Keith Parkinson est né en 1958 en
Californie et nous a quittés précocement en 2005 des suites d’une leucémie. Cet
article va donc être l’occasion de lui rendre hommage, de saluer le grand
artiste fantasy qu’il était et de
mettre à l’honneur la beauté de son travail.
Dans sa petite enfance, il est
scolarisé à San Diego et plus tard obtient son baccalauréat dans le Michigan.
Très jeune, Keith Parkinson s’intéresse à l’art et au dessin. Comme d’autres
avant et après lui, il est fasciné par les œuvres de J.R.R. Tolkien, ce qui l’a
conduit dès le lycée à peindre de vastes paysages peuplés ici ou là de
créatures fantasmagoriques. En fait, Keith Parkinson se passionne par deux
activités : le dessin et la musique puisqu’il sera aussi pendant quelques
années batteur dans un groupe de rock.
Néanmoins, son rêve de devenir un
musicien à succès s’envole et il se concentre plutôt sur son autre art en
rentrant à la Kendall School of Design dont il ressort diplômé en 1980.
Pour son premier emploi, il
intègre la société Advertising Posters qui est spécialisée dans la décoration
des flippers et autres jeux d’arcade. Une première occasion pour lui de laisser
son talent s’exprimer.
Il est également l’auteur des
illustrations des pochettes d’albums de musique du groupe de métal Hyperion.
Ensuite, il travaille pendant
cinq ans chez TSR, une célèbre société éditrice de jeu de rôle, notamment
connue pour Donjons et Dragons. Là,
il y illustre des magazines, des livres, des boîtes de jeux et même des
calendriers. Il participe notamment à la mise en images des plus célèbres jeux
qui ont marqué le début de l’industrie du jeu vidéo comme Dragonlance, Forgotten Realms,
Gamma World et Amazing Stories. Des jeux dont on notera la forte influence avec
les univers imaginaires fantasy et
SF.
Après cette longue expérience,
Keith Parkinson souhaite reprendre son indépendance afin de consacrer les
sept années suivantes à la réalisation de couvertures pour de célèbres éditeurs
de livres comme Random House, Bantman et Penguin Books. Et c’est même pour les
plus grands noms de la fantasy qu’il
va créer ses couvertures. Terry Goodking, David Eddings, Anne McCaffrey, Orson
Scott Card, Margaret Weis, Tracy Hickman ou encore Terry Brooks sont autant de belles
rencontres professionnelles pour Keith Parkinson qui vont lui permettre
d’asseoir sa carrière. Il est clair que le fait de travailler pour des noms
aussi prestigieux, cela ne pouvait
qu’être bénéfique pour lui. Période faste pour notre illustrateur qui sera
récompensé par de nombreuses distinctions, dont le Chesley Awards pour la
meilleure illustration de couvertures de livres en 1988 et 1989.
Parallèlement il cède les droits
de ses œuvres pour des jeux vidéo, des puzzles ou encore des romans à
l’étranger.
En 1995, il surfe sur la vague du
succès des jeux de cartes à collectionner et créer Guardians financé et édité
par FPG. Sa traduction en plusieurs langues : française, allemande, hollandaise
et hongroise marque son indéniable réussite. Le but de ce jeu est un combat qui
s’engage entre deux et plus "Vierkuns" ou Gardiens pour le contrôle de territoires. Pour
gagner, il faut donc s’associer à des créatures afin de vaincre l’adversaire
et/ou occuper toutes les terres d’un royaume. Le petit plus de ce jeu est la
participation d’illustrateurs de renom qui vont dessiner les personnages
inventés par Keith Parkinson. Ce qui vient renforcer la qualité du jeu et confirmer ainsi sa notoriété.
Les dernières années de sa vie,
il les a consacrées à la production d’illustrations pour des jeux en ligne tels
EverQuest online ou Summoner.
Au vu de l’ensemble de son
travail, il est évident que Keith Parkinson entretient une relation forte avec
les univers merveilleux. Il nous propose des créations originales et réalistes.
Prenons l’exemple des fameuses couvertures des romans de Terry Goodkind.
Chacune d’entre elles retransmet bien l’essence des livres. Pour la plupart, on
y retrouve de grandioses paysages avec tantôt des montagnes, tantôt des forêts
en arrière-plan. Et souvent le couple de héros de Terry Goodkind, Richard Rahl
et Kahlan Amnell sont présents sur ces
illustrations. Une manière pour Keith Parkinson de nous rappeler l'éternel combat de ce couple pour la survie de l'humanité contre les forces du Mal. Perdus dans cette immensité, on ressent bien le caractère épique
sous-jacent propre aux grands récits fantasy.
Comme certains de ses homologues, Keith Parkinson joue parfois dans
ses dessins sur la clarté, et les contrastes. Il oriente ainsi la lumière pour
éclairer tel ou tel détail. Son but ici est de mettre en valeur un élément
fondamental au récit. Cela est très fort par exemple pour le sixième tome La Foi des Réprouvés qu'un puits de lumière vient mettre en valeur
le couple de statuts taillées par Richard dans le roman. Il y a une telle puissance dans ce tableau qu'il a réussi à accéder à la demande de Terry Goodkind, à savoir faire transparaître le caractère héroïque de l'individu. Certains de ses dessins
sont si réalistes que cela nous donnerait presque l’impression d’avoir à faire
à un paysage existant. Keith Parkinson est un perfectionniste qui fait les choses
à fond. Clairement il a lu chacun des romans avant de se mettre à la tâche. Cela est très flagrant notamment pour les
romans où Richard est le plus malmené. Les couvertures y sont très évocatrices. Keith Parkinson a voulu y faire ressortir le réel danger
que vivent les héros de Terry Goodkind. Pour illustrer ce propos, on peut citer L'Empire des Vaincus. On y retrouve d'abord Richard et Kahlan main dans la main pour signifier qu'ils font toujours front ensemble face au danger. Quoi d'autre sur cette couverture, une immense statue, enfin un ouvrage de pierre qui fut sans doute gigantesque par le passé mais qui semble à l'abandon à ce moment du récit, enraciné dans le sol. Un choix judicieux au vu du titre car cette statue représente un guerrier, épée à la main car prêt à pourfendre l'ennemi et à défendre l'empire mais le côté "délabré" prouve bien que cet empire a été vaincu. Or, Richard et sa compagne viennent s'y recueillir comme pour se rappeler le passé et y trouver la solution pour vaincre à nouveau. La brume couvrant la chaîne de montagnes derrière cet édifice fait penser au danger qu'ils vont devoir affronter. Les tableaux de Keith Parkinson demeurent très lumineux, très vivants. Le résultat y est juste bluffant. Par l'intermédiaire de ses illustrations, il a tout simplement cherché à faire ressortir l'essence même du roman. Rien qu'en y jetant un œil, si on est suffisamment attentif, on pressent déjà la grande aventure que l'on va trouver à l'intérieur.
Même travail d'orfèvre pour certaines couvertures des romans de David Eddings comme pour celle de Ceux qui brillent, dans laquelle on se retrouve d'emblée projeté au cœur du combat. Le danger est réel puisque c'est une embuscade qui attend le héros sur cette illustration. La légende est d'ailleurs très éloquente Menace dans la brume. Un dessin qui n'est pas avare en détails à travers l'armure du chevalier, les tenues vestimentaires et les armes des Vikings sans parler de la nature environnante: les rochers, et une nature automnale.
Avant de conclure ce court tour d'horizon des plus grandes réalisations de Keith Parkinson, il est sans doute important de parler de sa toute première couverture. Pour rappel, il a dessiné celle du premier tome des Royaumes oubliés de Douglas Niles, Le Coureur des Ténèbres. Petit aveu de l'illustrateur est de l'avoir réalisé dans ce qu'il qualifie de "période grise", et c'est bien l'impression que l'on a en admirant ce tableau. L'arrière-plan est gris et brumeux au point qu'on devine à peine la forteresse médiéval dans le fond du tableau. Un état d'esprit qui fut sans doute très utile à ce moment car il reflète bien le roman dont l'intitulé est très évocateur. Ce coureur sur son destrier blanc entouré par des créatures monstrueuses symbolise bien la lutte du Bien et du Mal typique des romans de fantasy.
Face à de telles merveilles, il
est clair que Keith Parkinson fut un grand artiste. En réalisant les
couvertures de romans, il contribue au succès de ces derniers. Car au-delà de
la lecture du résumé, ce qui favorise l'intérêt pour un
livre, c’est aussi l'illustration qui orne la couverture. Il faut qu’elle attire l’œil car c’est la
première chose qu’un lecteur remarque en se promenant entre les étals d’une
librairie. Or, peu importe la couverture que l'on admire, elles sont toutes plus sublimes les unes que les autres. On y reconnaît
parfaitement le graphisme particulier de la littérature fantasy. Celles-ci ne sont pas surchargées de détails magiques.
Bien au contraire, Keith Parkinson y a fait les choses simplement mais
parfaitement. Un travail qui n'est pas si aisé car comme il le dit lui même: "Le "vrai boulot" de l'illustrateur est de travailler de façon à faire vendre le produit, de satisfaire les acheteurs de ses dessins et de représenter le produit de façon fidèle, tout en réalisant une oeuvre d'art qu'il soit fier de signer" (propos extraits de l'Artbook qui lui est consacré publié aux éditions Milady en 2010).
Malgré une disparition prématurée, Keith Parkinson laisse tout de même un héritage opulent. En effet, en travaillant sur de nombreux projets, il a largement démontré tout son talent en donnant une identité visuelle à sa fantasy reconnaissable entre mille. De nombreux tableaux qu'on aura jamais de cesse d'admirer; de véritables œuvres d'art qui invitent ou inviteront ceux qui ne connaissent pas encore à découvrir telle ou telle aventure vidéo ou littéraire où seule la fantasy sait nous emporter.
Fantasy à la carte