée, c'est le gage d'une lecture extrêmement divertissante. Alors que le spectacle commence...

Fantasy à la Carte

Informations

Nelly Chadour
Les sœurs Brontë contre la Momie
Collection La Bibliothèque Dessinée
9782361839420
161 pages
Editions Les Moutons électriques 

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03/09/2024

Jeanne Mariem Corrèze, Nous serons l'incendie, éditions Les Moutons électriques

Jeanne Mariem Corrèze, Nous serons l'incendie
éditions Les Moutons électriques 

Après le succès du Chant des Cavalières et un coup de cœur récent pour moi, Jeanne Mariem Corrèze a repris la plume pour nous proposer une nouvelle histoire s'insérant dans son merveilleux univers.

Pour fêter cette sortie très attendue, les éditions Les Moutons électriques ont sorti le grand jeu en donnant un superbe écrin à ce nouveau texte. Ainsi, Nous seront l'incendie vient de paraître au format d'un relié arborant un très beau jaspage sur toute sa tranche, ainsi que des illustrations en pages de garde et à l'intérieur de l'ouvrage, signées Melchior Ascaride et Amandine Labarre

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse exceptionnel. 

Résumé :

Voilà 4 ans que le royaume de Sarda est occupé par les Contés-Unis des Sabès après une guerre éclair de 30 jours. Beaucoup y ont trouvé la mort, certains se sont résignés à leur sort tandis que d'autres voient, au contraire, leurs convictions se renforcer. C'est dans ce contexte houleux que la résistance menée par une poignée de cavalières survivantes s'organise. Mais ont-elles une réelle chance de sauver leur royaume, également menacé par un terrible incendie ? 

Mon avis :

Dans Nous serons l'incendie, Jeanne Mariem Corrèze réinvestit son fabuleux univers initié dans Le Chant des Cavalières et peuplé de cavalières, de créatures fantasmagoriques et d'un mage de feu. Mais, cette fois-ci celui-ci est mis à feu et à sang, meurtri par la guerre et dévoré par les flammes. En effet, la guerre menée par Eliane de Nordeau a laissé les citadelles exsangues, tuant bon nombre de guerrières et d'habitants de Sarda. Or, la poignée de survivants organise la résistance pour tenter de libérer les territoires occupés par les Sabès. Les affrontements se multiplient et sont sanglants. La puissance de feu des Contés-Unis des Sabès est telle que la rébellion des cavalières paraît dérisoire. Le seul atout qu'elles semblent encore avoir dans leurs manches est le dernier mage de feu, Myrddin même si celui-ci est sorti affaibli du conflit. Blessé et hanté par les fantômes de son passé, il est difficile de voir en lui un allié fiable. D'autant que sa magie est déclinante et même défaillante condamnant de facto le royaume de Sarda à sombrer dans les ténèbres. Surtout que celui-ci est également en proie un gigantesque incendie nourri par la sécheresse qui consume cette terre depuis bien trop longtemps. Or, rien ne semble pouvoir arrêter ce feu à caractère surnaturel si ce n'est peut-être la magie ? 

Jeanne Mariem Corrèze nous plonge donc dans un monde divisé et en ruines. L'ambiance choisie pour cette nouvelle intrigue est crépusculaire et s'accorde parfaitement aux thématiques mises en exergue. 

On y parle avant tout de la guerre et de ses conséquences sur les peuples envahis. Entre ces lignes, la terre de Sarda est occupée obligeant la population locale à se déplacer pour échapper à un sort funeste ou à l'esclavage. En effet, beaucoup de femmes sont enlevées pour rejoindre les mines où elles trouvent bien souvent la mort. Les ressources sont pillées pour enrichir les Contés-Unis des Sabès. La terre est littéralement vidée de sa substance et beaucoup d'enfants sont orphelins.  Le récit est dramatique et donne le vertige bousculant nos émotions car il est impossible de rester indifférent à tant de détresse. 

Pour autant ce texte est loin d'être sombre, au contraire, il est incandescent car porté par l'étincelle de rébellion de certains des protagonistes. En effet, Nous serons l'incendie n'est pas un récit de résilience mais bien de résistance. L'autrice nous attache aux pas de personnages courageux emplis de certains idéaux. Ivres de liberté, ils enchainent les actions pour affaiblir l'ennemi et se libérer de leur joug. Le roman n'en est que plus palpitant, rempli de rebondissements et de trahisons car les missions de sape du pouvoir des Sabès menées par certaines cavalières ne sont pas toujours couronnées de succès. 

En outre, ce titre est aussi une réflexion politique quant au meilleur modèle à adopter pour construire une société plus juste et davantage représentative. Ainsi, en dépit du conflit qui fait rage, certaines n'ont pas renoncé à instaurer une république en remplacement de la royauté pour une vraie démocratie. 

Enfin, Jeanne Mariem Corrèze a donné à son texte une portée écologique à travers cette terre malmenée par les hommes, rendue stérile par sa surexploitation devenant ainsi le parfait berceau nourricier pour un incendie inarrêtable. A travers la disparition des forêts et surtout de l'humidité qu'elle dégage, c'est la barrière naturelle du feu qui manque ainsi à l'appel laissant le champ libre à l'aridité qui lui est propice

Pour conclure :

Nous serons l'incendie est un roman choral qui nous transporte dans une aventure pleine de fureur et d'espérance. Jeanne Mariem Corrèze a eu à cœur nous proposer de la diversité dans ses protagonistes qui sont aussi bien racisés, non genrés qu'homosexuels. Elle signe une fantasy épique et inclusive qui s'inscrit dans un questionnement très actuel. 

Finalement, le fond s'accorde parfaitement à la forme puisque le texte est aussi bon que l'écrin est beau. A ne pas manquer pour cette rentrée 2024 !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur Le Chant des Cavalières.

Informations

Jeanne Mariem Corrèze
Nous serons l'incendie
9782361839406
432 pages
Editions Les Moutons électriques

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02/08/2024

Terri Windling, L'épouse de bois, éditions Les Moutons électriques

Terri Windling, L'épouse de bois, éditions Les Moutons électriques 

Terri Windling est une touche-à-tout. Romancière, illustratrice, essayiste et directrice littéraire, elle a joué un rôle prépondérant dans l'essor de la fantasy aux Etats-Unis. Sa bibliographie compte une petite dizaine de romans auxquels s'ajoutent quelques essais et des anthologies. Son premier roman, L'Épouse de Bois, publié en 1996 a reçu le prix Mythopoeic. C'est malheureusement le seul traduit en français.

Après une première édition en 2010, les éditions Les Moutons électriques ont décidé cette année de le rééditer avec la même illustration de couverture signée Brian Froud

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résume :

Maggie Black vient d'hériter de la maison de Cooper Davis, un poète qu'elle admirait beaucoup et avec qui elle entretenait une correspondance assidue sans pour autant l'avoir rencontrée en personne. Elle est donc d'autant plus étonnée qu'il lui ait laissé ses biens et décide de prendre ça pour un consentement à ce qu'elle écrive enfin sa biographie. C'est pourquoi elle choisit d'aller s'y installer afin de mieux le comprendre. Totalement envoûtée par l'Arizona, elle cherche à savoir qui il était réellement en se plongeant dans ses effets personnels et peut-être même élucider les circonstances de son décès puisqu'il a été retrouvé noyé dans une rivière asséchée. Seulement, il se peut que d'autres ne souhaitent pas que cela se sache et qu'un grand danger la guette, qui sait ! 

Mon avis :

L'épouse de bois est un récit de low fantasy infusé aux mythologies européennes et amérindiennes. En effet, l'autrice s'est réappropriée habilement certaines figures ou épisodes légendaires pour nourrir son récit. Aussi, on va retrouver entre ces lignes un personnage-clé de la mythologie amérindienne à travers le coyote. Terri Windling a d'ailleurs repris sa représentation anthropomorphique pour l'un de ses protagonistes qui conserve notamment ses oreilles pointues et sa fourrure malgré sa transformation. Elle emprunte clairement à la légende des Changes-Peaux de la culture Navajo, connus sous le nom de "skin-walker" qui peuvent se métamorphoser en loup, chien, corbeau ou coyote. Ce sont des guérisseurs considérés comme maléfiques car ils utilisent leur pouvoir pour provoquer le malheur aux autres. Dans L'épouse de bois, certaines créatures s'avèrent cruelles et beaucoup se plaisent à jouer des tours mais elles ne sont pas toutes foncièrement mauvaises. En outre, l'autrice s'appuie sur un mythe populaire européen très connu, à savoir la chasse fantastique conduite par un groupe d'êtres surnaturels qui mènent une poursuite sauvage. Ce motif récurrent accompagne donc le récit tout du long et fait peser une menace sur ses personnages. 

Le surréalisme sert également de terreau à la magie de ce texte car elle puise dans les rêves pour sublimer l'art pratiqué par certains protagonistes. 

L'épouse de bois dégage une magie envoûtante, aussi inquiétante qu'intriguante. L'univers est solide et d'une grande efficacité. Bien évidemment, l'alchimie avec un roman demeure une question très personnelle mais je dois dire qu'avec L'épouse de bois, celle-ci a parfaitement opéré sur moi. Ce livre est une vraie réussite, très poétique et fort enivrant. 

Terri Windling nous livre une véritable ode à la nature. Les lieux prennent vie sous nos yeux presque magiquement, les sensations semblent décuplées. Bien qu'aride, le désert d'Arizona explose de vie. La nature s'est adaptée et on reste subjugué devant son ingéniosité. C'est d'ailleurs ce que l'autrice cherche à nous transmettre. Elle met en exergue l'importance de la protéger et de la préserver notamment face à l'empreinte destructrice de l'homme. Elle critique l'urbanisation excessive de ces territoires désertiques et dénonce les abus commis par les chasseurs qui exterminent la faune locale sous couvert d'autorisation légale. Le texte est puissant et les mots sont forts pour mettre en exergue ces atrocités.

D'autre part, L'épouse de bois est à la fois un roman d'émancipation pour l'héroïne qui sort de l'ombre de son ex-mari pour prendre sa vie en mains et enfin tourner la page de ce mariage ratée et une quête d'identité pour l'un des personnages masculins qui va peut-être enfin apprendre la vérité sur ses origines. 

Le texte est riche en rebondissements pour maintenir les lecteurs dans un suspense complet. 

L'autrice y a même ajouté une touche de romance qui n'est pas désagréable à lire. 

On est face à une communauté de personnages très différents les uns des autres. Il y a la mondaine, Maggie Black qui, derrière une allure masculine, dégage une élégance folle. On l'imagine mal s'épanouir en plein désert, elle, la citadine. Et pourtant elle va y prendre goût et même en faire son foyer alors qu'elle ne s'est jamais réellement établi quelque part jusque-là. Ingénieuse, elle va démêler les fils des énigmes laissées par Cooper pour comprendre les évènements et tenter de sauver ces habitants auxquels elle s'est tant attachée. Johnny Fox, lui, incarne le boyscout. Séduisant et touche à tout, il a fait tourner la tête à plus d'une même si ce n'était pas vraiment son intention. Discret, il est un soutien indéfectible pour Maggie dans cette aventure qui pourrait bien également changer sa propre vie. Enfin, il y a la pimpante et énergique Dora. Elle est tombée amoureuse des montagnes et ne les quitterait pour rien au monde en dépit des difficultés que la vie lui réserve et des conflits qui entachent sa relation avec son mari Juan. Sa bonne humeur est communicative. Qu'ils soient solaires, attachants ou inquiétants, les personnages qui donnent vie à ce récit ne laissent clairement pas indifférents. 

Enfin, les éditions Les Moutons électriques ont eu la bonne idée d'accompagner ce service de presse d'une compilation des poèmes de Davis Cooper sous la forme d'un recueil pour parfaire notre immersion dans ce sublime univers et continuer de nous émerveiller devant la plume de ce talentueux poète imaginaire.

Pour conclure :

Avec L'épouse de bois, j'ai découvert une signature de l'Imaginaire incroyable qui donne une âme à la féérie. Quelle exceptionnelle conteuse cette Terri Windling ! Alors avis aux éditeurs si vous passez par là, je serais tellement enchantée si vous ajoutiez à votre catalogue certains de ses autres titres. 

Fantasy à la Carte

D'autres avis sont à lire sur la blogosphère : Zoé prend la plume et Bazar de la littérature.  

Informations

Terri Windling
L'épouse de bois
9782361839024
320 pages
Editions Les Moutons électriques

Lien vers le site

14/06/2024

Alex Nikolavitch, Le garçon avait grandi en un gast pays, éditions Les Moutons électriques

Alex Nikolavitch, Le Garçon avait grandi en un gast pays
éditions Les Moutons électriques 

Après Trois coracles cinglaient vers le couchant et L'ancelot avançait en armes, Alex Nikolavitch est de retour avec Le garçon avait grandi en un gast pays pour conclure son triptyque arthurien.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Elevé en plein cœur de la forêt et à l'écart des autres par sa mère, Perceval décide un jour de s'enfuir pour découvrir le monde. Chemin faisant, le jeune homme multiplie les rencontres, notamment de chevaliers sans connaître leur identité ni leur historique au sein de la cour qui vont le pousser dans des quêtes le rapprochant peu à peu du roi et de la bataille finale. Comment s'en sortira-t-il ?

Mon avis :

C'est donc toujours avec le même pas de côté qu'Alex Nikolavitch nous replonge dans les légendes arthuriennes en mettant en lumière un destin en particulier. Ici, il a porté son dévolu sur Perceval en débutant son récit au sein des bois où il grandit dans l'ignorance de ses origines et des événements décisifs de son époque. 

L'auteur est donc parti du même postulat de départ que le mythe à travers cette enfance esseulée et sa rencontre cruciale avec certains des chevaliers de la Table Ronde. Néanmoins, passés ces éléments, on rentre de plein pied dans la réécriture puisqu'Alex Nikolavitch n'envoie pas directement Perceval à la cour du roi Arthur s'illustrer dans des hauts faits, mais choisit plutôt de l'entraîner dans des pérégrinations qui vont l'aider à apprivoiser son environnement, à murir et à trouver sa place dans le monde. En cela, Le garçon avait grandi en un gast pays est une véritable ballade  dans laquelle on rencontre des figures légendaires, à l'image de Karadoc, un fidèle d'Uther qui finira par accepter la prise de pouvoir d'Arthur en devenant à son tour l'un de ses alliés. Ici, il prend les traits d'un mentor pour le jeune Perceval en l'aiguillonnant à emprunter un chemin héroïque. Mais les plus notables apparitions demeurent Gawain et L'ancelot qui l'accompagnent dans l'écriture de sa destinée car certaines de ses actions sont motivées sur la suggestion de l'un ou de l'autre. 

C'est également comme cela que les portes de la féérie lui sont ouvertes et qu'il va participer à des missions teintées d'onirisme. La magie imprègne pleinement les pages de ce roman et s'exprime au travers d'entrevues surnaturelles. Ainsi, la fée Morgane intervient tout naturellement à plusieurs reprises dans ce récit puisqu'elle est intimement liée au trépas du roi. Il est à noter, le choix orthographique privilégié par Alex Nikolavitch, "Morrigane" faisant directement référence à l'une des trois déesses guerrières des Tuatha Dé Danann puisque c'est exactement ce que la sœur d'Arthur incarne ici. 

29/03/2024

Michel Pagel, Le Roi d'août, éditions Les Moutons électriques

Michel Pagel, Le Roi d'août, éditions Les Moutons électriques 

Ecrivain français, Michel Pagel a déjà signé de nombreux titres. Parmi lesquels, on peut en citer en science-fiction avec L'Equilibre des paradoxes, récompensé par les prestigieux prix Rosny aîné et Julia-Verlanger, en fantasy avec Les Flammes de la nuit et en fantastique avec son copieux cycle de La Comédie inhumaine

Primé en 2003 par le grand prix de l'Imaginaire, son roman Le Roi d'août vient d'être réédité chez Les Moutons électriques.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse qui m'a donné l'occasion de goûter à cette pépite de fantasy

Résumé :

Sacré roi en 1180, Philippe II prend la suite de son père Louis VII. Son début de règne est marqué par un revirement d'influence puisque la maison maternelle de Blois-Champagne est mise sur la touche au profit de celle de Flandre. En outre, celui-ci est également émaillé de conflits perpétuels avec ses rivaux Plantagenêt, de victoires et de défaites militaires, sans oublier d'unions tumultueuses. Une vie fort mouvementée pour celui qui fut considéré comme le premier roi de France.

Mon avis :

Le Roi d'août est un récit de fantasy historique dans lequel Michel Pagel s'est replongé dans la destinée exceptionnelle de Philippe II et à travers lui, celle de la France. Il faut dire que son règne réunit tous les éléments faisant écho aux codes du genre. 

On peut déjà citer les intrigues politiques et les jeux d'influence. En effet, dès son couronnement Philippe II privilégie la maison de Flandre pour réduire le pouvoir de sa mère Adèle de Champagne et du clan champenois. En outre, il épouse Isabelle de Hainaut, la nièce de son parrain, Philippe d'Alsace, le comte de Flandre. Véritable premier acte politique qui lui vaut l'inimitié de sa mère. S'ensuit la signature du traité de Gisors avec Henri II d'Angleterre qui renforce sa position de jeune roi face aux maisons de Flandre et de Champagne. Pour autant, des rivalités demeurent au sein du royaume. Ainsi, en 1881 une brouille entre Philippe II et son parrain ranime le conflit avec les barons que le roi entérinera par le traité de Boves lui confirmant sa mainmise sur le Vermandois, l'Artois et l'Amiénois. Mais sa plus grande préoccupation demeure le conflit qui l'opposa longtemps aux Plantagenêt. Or, en grand stratège, il s'est d'abord lié d'amitié avec les fils pour jouer sur les antagonismes que ces derniers entretenaient avec leur père jusqu'à ce que chacun à leur tour prenne les armes contre lui pour lui reprendre les terres acquises par la guerre ou le mariage. 

Ce qui nous amène à un autre élément cher à la littérature fantasy, à savoir la conquête qui vient donner le caractère épique au récit. On est en plein dedans ici, à travers les manœuvres de Philippe Auguste pour agrandir son territoire. 

Ainsi, Michel Pagel joue pleinement sur les manipulations et les traitrises qui ont eu cours à l'époque pour nourrir son roman et par conséquent, captiver son lectorat.

Mais il ne peut être question de fantasy sans magie. Alors quid de celle-ci entre ces lignes ? Pour le coup, l'auteur se montre très ingénieux en utilisant les mystères qui ont émaillé le règne de Philippe II comme des fenêtres sur l'onirisme. Ainsi, ces miracles que l'on a attribués au roi, notamment au début de sa prise de pouvoir, comme une manifestation divine sont réinterprétés par Michel Pagel comme un héritage surnaturel qui coulerait sommairement dans ses veines. En outre, il procède de la même manière avec Isambour de Danemark que Philippe II a répudiée dès le lendemain de leur noce sans explication valable. L'auteur, lui, y voit là une nouvelle manifestation ésotérique que le monarque ne peut souffrir d'où son rejet. Cette introduction des créatures surnaturelles qui mêlent leurs destins à des dynasties familiales tombe bien à-propos pour envoûter le lecteur en l'emmenant sur des terres que l'Histoire n'a pas encore explorées. 

10/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames, T.3, Le Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames
T.3, Le Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

S'il y a bien un livre qui était très attendu en ce début d'année 2024 chez Les Moutons électriques, c'est bien la conclusion du cycle épique, Le Chevalier aux Épines de Jean-Philippe Jaworski. 

Venant de lire le tome précédent, Le Conte de L'Assassin, j'ai été fort aise de pouvoir directement enchaîner la suite. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Après l'échec de leur ambassade auprès de Ferbasach, le chef des Ouromands pour faire libérer contre une rançon Claudas de Kimmarc, Ædan de Vaumacel et ses amis preux retournent bredouilles auprès du comte Angusel. Face à cette impasse, le chevalier aux épines propose d'aller plaider la paix auprès de la duchesse de Bromael, récemment libérée et de son fils Méléagant de Vayre afin qu'ils unissent leurs forces à celles de Ganelon pour bouter l'ennemi hors de leurs terres. La mission s'annonce épineuse au vu des terribles antagonismes sans parler de l'intervention d'une sombre et ancienne magie qui pourrait bien faire échouer notre noble chevalier, qui sait !

Mon avis :

Changement de narrateur dans Le Débat des Dames puisque Jean-Philippe Jaworski délaisse à nouveau son célèbre assassin au profit du chevalier aux épines. Cela a pour conséquence directe de rebasculer le récit dans le cadre chevaleresque qui a marqué le début de ce cycle. Pour autant, l'ambiance n'est plus aux joutes pour laver l'honneur mais plutôt à la délicate question de la paix et de l'union. Entre ces lignes, Ædan de Vaumacel se fait le héraut de guerre chargé d'enterrer les désaccords familiaux afin de rétablir la cohésion au sein du duché de Bromael et ainsi de le sauver des griffes de l'ennemi. La cause est noble et louable mais sans doute un tantinet idéaliste car ce que le chevalier ignore est qu'il est surtout le pion de deux femmes dont les agissements prennent racines dans un passé lointain.

Le Débat des Dames est l'occasion pour Jean-Philippe Jaworski de démêler tous ses fils narratifs, y compris ceux initiés dans Le Service des Dames. Ainsi, les intrigues prennent tout leur sens, notamment par le truchement des révélations sur les nombreux mystères qui courent tout au long de ces trois tomes. 

Dans ce dernier opus, l'auteur laisse l'onirisme s'épanouir plus généreusement. Il lève donc le voile sur l'origine des magies qui sont à l'œuvre dans cet univers. En effet, Jean-Philippe Jaworski joue à la fois sur la figure de l'enchanteresse qui ensorcèle le chevalier pour servir ses desseins et sur l'utilisation d'une sombre magie ayant trait avec la mort, la nécromancie. Or, tout au long de ce tome, ces deux pouvoirs rivalisent pour écraser l'autre, quitte à se servir sans vergogne de certains protagonistes au mépris de leur vie. L'existence de ces pouvoirs s'appuie sur un historique solidement construit et nourrie par de nombreuses influences lui donnant intérêt et cohérence. C'est la valeur ajoutée qui donne à ce récit tout son sel en mettant notamment en relief les nombreuses intrigues. 

Pour conclure :

L'histoire du Chevalier aux Epines a su piquer ma curiosité dès les premières pages. Celle-ci se révèle, d'ailleurs, sur un temps long car Jean-Philippe Jaworski fait beaucoup de digressions dont on comprend pleinement le sens qu'à la toute fin de ce présent roman. En outre, l'auteur excelle à créer une ambiance médiévale crédible et immersive, ce qui est un atout indéniable à la saga. Enfin, la conclusion qu'il a réservé à sa trilogie est pour le moins surprenante où de nouvelles pistes d'exploration sont esquissées. On reste donc un peu sur notre faim sur certains points. Alors, on se donne donc rendez-vous au prochain épisode, car c'est sûr, il n'en a pas encore fini avec son vieux royaume.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog Le Tournoi des Preux (T.1), Le Conte de L'Assassin (T.2) et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Débat des Dames
Tome 3
Le Chevalier aux Epines
9782361838850
521 pages
Editions Les Moutons électriques

Lien vers le site

06/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin, T.2 du Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin,
 t.2 du Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

A l'heure où la campagne Ulule pour la réédition de Gagner la Guerre et de Janua Vera a été couronnée de succès et où le final tant attendu du Chevalier aux Epines vient d'être publié, je me replonge enfin dans cette saga en lisant le tome 2. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Dans Le Conte de L'Assassin, Benvenuto Gesufal est chargé d'accompagner la délégation ciudalienne jusque dans le duché de Bromael pour apporter la dote conséquente de Clarissima Ducatore et pour l'occasion, il est nommé Grand Argentier. La mission ne lui plait guère car il est toujours en froid avec la donzelle, d'autant que le Podestat lui a expressément demandé de lui passer tous ses caprices et de se réconcilier avec elle. Alors Benvenuto le sait, il va morfler mais ce qu'il ne sait pas, c'est jusqu'à quel point car la délégation va débarquer en plein drame familial. En effet, pour épouser Clarissima, le duc de Bromael a répudié sa femme et l'a exilé dans un couvent, ce qui lui vaut l'animosité de deux de ses fils. Alors que la guerre gronde avec les Ouromands, il doit laver son honneur et prouver sa valeur dans un tournoi l'opposant à ses fils et à ses partisans. Alors quel rôle Benvenuto Gesufal jouera-t-il sur cette scène politique délicate ? 

Mon avis :

Dans Le Conte de L'Assassin, le célèbre personnage de Gagner la Guerre, Benvenuto Gesufal reprend officiellement du service. Aussi, il récupère son rôle de narrateur principal et s'en vient nous conter par le menu sa vision des faits qui se sont déroulés lors du Tournoi des Preux, sans omettre les évènements qui l'ont précédé et suivi. Avec sa réapparition, Jean-Philippe Jaworski casse volontairement l'ambiance chevaleresque de sa saga. En effet, sa gueule cassée et sa gouaille détonnent dans le décor policé d'une cour de gentilshommes et de gentes dames. Le but recherché est de renverser les codes et pimenter ainsi le récit. L'objectif est atteint car on en oublie vite les sérénades contées précédemment entre chevaliers et nobles dames pour laisser la place aux meurtres commis à la dérobée et à un certain désordre.

Comme à son accoutumée, Jean-Philippe Jaworski malmène son personnage principal, d'autant qu'il l'envoie en terre inconnue où il est un étranger, autrement dit un homme facilement identifiable qui ne peut donc pas disparaître dans l'ombre. Autant vous dire que cette mission est une vraie chausse-trappe pour notre célèbre assassin qui se retrouve mêlé bien malgré lui à des intrigues initiées par le Podestat en personne mais à la finalité incertaine. 

Ainsi, la venue de Benvenuto donne un nouvel éclairage au récit du Tournoi des Preux. La visée de chaque protagoniste est plus clair et le récit, tellement plus captivant. Pour autant, si l'on croit tout savoir de l'issue de cette histoire, notamment à propos de l'affrontement entre Ædan de Vaumacel et Benvenuto Gesufal, la conclusion proposée par Jean-Philippe Jaworski promet d'être surprenante. 

Si l'auteur a parsemé sa série de motifs médiévaux tels le conflit de loyauté, les rivalités amoureuses ou l'infâmie, il a su moderniser le genre en y ajoutant sa touche personnelle, à travers son personnage irrévérencieux qui vient secouer les normes et dispenser le grabuge nécessaire aux desseins hégémoniques et machiavéliques de son commanditaire.

Personnellement, j'ai pris un grand plaisir à me plonger dans Le Conte de L'Assassin, notamment parce que la grande figure de Gagner la Guerre y reprenait place. J'apprécie tout particulièrement le travail réalisé par Jean-Philippe Jaworski sur son personnage principal. Benvenuto Gesufal est ce que l'on qualifie d'anti-héros. Ici, il est même l'antithèse du chevalier. L'auteur a donc pris le parti de placer le méchant en tête d'affiche de son histoire. Mercenaire et assassin, il annonce d'emblée la couleur et brise l'archétype du héros de fantasy. Pour autant, est-il le seul monstre du récit ? En le plaçant aux côtés de chevaliers, prêts à relever le gant et se défier lors des tournois, Jean-Philippe Jaworski démontre aussi que Benvenuto Gesufal n'a pas le monopole de la forfaiture et de la félonie, au regard des mensonges, de la traîtrise, du parjure et de l'adultère dans lesquels se compromettent certains galants. En outre, l'auteur ne lui donne pas pour autant de blanc-seing. En effet, ce n'est pas parce qu'il en fait son héros qu'il cautionne ses actes répréhensibles. D'ailleurs, dans ce roman, il va souvent le confronter au doute et à la peur. Benvenuto Gesufal est un homme vieillissant, donc forcément diminué face à la vitalité de la jeunesse de ses adversaires. Or, lui, le grand assassin sûr de lui, va goûter à l'échec et à la débâcle. Espiègle, Jean-Philippe Jaworski a encore une fois décidé de jouer avec son protagoniste en invitant la diablerie à être de la partie. Le résultat est assez cocasse et plein d'auto-dérision pour notre mécréant, ce qui ajoute une pincée de sel à la lecture. 

En lisant Le Chevalier aux Épines, on sent le goût de son auteur pour l'Histoire médiévale. L'ambiance et le décor n'en sont que plus immersifs. La richesse de la langue et du vocabulaire sont au rendez-vous pour retenir captifs les lecteurs. 

Pour conclure :

Complètement charmée par le talent indéniable de conteur de Jean-Philippe Jaworski, je ne peux que vous inviter à succomber à votre tour à cette voix incontournable de la fantasy française.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Le Tournoi des Preux et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Conte de L'Assassin
T.2
Le Chevalier aux Epines
9782361838515
518 pages
Editions Les Moutons électriques

Lien vers le site

13/05/2023

Stefan Platteau, Les Embrasés, Les Sentiers des Astres, éditons Les Moutons électriques

Stefan Platteau, Les Embrasés, Les Sentiers des Astres
éditions Les Moutons électriques 

En ce printemps 2023, Les Moutons électriques donnent l'occasion à nos bibliothèques de s'enorgueillir d'un nouveau Stefan Platteau.

Néanmoins, point d'emballement car il ne s'agit pas du très attendu tome 5 de son incroyable saga, Les Sentiers des Astres. Pour cette sortie, il faudra donc encore vous armer d'un peu de patience. 

Avec Les Embrasés, Stefan Platteau nous propose donc une lecture en trois temps dont un roman inédit. 

C'est une publication qui a le double intérêt d'offrir une parfaite porte d'entrée à l'univers de Stefan Platteau ou de ménager aux lecteurs de la première heure un moment privilégié avec cette plume exceptionnelle de l'imaginaire francophone. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse qui réchauffe les cœurs.


Ce recueil s'ouvre sur la novella, Mille et une torches qui peut clairement se lire comme un préquel au cycle, Les Sentiers des Astres car l'auteur nous y décrit l'étincelle qui a allumé la guerre civile dont il est justement question dans ses premiers romans. 

Résumé :

On y retrouve Maroué Luari, prisonnière en son château depuis la débâcle de ses partisans, l'obligeant à signer en ce jour la rédition de son duché de Narrakhin. Mais alors que la messe semble dite, un élément perturbateur pourrait bien renverser la situation, qui sait ? 

Mon avis :

Pour nous conter ces instants historiques, Stefan Platteau s'appuie sur différents observateurs qui viennent chacun à leur tour apporter leurs témoignages des faits. Or, la construction narrative choisie n'est pas anodine puisqu'elle rappelle étrangement celle utilisée dans sa grande saga. Les témoins de ces événements du jour incarnent en quelque sorte les conteurs que furent Manesh et Shakti dans les premiers tomes des Sentiers des Astres. L'auteur démontre ainsi sa volonté de créer un effet miroir permettant à ses textes de rayonner entre eux. 

En outre, ce préambule nous donne un bref aperçu de la puissante magie mise en œuvre par Stefan Platteau dans son univers par l'intermédiaire d'un coup de force époustouflant.  

Enfin, cette novella est une belle entrée en matière pour goûter aux intrigues politiques qui nourrissent largement la saga. 


Ensuite, ce livre enchaîne sur Dévoreur, une novella déjà parue précédemment mais dont la présente réédition est indispensable pour la compréhension et l'appréciation du texte suivant.

Résumé :  

On y fait la rencontre de Peyr Romo et de sa femme Aube qui vivent assez solitairement sur le Mont Carmin. Mais, en tant que mage, Peyr doit régulièrement s'absenter et laisse Aube et leurs enfants Lupin et Sita, seuls le temps de ses missions. Un jour, alors qu'Aube est à nouveau abandonnée, elle est perturbée par le comportement de plus en plus étrange de leur ami Vidal depuis son retour de la dernière foire où il etait censé vendre ses ânes. D'irrascible à menaçant, elle le voit lentement vriller et commence sérieusement à craindre pour la vie des filles de son ami. Quelle mouche l'a donc piqué ? Et, s'il s'en prenait physiquement à ses propres enfants, son devoir ne serait-il pas de tenter quelque chose ? Sans nouvelle de son époux, Aube trouvera-t-elle le courage d'intervenir et si oui, quel en sera le prix ? 

Mon avis :

Avec Dévoreur, on fait la connaissance d'une nouvelle communauté de personnages qui évoluent dans le même monde que celui des Sentiers des Astres puisqu'ils marchent également sous le regard scrutateur des astres. 

Or, ce texte satellite est fondamental pour appréhender le caractère mystique de la cosmogonie qu'il a imaginée. Entre ses lignes, on prend la mesure de l'influence qu'exercent les planètes sur tous les êtres qui foulent les terres de l'Héritage. De même, elles permettent pour qui a le don d'interagir avec les élémentaires qui lui sont propres pour peu que des liens se soient créés par l'entremise de la prière, par exemple. 

Sous la plume de Stefan Platteau, la magie se fait impétueuse et puissante, promettant des scènes fabuleuses et envoûtantes. 

Dévoreur draine une ambiance fantastique qui se teinte progressivement de notes horrifiques. Stefan Platteau y dépose une pesanteur diffuse qui se transforme peu à peu en malaise ambiant, à travers son personnage de Vidal qui quitte vite son air jovial pour laisser place à un masque, d'abord hostile, puis effrayant. A chaque contact avec ce protagoniste, la tension monte et l'angoisse nous étreint. L'auteur joue pleinement ici avec l'atmosphère de son texte pour susciter moult émotions dans le cœur de ses lecteurs. On s'attend au pire à chaque page tournée, d'autant que derrière les traits de ce Vidal, on peut y voir la personnification de Chronos qui dévorait ses propres enfants par crainte qu'ils le détrônent.  

Alors quoi de plus difficile pour Peyr de voir en ennemi son ami de toujours. Stefan Platteau aime placer ses personnages dans d'impossibles situations afin de tester l'âme humaine et voir jusqu'où elle est prête à aller. 

23/11/2022

Nicolas Texier, L'Ombre à Berlin, éditions Les Moutons électriques

Nicolas Texier, L'Ombre à Berlin, éditions Les Moutons électriques 

Après avoir collaboré au roman graphique, Fumée, publié en août dernier, Nicolas Texier n'a pas quitté sa plume car il signe en septembre, L'Ombre à Berlin, magnifiquement illustré par Melchior Ascaride

Lu dans le cadre d'un nouveau partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Erwan Cherel pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Été 1932, Jakob Blumen est accusé du meurtre d'un jeune SS. Sa fille, Adèle n'arrive pas à croire à sa culpabilité et est bien décidée à prouver son innocence, en dépit des milices nazies qui ne vont pas manquer de la traquer. Avec l'aide de sa logeuse ex-bosseuse et lesbienne extralucide et de son ami, soigneur dans un zoo, ils vont s'engager dans une enquête dangereuse plongeant à pieds joints dans le surnaturel auquel le NSDAP semble intiment lié. Pour autant, arriveront-ils à faire éclater la vérité sans y perdre eux-mêmes la liberté et même la vie ? 

Mon avis :

L'Ombre à Berlin est un récit uchronique qui prend cadre dans la République de Weimar moribonde puisqu'on est propulsé au moment où le pouvoir politique est progressivement confisqué par le NSDAP. La montée du nazisme marque le début des persécutions juives. L'ambiance est donc à la suspicion et à l'accusation. Or, elle sert parfaitement l'intrigue de Nicolas Texier qui prend comme point de départ le meurtre d'un SS et que la police veut faire endosser à un Juif. Il nous embarque dans les méandres d'une enquête : celle d'une jeune fille prête à braver le danger pour innocenter son père. D'ailleurs, ses investigations la conduisent à explorer l'envers du décor de l'idéologie nazie. Sous la plume de Nicolas Texier, l'obsession d'une race aryenne supérieure est ici liée à une résurgence de la mythologie germanique. En effet, les Nazis interprètent les nombreux malheurs qui se sont abattus sur l'Allemagne depuis la Grande Guerre comme étant le signe d'un prochain Ragnarök, autrement une apocalypse dont ils imaginent pouvoir s'extraire grâce au mythique navire Naglfar. Ainsi, l'auteur emprunte avec beaucoup d'ingéniosité des éléments notables des mythes pour servir à dessein son intrigue qui repose allègrement sur le complot. 

L'univers imaginé par Nicolas Texier est donc très immersif car il mêle les heures sombres de l'Histoire à un ésotérisme marqué par du spiritisme et des expériences scientifiques fort étranges. 

02/09/2022

Élisabeth Ebory, La Famille de l'Hiver et le Roi-Fée, éditions Les Moutons électriques

Élisabeth Ebory, La Famille de l'Hiver et le Roi-Fée, éditions Les Moutons électriques

Cette année, Les Moutons électriques mettent de la féerie dans la rentrée de la fantasy en conviant la sublime plume d'Élisabeth Ebory.

Comme en témoigne son premier roman, La Fée, la pie et le printemps, le monde des fées est un univers de prédilection où elle excelle. Alors la découvrir à l'affiche de cette rentrée des Indes de l'imaginaire porte déjà le goût d'une merveilleuse retrouvaille.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Erwan pour l'envoi de ce service de presse. 

Orégane et Marcus sont liés par une belle amitié. Alors qu'elle est une fée exilée sur la terre des hommes, lui est un simple humain rejeté par les siens, à commencer par sa propre famille. Tous deux se mettent en quête du Sidh pour notamment y retrouver un mystérieux héros qui visite les rêves de Marcus. Arrivés sur les lieux, ils sont vite pris dans le tumulte des événements qui bousculent la paix du territoire des fées. En effet, un être se faisant appeler le brouillard-qui-rit accompagné d'une horde de spectres sèment la panique dans les rues tout en critiquant le pouvoir du Roi-Fée. Pourront-ils aider à clarifier la situation, tout en affrontant leurs propres démons du passé ? 

La Famille de l'Hiver et le Roi-Fée nous immerge dans un cadre fabuleux inspiré particulièrement par la mythologie irlandaise. En effet, Elisabeth Ebory nous entraîne dans l'Autre-Monde, communément appelé Sidh, où naguère les Tuatha de Danann ont trouvé refuge après que l'Irlande ait été conquise par les Milésiens. C'est ainsi que ces dieux déchus sont devenus des fées régnant sur de vastes royaumes sous la terre. 

L'autrice s'est donc nourrie de différents mythes pour construire son propre univers comme lorsqu'elle emprunte à la mythologie slave une certaine déesse associée à l'hiver du nom de Morana ou encore du folklore breton à travers la figure de l'Ankou, pour ne citer que ces deux références. 

En outre, si elle a conservé des éléments notables tirés de la mythologie celtique comme le fait que le Sidh ne soit accessible que sur invitation d'une Bansidh, Élisabeth Ebory a surtout imaginé ici un Sidh meurtri par le lourd tribut payé aux dieux qui ont traqué les fées et même tué leurs enfants. Or, sous l'impulsion du Roi-Fée qui, à coup de manigances et d'omissions, tente de guérir son peuple de ses traumatismes et recherche même par tous les moyens à faire renaître leur puissante magie disparue. Seulement, on n'efface pas de profondes blessures aussi facilement et les fantômes de ces vies volées sont de retour pour demander des comptes. 

Ainsi, la plume d'Élisabeth Ebory donne ici vie à une féerie toute en clair obscur qui émerveille autant qu'elle rend triste. Emprunte d'ombre et de lumière,  l'intrigue de La Famille de l'Hiver et le Roi-Fée confronte finalement les fées à des drames très actuels comme la montée de la haine entre les peuples, l'instauration d'une vive intolérance, l'escalade de la violence allant jusqu'à des représailles sanglantes et mortelles. Tourmenté par ces mêmes affres, le peuple des fées réclame justice sous peine de laisser l'ire collective s'emparer de leur cœur et de s'abattre sur le monde. A travers son roman, Élisabeth Ebory met clairement en exergue les failles de notre société qui emprisonne les gens dans un modèle sociale étouffant tout en les empêchant d'être eux-mêmes dans toutes leurs différences.

27/08/2022

Jean-Philippe Jaworski, Le Chevalier aux Épines, volume 1, Récits du Vieux Royaume, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Chevaliers aux Épines, Volume 1, 
Récits du Vieux Royaume
éditions Les Moutons électriques

Oyez, oyez , Gentes Dames et Nobles Damoiseau, je me fais le héraut d'une grande nouvelle qui ravira les amateurs de la plume de Jean-Philippe Jaworski. 

En effet, en janvier 2023, le célèbre auteur de fantasy française repose ses valises au Vieux Royaume pour nous entraîner dans une nouvelle aventure épique portée par votre serviteur du Service des dames et où un illustre spadassin de votre connaissance pourrait y faire quelques apparitions.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Erwan pour l'envoi de ce service de presse. 

Après avoir fait faux bond à la duchesse Audéarde de Bromael lors de son procès, le chevalier Ædan de Vaumacel semble bien décidé, un an après les faits, à vouloir restaurer son honneur et celui de la dame. Or, cela tombe bien car un tournoi est organisé par les fils de la duchesse déchue afin de confronter les partisans du duc de Bromael, alors notre célèbre chevalier va donc pouvoir y défendre les couleurs d'Audéarde. Seulement, il semble encore une fois accaparé par une affaire des plus pressantes, la disparition de quelques enfants de manants. Toutes à ses préoccupations, arrivera-t-il à temps pour honorer ses joutes ? D'autant que l'instant n'est pas tellement à la liesse avec des esprits qui s'échauffent vite et menacent même la fragile paix instaurée. 

Changement d'ambiance avec Le Chevalier aux Épines où Jean-Philippe Jaworski nous immerge dans un récit épique qui prend la suite de son roman, Le Service des dames. Pour n'avoir lu, pour le moment, que Gagner la Guerre, lire cette fantasy chevaleresque a été une nouvelle expérience littéraire pour moi. Clairement, Le Chevalier aux Épines se nourrie autant de la matière de Bretagne que de la Chanson de Geste. Sur le modèle du cycle arthurien qui nous conte les aventures de la classe noble et guerrière à l'époque du légendaire roi Arthur, Jean-Philippe Jaworski s'en est inspiré pour tisser son intrigue autour des rivalités des puissants du Vieux Royaume. A coup de tournois ou de quête héroïque, les protagonistes de cette histoire nous transportent dans un tourbillon de péripéties à l'issue belliqueuse inéluctable. Par ces descriptions très précises du déroulement des tournois, le respect des règles de la chevalerie ou encore la notion d'amour courtois, on ressent pleinement l'influence des textes de tradition celtique. Une appréciation renforcée ici par l'irruption du merveilleux trahissant ainsi le mysticisme propre à l'héritage celte. 

Une touche fabuleuse qui surgit de manière inattendue pour venir influencer les événements en prenant, par exemple, la forme d'une enchanteresse. Dans son récit, l'auteur démontre son attachement au cycle arthurien en parsemant notamment son texte de clins d’œil ou d'emprunts au mythe, à l'image de ce Méléagant qui, lui aussi, se fait le ravisseur d'une dame. A grand renfort de longs poèmes dignes des plus belles Chansons de Geste, la plume de Jean-Philippe Jaworski se montre une nouvelle fois très stylisée pour nous conter des hauts faits qui ont marqué la Léomance. 

23/08/2022

Jean-Philippe Jaworski, Gagner la Guerre, editions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Gagner la Guerre, éditions Les Moutons électriques

De la nouvelle au roman, Jean-Philippe Jaworski s'est très vite imposé comme un auteur phare de la fantasy française. 

Avec ses 230 000 exemplaires vendus, son roman Gagner la Guerre caracole en tête des classiques du genre. 

Il était donc temps que je le lise, d'autant que je l'ai dans son édition limitée, tirée à seulement 3000 exemplaires que les Moutons électriques ont publié en 2020. Or, il fallait bien un si luxueux écrin pour accueillir les récits du Vieux Royaume. 

Dans Gagner la Guerre, on retrouve Benvenuto Gesufal chargé d'une mission secrète pour le compte du Podestat auprès du Chah Eurymaxas afin de mettre un terme à la guerre opposant la République à Ressine au profit exclusif de Léonide Ducatore lui-même. Voilà une tâche bien ingrate pour l'homme de main qui va d'ailleurs le conduire à commettre un acte de trahison et finalement lui coûter fort cher, y compris dans sa propre chair. Mais peut-on réellement dire non à l'homme le plus puissant de Ciudalia. 

Pour nourrir l'univers qui sert d'écrin à son roman Gagner la Guerre, Jean-Philippe Jaworski s'est inspiré de la Renaissance italienne du XVe siècle. En effet, sa cité Ciudalia qui sert de cadre d'action principal au récit n'est pas sans rappeler Florence sous la coupe des Médicis. D'autant qu'on y retrouve également des familles praticiennes rivales qui luttent pour conserver le pouvoir comme les Médicis le firent pour contrer l'influence des Albizzi, des Alberti et des Strozzi. Ciudalia est donc en but aux mêmes problématiques et voit ses quartiers être aux mains de factions partisanes. De même, les familles praticiennes siégeant au Sénat sont également adeptes du mécénat artistique pour asseoir le prestige social et politique de leur lignée comme cela est de mise depuis la Renaissance. 

Le Vieux Royaume pose donc les bases d'un monde miroir à l'Europe de l'époque moderne, habité par un soupçon de magie. Celle-ci se dessine en filigrane de l'histoire lorsque le narrateur y est confronté. Ces manifestations ésotériques tiennent beaucoup à la nécromancie et sont réservées aux initiés. Pour y être le témoin autant que la victime, Benvenuto Gesufal conserve une méfiance à son égard et s'en tient éloigné autant que faire se peut. 

Gagner la Guerre repose sur une intrigue tissée de complots politiques au cœur desquels Benvenuto Gesufal tente de mettre son esprit et son épée au service de sa survie. Plus souvent ballotté par les événements que maître d'eux,  l'homme de main du Podestat incarne le parfait témoin du jeu de dupes qui anime les puissants de Ciudalia. Entre cabales, trahisons et chausse-trappes, Gagner la Guerre nous dévoile les coulisses d'un pouvoir dévoyé par l'ambition. Sous la plume de Jean-Philippe Jaworski, le récit se déroule comme une partie d'échecs dans laquelle Benvenuto Gesufal n'est pas maître de son jeu promettant ainsi aux lecteurs moult rebondissements très intrigants. 

La force de ce texte tient également au caractère fourbe et parfois fort détestable de son personnage principal. Assassin et joueur invétéré, Jean-Philippe Jaworski n'a pas hésité à lui forcer le trait. Qu'on l'aime ou le déteste, on n'y est juste pas indifférent. Rustre, fieffé et gouailleur, Benvenuto Gesufal est tout en coups d'éclats, capable du pire comme du meilleur. On apprend à le découvrir au fil des pages de ce roman, notamment en prenant connaissance de son passé, ce qui fatalement influe sur notre première impression plutôt entachée par ses odieux et inacceptables comportements.  Benvenuto Gesufal est un être ambivalent et retors que l'auteur se plaît à malmener. Mais tel le chat avec ses neuf vies, le mercenaire semble toujours retomber sur ses pieds. Je dois avouer que l'on se prend vite au jeu de le suivre dans les aventures qui menacent sa vie à tour de bras et finissent immanquablement par nous attacher à lui. 

Bien sûr, je pourrais vous parler également du rusé Podestat et de son insupportable fille, mais je n'en ferais rien, préférant vous laisser le loisir d'apprécier par vous-même ces deux personnalités bien atypiques. 

16/08/2022

Nicolas Texier & Melchior Ascaride, Fumée, collection La Bibliothèque Dessinée, éditions Les Moutons électriques

Nicolas Texier & Melchior Ascaride, Fumée
collection La Bibliothèque Dessinée, 
éditions Les Moutons électriques

La plume de Nicolas Texier, je l'ai découverte avec son roman de fantasy antique, Les Ménades. Mais changement de décor pour son dernier livre qui investit le terrain d'une fantasy plus urbaine. Mieux encore, il a embarqué le talentueux Melchior Ascaride dans son aventure car Fumée a la particularité d'être un roman graphique

Au regard du produit fini, on peut se dire que le mariage entre les deux a bien pris pour nous embarquer dans un road trip fantasmagorique et un tantinet brumeux. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Erwan pour l'envoi de ce service de presse. 

Dans Fumée, on suit les investigations d'un inspecteur de la Sûreté chargé d'enquêter sur la disparition d'une certaine Nicotine. En remontant la piste de cette mystérieuse fée, un faisceau d'indices va le conduire à investiguer du côté d'un trafiquant d'armes et à fréquenter les quartiers les plus chauds. L'affaire s'annonce donc épineuse, d'autant que se frotter à un gros poisson n'est pas exempt de danger. Mais notre inspecteur est trop têtu pour abandonner en cours de route, n'est-ce-pas !

Fumée prend cadre dans le Paris des années 50 que l'on arpente aux côtés de cet inspecteur qui nous balade des locaux du 38 quai des Orfèvres aux quartiers les plus glauques de la capitale en faisant quelques détours de l'autre côté du périphérique. 

De ce Paris sombre et cru surgit le merveilleux sous la forme de créatures féeriques ou mythologiques qui apparaissent comme autant de chimères après lesquelles court le personnage principal de ce livre. Le caractère surnaturel s'harmonise bien ici aux codes du roman noir qui nous plonge dans la réalité sociétale d'une France traumatisée et précaire sous la coupe du crime organisé. 

Sous la plume de Nicolas Texier, l'onirisme se pare d'atours improbables avec une fée de la cigarette aux prises avec les mafieux du coin et pourchassée par une bande de djinns chevauchant des canassons qui semblent sortis tout droit de l'enfer. Éthérée comme la fumée qu'elle dégage, elle demeure longtemps insaisissable autant pour l'inspecteur de la Sûreté que pour ses mythiques poursuivants. Mystérieuse et envoûtante, Nicotine est comme ces drogues dures dont on ne peut se sevrer que dans la douleur. Ainsi, la retrouver tourne à l'obsession pour notre inspecteur, quitte à se faire tabasser par des truands sans scrupules ou à risquer sa carrière auprès d'une hiérarchie sceptique. 

En outre, cette enquête prend vite le goût d'une descente aux enfers pour notre inspecteur qui ne peut s'empêcher d'avoir des réminiscences de cette expérience traumatisante que fut la guerre d'Algérie. En effet, chacune de ses avancées le conduit à faire remonter à la surface de douloureux souvenirs à propos de sa jeunesse perdue qui lui promettait un doux mariage pour laisser place à l'horreur implacable de la violence des combats et aux exactions inhérentes à la guerre, perpétrées sur des peuples innocents. Comme pour conjurer le sort, et peut-être trouver sa rédemption, il ne peut ici abandonner l'idée de sauver Nicotine des griffes du danger qui la menace. 

Fumée dessine les contours d'un univers sombre et violent que l'on découvre à travers le regard tragique et pessimiste que le personnage principal porte sur la société.