L'influence du "gaming" à la littérature

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17/04/2020

Lionel Davoust, l'Imaginaire français sans frontière


Né en 1978, Lionel Davoust est un touche-à-tout. Traducteur, nouvelliste, romancier, il s’épanouit dans l’univers des lettres et du livre.

Il débute sa carrière en traduisant des textes pour les éditions L’Atalante et s’attaque ainsi à la traduction des romans de Terry Pratchett ou de Sean Russell, par exemple. Parallèlement, il devient le directeur littéraire de la revue de fantasy, Asphodale publiée aux éditions Imaginaires Sans Frontières.

C’est dans le fanzine rennais « Est-ce F ? » et la revue Galaxies, qu’il publie ses premières nouvelles. C’est le début d’une nouvelle aventure pour lui. Il tient le rythme, à partir de 2004, de deux à trois nouvelles par an, éditées dans différents supports. Son premier succès, il va le rencontrer avec « L’IleClose », parue en France dans l’anthologie De Brocéliande à Avalon aux éditions Terre de Brume, et traduit en américain pour l’anthologie Interfictions 2. Cette nouvelle obtiendra d’ailleurs le prix Imaginales en 2009.

En 2010, il publie son premier roman aux éditions Critic, La Volonté du Dragon qui est immédiatement sélectionné par les prix Futuriales, Imaginales et Elbakin.net. Un roman qui se lit comme une partie d’échecs et dont l’enjeu n’est pas moins  que le destin d’un royaume et des hommes qui le peuplent. Lorsque le généralissime d’Eolus Vastech arrive avec son armada aux portes de Qhmarr, il pense à une reddition immédiate mais c’est sans compter l’étrange résistance du jeune souverain.

Cette même année sort son recueil de nouvelles, L’importance de ton regard qui contient notamment sa fameuse nouvelle primée « L’île Close ».

Lionel Davoust est également l’auteur d’une trilogie de thrillers initiatiques, Léviathan, dont le premier volet, La Chute sort en 2011, suivi de La Nuit en 2012 et Le Pouvoir, en 2013. Au cours de cette même année, il rejoint un collectif de musiciens et d’auteurs de l’imaginaire qui propose des lectures de textes en live avec accompagnement musical. Une autre approche pour mettre ces littératures à l’honneur.

2014 est une année charnière pour lui car il reprend son univers d’Evanégyre qu’il a décidé de développer. Ainsi sort La Routede la Conquête aux éditions Critic. Une série de six novellas qui permet de comprendre les grandes étapes par lesquelles est passé le Saint Empire d’Asrethia pour conquérir Evanégyre. 


En 2015, il écrit Port d’Âmes qui relate la vie mouvementée de Rhuys ap Kaledan. De retour à Aniagrad après 8 ans de servitude dans la Marine, il espère prendre sa revanche en récupérant son titre de baron et en faisant revivre son domaine. Mais réussir dans cette ville ne sera pas chose aisée, les chausse-trappes ne vont pas manquer de border sa route.

Depuis 2017, il s’est attelé à l’écriture de sa pentalogie des DieuxSauvages qui nous emmène à La Rhovelle. Depuis la chute de l'Empire d'Asrethia, le monde est distordu, parcouru d'anomalies qui ont donné naissance à des zones instables, dangereuses et inhabitables. C'est dans cet univers que la jeune trappeuse Mériane est choisie par le dieu Wer pour devenir son Héraut, sa voix, son bras armé : elle aura pour mission de fédérer les peuples et d'organiser la défense du royaume face aux forces du Mal qui ne vont pas tarder à déferler. Cinq tomes qui vont nous relater par le menu comment un monde va sombrer dans la folie juste pour répondre à la soif de conquête de certains.

Néanmoins, en parallèle de la rédaction des Dieux Sauvages, Lionel Davoust continue de publier des nouvelles. Les dernières en date sont parues en 2019 dans un recueil titré Contes Hybrides chez Les Editions Mille Cent Quinze. Il y explore autant les futurs fantasmés de l'humanité qu'il part en quête de merveilleux.

Mais revenons à son cycle des Dieux Sauvages  qui constitue donc l’œuvre la plus aboutie de l’univers d’Evanégyre. Elle mêle tous les éléments forts du genre : espaces cartographiés, mythologie et personnages héroïques. C’est la combinaison de tous ces ingrédients qui va donner une grande légitimité à cette œuvre.

Ainsi, Lionel Davoust insère son épopée dans une géographie précise, cartographiée par Roxane Millard. Les lecteurs peuvent se reporter à cette carte, insérée au début de chaque livre afin de mieux suivre la progression de ses héros. La Rhovelle est bordée à l’est par le golfe des Longues Houles, à l’ouest par Les Mortes Couronnes (d’où part l’armée d’Aska), au nord, par La Magnecie et au sud, par La Grande Vassière. L’intérieur même de La Rhovelle est délimitée par le fleuve Aÿs qui coupe le royaume en deux avec au nord la Linacie et au sud, La Belnacie. Voilà pour la description des grandes lignes de cet univers qui sert de terrain de jeu à l’auteur.

Comme souvent en littérature fantasy, il y a une grande spiritualité qui se dégage de ces textes. C’est finalement la croyance en l’existence d’un panthéon de divinités qui motive cette aventure. C’est très perceptible dans Les Dieux Sauvages puisque les affrontements sont conduits par deux entités divines, deux dieux, deux frères qui cherchent par la ferveur des croyants à dominer le monde. Comme nous suivons cette histoire essentiellement du point de vue de Mériane qui porte la parole de Wer, on n’est donc plus volontairement enclin à soutenir le parti de ce dernier qui incarne ici la vie et donc par extension le Bien, alors qu’Aska qui mène des êtres difformes et  profondément modifiés à la bataille représente, de fait, le Mal. Seulement, à y regarder de plus près, les choses ne sont pas si simples. Car après tout, l’armée d’Aska, ce n’est ni plus ni moins, des hommes et des femmes qui ont été abandonnés par la lumière de Wer. Tous ces laissés-pour-compte des Mortes Couronnes vont servir à la vengeance du dieu aveugle qui en profite pour distiller dans leur cœur, haine et rancœur qui vont servir de moteur pour la reconquête du royaume. Seulement, comme souvent en fantasy, la frontière entre le Bien et le Mal est floue et les personnages ne sont ni noirs ni blancs. De fait, on peut considérer les Askalites comme des victimes collatérales de la soif de pouvoir des dieux. Peu importe le camp, ils sont tous des jouets entre les mains de ces puissances supérieures. Toute la force de ce récit réside dans cette lutte dont on ne sait finalement pas où placer la frontière.

Que serait un bon récit sans personnages forts et charismatiques pour mener l’aventure ? Lionel Davoust a bien intégré cet élément à sa saga en introduisant une belle communauté de héros aux personnalités variées. Seulement, pour écrire son cycle, l’auteur a fait preuve d’une grande rigueur. En effet, même s’il tourne sur un petit nombre de protagonistes, il ne s’éparpille pas pour autant et ne nous égare donc pas. Pour appréhender l’histoire, on passe d’un point de vue à l’autre. Chaque paragraphe étant signalé ici par le nom du protagoniste. Ce qui permet un meilleur ancrage dans le récit tout en assurant notre attachement aux héros.

Parmi les grandes figures de ce cycle, arrive en tête Mériane, la Messagère du Ciel, le Héraut de cette grande épopée. Très jeune, elle se voit chargée d’un fardeau souvent trop lourd pour ses frêles épaules. Dans une société machiste qui voue un mépris, voire une haine du genre féminin, se faire entendre promet d’être difficile. Mériane est un choix surprenant car elle ne colle pas forcément à l’archétype du héros de fantasy. Du fait de son jeune âge, notamment. Elle n’a pas la carrure ni l’envie d’endosser ce rôle. Elle est amère, et n’a, à la base, aucune conviction religieuse. C’est plutôt une marginale, une paria. On l’imagine donc mal haranguer les foules pour sauver Evanégyre. Et pourtant, c’est ce qu’elle va faire et avec beaucoup de charme, de surcroît. Elle apporte un vrai trait d’humour. Son sale caractère et la mauvaise grâce qu’elle y met offrent des échanges avec Wer parfois explosifs. A la fois forte et fragile, drôle et combative, elle est une héroïne que l’on n’oublie pas. Léopol, son compagnon des premiers instants est un personnage ambivalent. Il est perpétuellement torturé entre sa fidélité pour Mériane et ses devoirs envers le werisme. Fortement endoctriné depuis l’enfance, difficile pour lui d’assumer ses choix de soutenir la Messagère du Ciel face aux autres croisés. Lorsque l’on a passé une grande partie de sa vie à entendre le même discours, accepter de voir les choses autrement n’est pas un chemin facile à prendre. Pourtant, c’est celui qu’il a décidé d’emprunter. Les obstacles sont pour lui autant d’épreuves envoyées par Dieu. A lui de les surmonter pour être accueilli parmi les justes. Il se dégage une grande spiritualité de ce personnage très sérieux, qui contraste avec la juvénilité de Mériane. Mais Lionel Davoust ne s’est pas contenté d’explorer la figure du guerrier dans ses romans. On y rencontre aussi des personnages rusés comme ce Guil Redel qui n’agit que pour son intérêt et change de camps s’il le juge nécessaire. Détestable, il l’est à souhait, mais il est un pion important dans cette grande partie d’échecs que mènent Wer et Aska. Tous ne sont pas des combattants hors-pair mais occupent tout de même une position stratégique comme Erwel de Rhovelle, le prince héritier, à qui le trône doit revenir. Beaucoup veulent se servir de lui ; il est un atout pour certains et un otage pour d’autres. Erwel est un idéaliste qui va voir ses illusions s’envoler. Avec l’invasion des Askalites, il va devoir vite mûrir et apprendre de ses erreurs pour se forger le destin qui lui tend les bras. Avec sa candeur, il est sans doute l’un des héros les plus attachants de Lionel Davoust. Du chaos, certains ambitieux pensent en profiter. Maragal Dwelen, le fameux chronète de Mériane en est un parfait exemple. Il espère marquer l’Histoire et voir le vent tourner en sa faveur, en racontant les hauts faits du Héraut de Wer. Il n’est pas mauvais en soi, mais il reste un calculateur qui n’agit surtout qu’en fonction de ce qui va le servir. Bien entendu, l’auteur n’a pas omis d’introduire des personnages profondément sombres comme le ténébreux Ganner. Commandant des armées askalites, élu d’Aska il est le pendant de Mériane. Froid, monstrueux, réfléchi, il est un redoutable adversaire car à la différence de la jeune femme, il ne ressent rien. Massacrer ses troupes ne le dérange pas, bien au contraire ! L’important est d’arriver à ses fins, à savoir conquérir La Rhovelle et étendre l’Eternel Crépuscule afin qu’Aska domine le monde. Il semble toujours avoir un coup d’avance sur ses ennemis. Rien n’est laissé au hasard avec lui et c’est bien ce qui est le plus inquiétant. Comment vaincre un ennemi sans failles ? Entouré de Spectres Armurés, de Santoriaux, d’Effrais, autant d’humains modifiés, il semble bien invincible.
Dans son cycle des Dieux Sauvages, Lionel Davoust donne la parole à une multitude de personnages qui sont à la fois témoins et acteurs de ce qui ébranle Evanégyre. Entre coups d’éclats et coups d’estocs, l’auteur a su s’attacher ses lecteurs au fur et à mesure des tomes. Et ses héros aux multiples facettes y sont clairement pour quelque chose.

L’autre force de ce cycle fleuve s’exprime dans la construction d’un univers mêlant magie et technologie. Evanégyre a connu un cataclysme d’une telle ampleur qu’elle renaît profondément modifiée. Pour le meilleur et pour le pire, les peuples ont survécu et se sont adaptés aux anomalies qui déforment maintenant le paysage. La magie a échappé à tout contrôle, elle est corrompue et corrompt à son tour ce qu’elle touche. Les préceptes de Wer véhiculent la crainte de cette magie, et tient ainsi la population dans un obscurantisme total. Ce qui fera d’ailleurs la force d’Aska qui va la reprendre à son compte et la déchaîner sur un peuple désarmé. Car de simples armes humaines ne peuvent rien contre la puissance magique.

L’auteur nous dépeint un monde nourri de noirceur et de mensonges. Chaque roman révèle sa part de secrets et nous donne au fur et à mesure une conscience aiguë de l’étendue de la supercherie.

Les codes de la fantasy sont bien là, l’épopée et l’héroïsme aussi. Les Dieux Sauvages, c’est le bon dosage de ce que l’on aime de la fantasy avec l’ingrédient en plus qui rend accro, l’humour.

Ce sont tous ces éléments qui inscrivent ce cycle de fantasy et à travers lui, l’auteur lui-même, dans le panthéon des œuvres à lire et des écrivains français à suivre. 

Lionel Davoust maîtrise finalement tous les formats et s’épanouit dans tous les genres de l’Imaginaire. Que l’on apprécie les grandes sagas ou les courts récits, il est impossible d’échapper à cette plume qui a su, au fil des années, s’imposer dans nos bibliothèques.   

Fantasy à la Carte

17/06/2016

Pierre Grimbert, l’auteur qui a placé la fantasy française sur la première marche du succès

Originaire du Nord Pas de Calais, Pierre Grimbert est un auteur français de fantasy né le 23 septembre 1970. Issu de parents instituteurs, il obtient un baccalauréat scientifique, puis poursuit ses études supérieures à Lille et à Bordeaux. Il s’oriente vers les métiers du livre et commence une carrière de bibliothécaire avant de devenir infographiste.
Il s’initie d’abord à la scénarisation de BD avant de se lancer en 1995 dans l’écriture de son premier roman, Six Héritiers, premier tome de la tétralogie Le Secret de Ji qui le rendra si célèbre. Le cycle est édité en deux parties en 1997 par les éditions Mnémos. A peine publié, ce premier volume reçoit deux prestigieuses distinctions, le Prix Julia Verlanger, décerné par la Fondation de France et le prix Ozone, attribué par les lecteurs du Science-Fiction Magazine.
 
Dès 1998, il choisit de se consacrer pleinement à l’écriture et déménage en Normandie où il entame le cycle de La Malerune. Ce cycle de fantasy conte la quête du chevalier Eras de Garamont accompagné d’un vieux mage du nom de Zétide, d’un monstrueux lycante et de sa fille afin de retrouver la rune de la Belle Arcane, seul espoir de sauver le royaume de la destruction. A l’origine cette série se destinait à un jeune public sauf que les éditions Mnémos ont renoncé à créer une collection jeunesse, ce qui a demandé à Pierre Grimbert de retravailler son texte afin qu’il devienne un cycle de fantasy pour adultes. Or, cela nécessitait un tel travail que l’auteur a dû abandonner ce projet au profit de deux autres séries jeunesse. Néanmoins cette trilogie de La Malerune sera achevée par un autre auteur de fantasy, Michel Robert. Pour en revenir aux autres projets d’écriture auxquels s’est consacré Pierre Grimbert, il y a d’abord Dragonia composée de six romans, publiés dans les années 2000 par les éditions Bayard dont les histoires sont indépendantes les unes des autres avec pour seul point commun l’univers Dragonia dans lequel se déroule l’action. Mais à la même époque, il écrit également une autre série jeunesse de quatre romans publiés d’abord aux éditions Degliame sous l’intitulé les Aventuriers de l’Irréel, puis rebaptisés plus tard Dragon X aux éditions Octobre. Des romans qui racontent le destin d’un jeune garçon et de ses copains dont la vie se trouve bouleversée par une console de jeu vidéo.
Puis en 2002, il fonde avec son épouse Audrey Françaix les éditions Octobre. A partir de 2004, il se consacre à l’écriture de la suite du Secret de Ji, Les Enfants de Ji (entre 2004 et 2006) et Les Gardiens de Ji (entre 2008 et 2012). Il s’attelle également à une nouvelle saga, Gonelore sur laquelle il travaille encore à ce jour. Après des années de paix, le monde de Gonelore se voit encore menacé par de terrifiantes créatures qui risquent de semer un chaos général. Face à cette terrible menace, il faut à nouveau faire appel aux arpenteurs: des guides, des guerriers dont on avait oublié l’existence mais qui sont les seuls êtres capables de sauver Gonelore. Le premier cycle de cette série est publié de 2013 à 2014. Et en 2015, un second cycle s’ouvre avec la sortie d’un premier tome. Le second livre est quant à lui prévu pour novembre 2016. De plus, Gonelore est également une série qui s’exporte puisque depuis 2014, elle est traduite en allemand par l’éditeur Heyne Verlag.
Après ces quelques lignes retraçant la carrière littéraire de Pierre Grimbert, il est temps de reprendre le chemin de Ji pour comprendre comment une telle tétralogie a permis à la fantasy française de s’asseoir une belle réputation par-delà les frontières.

Le Secret de Ji, c’est d’abord un univers grandiose, à la géographie détaillée dans lequel évolue le récit de Pierre Grimbert. Une double carte accompagne les romans afin de se repérer tout au long de l’aventure. Les pays imaginés sont nombreux, Pierre Grimbert les décrit avec minutie au fur et à mesure de son écrit. Il fait preuve d’une grande méticulosité pour faire naître sous sa plume les décors qui sont le théâtre de sa saga. En suivant les péripéties de sa communauté de héros, on traverse tour à tour déserts, montagnes, forêts, bourgs ou capitales. Chaque lieu est estampillé d’un nom propre. Que les personnages soient à pied, à cheval ou en bateau, ils nous font pénétrer dans un territoire fabuleux qui ferait presque pâlir d’envie La Terre du Milieu tant la cohérence et la précision des lieux sont également au rendez-vous.

Quelques pages suffisent pour faire connaissance avec les personnages qui se retrouvent rapidement propulsés au cœur d’une quête aux enjeux périlleux et capitaux. Voyant leur vie menacée par une horde de tueurs assoiffés de sang, chacun des héros se voit contraint d’abandonner la tranquillité de sa vie, et ses proches pour partir sur les chemins et tenter de disparaître. Seulement, on n’échappe pas à son destin. En cours de route, ils finissent par se retrouver car même si tout semble les opposer, une même destinée les unit pourtant. Ils sont les héritiers d’un groupe d’hommes et de femmes qui un siècle plus tôt se sont réunis à l’appel d’un certain Nol l’Etrange sur une île mystérieuse dont l’objectif final demeure obscur. Pour les descendants, la seule solution est de retourner sur l’île afin de découvrir par eux-mêmes le secret de l’île de Ji. De rebondissement en rebondissement, cette quête de vérité les obligera à parcourir tout l’univers imaginé par l’auteur pour tenter de comprendre. Chaque étape est une révélation retentissante pour nos héros et met peu à peu en exergue la traditionnelle lutte entre le Bien et le Mal. Les ennemis affluent autour d’eux les obligeant à croiser le fer pour survivre. Découvrir l’instigateur qui leur envoie tous ces tueurs va dévoiler un danger plus grand encore car c’est une menace pour l’humanité toute entière. Justement dans Le Secret de Ji, le Mal est personnifié par Saat, l’Econome. Un sorcier aux pouvoirs immenses qui puise sa force dans l’énergie d’un démon. Pourquoi agit-il ainsi ? Sans doute par avidité parce que le pouvoir lui a monté à la tête. Son but avoué, anéantir chaque croyance religieuse et réduire en esclavage la population de tous les royaumes en leur imposant un culte unique, celui de Sombre, dit celui qui vainc. Un endoctrinement violent qui ne peut se faire que par la force, et le meurtre. L’avenir s’annonce donc sombre et la seule étincelle d’espoir réside ici dans les héritiers.
Ce grand récit de high fantasy est donc porté également par une belle communauté de personnages. Pierre Grimbert a pris le temps de façonner chacun de ses héros en leur attribuant des caractéristiques très personnelles. Communauté hétéroclite mais qui au final se complète bien pour nous offrir une grande aventure. Il y a d’abord Corenn qui fait figure de sage au sein de cette histoire. Grande diplomate, Corenn est si pondérée que ses compagnons de voyage se tournent naturellement vers elle pour les guider. De péripétie en péripétie, elle affirme peu à peu son rôle de ligueuse. Aux côtés de cette dernière vient instinctivement se placer Grigan, le guerrier du groupe qui est prêt à tout pour sauver ses amis et en premier lieu Corenn elle-même pour qui il éprouve un certain attachement. Le géant Bowbaq, c’est le gentil nounours de la bande. Grand respectueux de la nature, il est contre l’usage des armes et prône la paix. Mais ses sentiments vont évoluer au cours de l’aventure où il sera contraint bien malgré lui de les prendre pour défendre les siens, et tenir sa famille en sécurité. Reyan, est quant à lui le comique du groupe. Il est le personnage le plus amusant de Pierre Grimbert. Ce Don Juan est la dose de frivolité et de légèreté du récit. Lana est la belle héroïne de l’histoire. Fervente croyante en la déesse Eurydice, elle est la bienveillance même, et est à ce titre une proie facile pour les méchants. Léti est la jeune nièce de Corenn. Intrépide et fougueuse, elle perd peu à peu son innocence pour devenir une redoutable guerrière au fur et à mesure de la quête. Enfin Yan est l’amoureux transi de Léti. Il incarne la candeur par excellence. Jeune et naïf, il se trouve enrôlé dans cette aventure par amour et fidélité pour sa promise. Comme tous ses compagnons de voyage, il va connaître une sacrée évolution. Plus que la maturité, cette quête va lui ouvrir une nouvelle vie en lui offrant de sacrées perspectives plutôt magiques, d’ailleurs.

Dernier élément à signaler est bien entendu la présence inévitable de la magie au sein de ces romans de fantasy. Qu’elle soit bénéfique ou maléfique, elle s’entremêle intimement à l’histoire. Au départ, elle n’est ni bonne ni mauvaise, c’est une puissance vierge pour ainsi dire. Ce qui compte, c’est ce que l’on en fait. Il ne faut pas se laisser corrompre par l’avidité, la cupidité, l’envie pour ne pas être consumé par son désir de puissance et de domination sur les autres. La magie est au cœur même de cette lutte du Bien et du Mal. Ici, elle est donc soit maléfique à l’image de Saat et Sombre, soit bénéfique à l’image des pouvoirs de Corenn et de Yan. Elle est liée à la nature : la terre, l’eau, le vent et le feu. Elle peut également se manifester à travers la capacité de certains à pénétrer l’esprit d’autrui, d’un animal par exemple comme le pratique Bowbaq car il est un Erjak ou d’un autre humain comme tente de le faire Yan en essayant d’atténuer l’essence sublime de l’avatar de Sombre.
Ce Secret de Ji mêle bien tous les éléments caractéristiques du genre. Avec Pierre Grimbert, pas besoin de lire les trois-quarts du cycle pour percevoir la qualité de ce récit. En effet, on est emportés dès les premières lignes et donc pas étonnés de l’immense succès que cette saga a rencontré depuis sa publication. Ce premier cycle est d’ailleurs traduit dans quatre langues : allemand, anglais, tchèque et néerlandais. Et en français, le cycle connait tous les formats de publication et totalise 100 000 séries vendues. En signant cette première tétralogie, Pierre Grimbert prouve simplement que la fantasy n’est pas la chasse gardée des auteurs anglo-saxons car Le Secret de Ji laisse définitivement son empreinte dans le paysage littéraire des littératures de l’Imaginaire.  

Fantasy à la carte

06/03/2016

Laurell Kaye Hamilton, la reine de l’ombre

L’écrivaine américaine Laurell K. Hamilton est née le 19 février 1963 à Heber Springs dans le Kansas. Dans son enfance, elle est bercée par les contes que lui raconte sa grand-mère et qui vont la marquer profondément comme l’histoire du Squelette Sanglant dont elle reprendra le titre pour l’un de ses romans. Grâce à sa bibliographie riche en romans d’horreur et de fantasy urbaine, sa carrière d’auteure à succès est assise à l’heure d’aujourd’hui. Elle a grandi dans l’Indiana après le divorce de ses parents. Plus tard, elle étudie l’anglais et la biologie au Marion College en Virginie. Puis diplômée, elle part vivre quelques-temps en Californie pour finalement s’installer à Saint Louis, dans le Missouri. Ce sont d’ailleurs deux lieux de prédilection pour faire se dérouler les histoires de ses deux plus grandes sagas littéraires. Elle commence par travailler dans une maison d’édition, la Werrow Corp tout en se mettant elle-même à l’écriture. Ainsi en 1992 paraît son premier roman intitulé NightSeer. Un texte largement influencé par ceux de J.R.R. Tolkien et Robert E. Howard. Dans la même année, elle publie une nouvelle Nightshade pour la série Star Trek.

C’est en 1993 qu’elle s’attelle à Anita Blake et qui compte aujourd’hui vingt-six tomes dont vingt-trois sont pour l’instant traduits en France. Comme le titre de cette série l’indique, il s’agit du destin d’une jeune femme de 24 ans prénommée Anita, vivant à Saint-Louis aux Etats-Unis et occupant le poste de réanimatrice de zombies. Dans ce monde, les créatures de la nuit existent bel et bien et ont pour certaines une présence autorisée et même légale. Anita Blake est chargée de réanimer les morts à la demande des familles moyennant finances afin que celles-ci règlent un différent, ou fassent leur deuil. Mais notre jeune héroïne est également l’exécutrice officielle des vampires qui commettent des crimes. Elle s'est d’ailleurs forgée une sacrée réputation dans le monde de la nuit et bien que très jeune, elle est craint de tous. Ainsi, chaque tome correspond à une aventure que vit la jeune femme.
Son autre importante série littéraire est Merry Gentry qu’elle commence à écrire en 2000 et qui se compose actuellement de neuf tomes. Ici son héroïne est plus âgée de 10 ans et elle vit à Los Angeles pour y exercer le métier de détective privé spécialisé dans le paranormal. Enfin, ceci est sa couverture officielle car Merry est en réalité une princesse Sidhe de haute lignée et la nièce de la reine Andais d’Unseelie. C’est à la mort de son père qu’elle s’enfuit de la cour pour aller se réfugier à Los Angeles. Mais au cours de l’une de ses enquêtes, elle se découvre un pouvoir, celui de « La Main de Chair » qui lui permet d’anéantir ses ennemis. Avec la révélation d’un tel pouvoir, la reine Andais la pourchasse à nouveau mais étonnement pas pour la tuer mais pour lui proposer un marché. La reine lui offre la possibilité de monter sur le trône à la condition de tomber enceinte. Ainsi commence une nouvelle vie pour Meredith qui s’annonce d’ores et déjà pleines de rencontres masculines.
Avec deux cycles majeurs qui se classent clairement en fantasy urbaine et appartient même au sous-genre bit-lit (voir l’article sur Charlaine Harris), il était donc temps à Fantasy à la carte de lui faire une place. Puisque son cycle d’Anita Blake est le plus important, parlons-en de manière plus approfondie. 

Comme toute bonne héroïne de bit-lit qui se respecte, Anita Blake est une humaine qui aspire à la vie la plus normale possible tout en étant confrontée dans son quotidien au surnaturel. Déjà par son travail enfin ses deux emplois puisqu’elle bosse à la fois dans une PME dont le but est de relever les morts et est chargée également d’exécuter les vampires criminels. Voici deux activités paranormales, et pourtant ses conditions de travail sont si proches de l’employé lambda. En effet, elle est sous-payée et est fortement déconsidérée par son patron. Mais comme elle le répète souvent, il faut savoir exploiter ses dons et il s’avère que le sien est d’avoir la capacité de parler aux défunts. Anita est en premier lieu un bourreau de travail comme peut l’être beaucoup d’hommes et de femmes. D’autant qu’il faut ajouter ses loisirs peu orthodoxes d’exécutrice de vampires, on peut dire que les journées d’Anita sont bien remplies et pas si ordinaires que ça. Quand on commence à lire ses aventures, on imagine une fille plutôt bien charpentée pour tenir tête aux assoiffés de sang, néanmoins lorsqu’on découvre Anita pour la première fois, l’étonnement s’empare de notre esprit. Petite brune, menue et juvénile, elle ressemble plus à une étudiante qu’à une tueuse implacable. Mignonne mais sans extravagance, on se sent finalement proche de l’héroïne de Laurell K. Hamilton. Enfin tant qu’elle se tient tranquille car croyez-moi lorsqu’elle se met à dégommer toutes les créatures autour d’elle qui en veulent à sa vie ou à celle de ses proches, vous révisez vite votre jugement à son sujet.

C’est à Saint-Louis que vit Anita Blake à une époque contemporaine à la nôtre. La différence étant ici que les humains vivent aux côtés de créatures surnaturelles. Dans le monde d’Anita Blake, celles-ci sont plus ou moins acceptées voire respectées tant qu’elles ne commettent pas de crimes. Ainsi les vampires, les métamorphes de toute origine exercent n’importe quelle profession et vivent en bonne intelligence avec les simples humains. Certains sont même de véritables chefs d’entreprise à l’image du vampire Jean-Claude, un multimillionnaire à la tête de nombreux clubs.

Bien sûr il existe un code constitué de règles à respecter afin de conserver un équilibre du monde pour qu’il ne bascule pas dans le Mal. Chaque ville américaine est contrôlée par un puissant vampire que l’on nomme le maître de la ville. Il possède son baiser, c'est-à-dire son groupe de créatures surhumaines qui lui doivent obéissance et fidélité. Leur intérêt est de se confondre avec les humains tout en évitant d’attirer l’attention des autorités. Naturellement qui dit puissance, dit risque d’hégémonie des voisins. Raison pour laquelle intervient régulièrement Anita afin de rétablir l’ordre au sein de sa ville. Il y a également des communautés de métamorphes dans lesquelles là aussi existe une hiérarchie précise avec un chef. Ces communautés portent des noms différents en fonction des races de métamorphes en présence. Ainsi, il y a par exemple le lupanar pour les loups-Garous ou le pard pour les léopards-Garous.

De ce fait, l’univers imaginé par Laurell K. Hamilton est complexe et ordonné tant que des crimes ne sont pas commis. Or, que serait un récit de fantasy sans lutte entre le Bien et le Mal, ce serait tout simplement une histoire où il manquerait l’essentiel. C’est donc là qu’intervient Anita Blake afin de rendre justice aux victimes, de protéger les citoyens et même parfois d’empêcher la domination du monde par des créatures de l’ombre bien trop avides de puissance.
Chaque roman se présente généralement comme une enquête que mène la jeune femme notamment lorsqu’elle est nommée agent fédéral pour résoudre les crimes surnaturels. Grâce à ses pouvoirs et à ses accointances avec le monde fantasmagorique, elle est un atout majeur pour la police qui fait régulièrement appel à elle. En conséquence, Laurell K. Hamilton donne une dimension policière à son récit de fantasy urbaine. 

Mais pas seulement car elle joue beaucoup sur la séduction, sur l’attirance qu’exercent ces créatures sur les humains. Il est de notoriété que le vampire est irrésistible et envoûtant pour les simples mortels. L’auteure surfe donc sur cet engouement littéraire et cinématographique pour ces êtres ténébreux afin d’apporter une bonne dose d’érotisme à ses textes. Ainsi, dans Les aventures d’Anita Blake, il n’est pas seulement question de résoudre des crimes, mais aussi de parler de romances, de relations humaines et/ou surhumaines, ou encore de la complexité des sentiments. Car même si on suit l’intrigue à travers les yeux d’Anita, Laurell K. Hamilton nous met en présence d’une sacrée collection de personnages. Elle a pris le temps de brosser le portrait de chacun d’eux dans un souci de réalisme pour le lecteur. Ils ont des caractéristiques et des natures propres à eux et finalement bien proches du simple humain. Son cycle est aussi un moyen pour Laurell K. Hamilton d’analyser la vie, et chacune des étapes par lesquelles l’Homme passe. Son héroïne est souvent confrontée à des situations dans lesquelles le lecteur s’identifie parfaitement. C’est donc une manière pour l’écrivaine de nous donner sa définition de l’amour, ou de l’amitié. 
On y parle de pouvoir, de sexualité sans tabous mais aussi de tendresse, et d’attachement. C’est également un moyen pour elle d’appréhender les thèmes sur la différence et la tolérance puisqu’Anita Blake va connaître une sacrée évolution au fur et à mesure des aventures. Elle qui considérait les vampires et les métamorphes comme des monstres au début de l’histoire, elle va réviser son jugement au fur et à mesure des tomes jusqu’à même éprouver des sentiments, et de la compréhension pour eux. Il y aussi une vraie réflexion sur le mythe de la vie éternelle et de la pureté de l’âme. En effet, au départ de l’histoire Anita craint pour son âme si elle se laisse aller à fréquenter les créatures de la nuit. Or, les choses changent et l’idée germe dans son esprit que ces êtres immortels possèdent également une âme même si cela est difficile à reconnaître. Finalement, quand on ouvre un roman d’Anita Blake, c’est une vraie leçon de vie que l’on y trouve avec une remise en question perpétuelle de ses croyances et de ses convictions. Laurell K. Hamilton aborde également beaucoup le rapport aux autres et à soi-même. Ses personnages sont forts de par leurs capacités surnaturelles mais faibles aussi car ils doivent apprendre à se comprendre et à s’aimer eux-mêmes. Un long chemin qu’il est possible d’atteindre grâce à l’amour de l’autre. Ce sont tous ces éléments que l’auteure incorpore dans ses textes qui sont intéressants pour le lecteur et donnent matière à réfléchir.

Il est clair qu’à l’heure d'aujourd’hui la série Anita Blake est un vrai succès éditorial et certains romans sont même considérés comme des best-sellers. Ainsi le tome 11, Péchés céruléens obtient dès sa sortie la seconde position des meilleures ventes selon le New York Times et va occuper cette place pendant quatre semaines. Chaque sortie est attendue et ses romans sont devenus une garantie pour les éditeurs qui les publient comme en France les éditions Bragelonne sous le label Milady.

Un succès qui pousse Laurell K. Hamilton à explorer d’autres pistes pour enrichir sa saga. En 2005, elle publie pour la première fois un roman isolé qui ne met pas en scène Anita mais son partenaire Micah. Présenté sous forme de nouvelles, c’est un moyen pour l’auteur d’en révéler plus sur ce personnage et donc de développer davantage son univers. 

D’autre part, pour aller encore plus loin Laurell K. Hamilton a accepté de faire adapter ses romans en bande-dessinée. C’est ainsi que né en octobre 2006, le premier comic des aventures d’Anita Blake, Plaisirs Coupables adapté en douze numéros par la société Dabel Brothers en partenariat avec Marvel. Face à ce succès, Marvel décide d’adapter le second tome Le Cadavre Rieur mais en quinze volumes cette fois-ci. Enfin, une mini-série de deux numéros faisant office de spin-off sort également. Elle s’intitule First Death et se concentre sur la rencontre entre Edward et Anita. En France, c’est Milady qui rachète les droits et qui sort en 2011 le premier comic d’Anita Blake pour venir alimenter sa collection Milady Graphics sans pour autant en faire paraître davantage à ce jour. Pour Laurell K. Hamilton, c’était à la fois un moyen de toucher un autre public qui ne connaissait pas encore ses romans mais aussi une réponse à la demande des fans de voir leur héroïne favorite prendre vie sous forme de dessins. Une décision marketing mais pas que car cela reste une autre façon d’appréhender l’univers si riche et si complexe d’Anita Blake et il faut savoir contenter tout le monde. Alors à quand la suite française des aventures de notre célèbre tueuse de vampires au format comics ?
En se renouvelant à chaque tome, Laurell K. Hamilton a su conserver depuis toutes ces années l’attention de son public. Et la question que l’on se pose à l'heure d'aujourd'hui est jusqu’où nous emmènera-t-elle encore ?

Fantasy à la carte 


20/12/2015

Joanne Kathleen Rowling ou comment la magie prend forme?

Joanne Rowling est une romancière britannique née en 1965 dans le Gloucestershire, en Angleterre. Elle voit sa carrière d’écrivaine s’envoler sur le tard grâce à la notoriété mondiale de sa saga Harry Potter. Voici une auteure dont le destin est assez atypique et mérite toute notre attention. En effet, J.K. Rowling est dans une situation précaire, voire désespérée lorsqu’elle s’attelle à l’écriture des aventures de son jeune sorcier. Jeune mère divorcée vivant en partie grâce aux allocations, il lui faudra attendre de longues années et essuyer bien des refus avant de voir son histoire être éditée.

Comme beaucoup d’auteurs, elle écrit sa première histoire très jeune, à l’âge de 6 ans. Elle y conte les aventures d’un lapin prénommé Rabbit. Mais c’est à l’adolescence, à son meilleur ami qu’elle déclare vouloir devenir écrivain. D’ailleurs, pour l’anecdote, il lui aurait inspiré le portrait de son personnage Ronald Weasley. Au lycée, son intérêt se porte plus volontiers vers les langues que vers les sciences. Ensuite, elle poursuit sa scolarisation à l’université en perfectionnant son français et en se consacrant pendant un temps à l’étude des littératures antiques. Mais elle va très vite privilégier ses amis et la lecture et n’obtient qu’un diplôme de deuxième classe. Son diplôme en poche, elle déménage à Londres et décroche quelques petits boulots comme celui d’assistante de recherche chez Amnesty International. 

C’est en 1990, lors d’un voyage en train entre Manchester et Londres que germe dans son esprit l’idée d’un jeune garçon attendant le train l’emmenant vers son école de sorcellerie. Dès lors, elle va annoter toutes ses idées et conserver le tout dans des boîtes à chaussures. La disparition de sa mère en décembre 1990 la pousse à prendre ses distances et à partir s’installer au Portugal. Elle y décroche un emploi à mi-temps de professeure d’anglais qui lui laisse toute la latitude pour se consacrer à l’écriture de son roman. C’est également au Portugal qu’elle rencontre son premier mari, un journaliste, qu’elle épouse en 1992. De cette union, naîtra une fille prénommée Jessica Isabel en 1993. Mais le couple ne tient pas, et Joanne Rowling se retrouve à la rue, son bébé sous le bras. Elle retourne vivre quelques temps chez sa sœur à Edimbourg, puis finit par emménager seule avec sa fille dans un petit appartement d’un quartier populaire de cette même ville. Sa terrible situation la plonge plus ou moins dans une phase de dépression. Elle sait qu’elle doit retravailler au plus vite mais s’obstine à vouloir terminer son livre coûte que coûte afin d’essayer de le faire publier. 

A peine achevé, J.K. Rowling commence par envoyer les trois premiers chapitres à un agent littéraire qui lui retourne aussitôt car pas intéressé. En revanche, le second, lui, souhaite lire l’intégralité du roman afin de lui trouver un éditeur. Pas moins de dix éditeurs refusent le manuscrit jusqu’à ce qu’il arrive entre les mains de Barry Cunningham de Bloomsbury Publishing. Le roman est finalement publié en 1997 dans la catégorie jeunesse. La première édition a un faible tirage qui s’élève seulement à 1000 exemplaires. Mais très vite, le livre est remarqué et s’inscrit dans la liste des meilleures ventes. Ainsi, il obtient différents prix comme celui du British Book Awards ou le Children’s Book of the Year. 
En France, ce sont les éditions Gallimard qui achètent en premier les droits pour une traduction et aux Etats-Unis, les éditions Scholastic propose même de verser 105 000 dollars afin de pouvoir le publier. Grâce à cet argent, J.K. Rowling peut enfin vivre son rêve de se consacrer pleinement à l’écriture et d’en vivre. Ainsi, sous sa plume va naître sept volumes qui viennent constituer sa saga. Chaque tome correspond à une année que son héros Harry Potter passe à Poudlard. 

Chaque livre est un succès en librairie, mais la publication du quatrième tome Harry Potter et la Coupe de Feu devient un véritable phénomène avec plus d’un million d’exemplaires vendus en prévente. Traduits en pas moins de 65 langues, les sept romans totalisent plus de 400 millions d’exemplaires vendus. A ce stade, on peut clairement parler de succès mondial, que l’adaptation cinématographique ne fait que venir renforcer peu après. 

Parallèlement à l’écriture de sa célèbre série, elle publie deux ouvrages évoluant dans le même univers qu’Harry Potter, Les animaux fantastiques et Le Quidditch à travers les âges édités en 2001. Ces deux livres se présentent comme des manuels scolaires dont les petits sorciers ont l’usage à l’école Poudlard. Dans le premier, Albus Dumbledore dispense tous les conseils que tout jeune sorcier doit savoir lorsqu’il rencontre ces créatures fabuleuses. Quant au manuel sur le Quidditch, il se présente comme une bible nécessaire à tout joueur de ce sport. Il y retrouve toutes les règles répertoriées, les 700 motifs de fautes possibles et en apprend davantage sur les origines du Vif d’Or par exemple. En 2008, elle publie un livre pour enfants Les Contes de Beedle le Barde. Pour la petite histoire, ces contes seraient la traduction des runes de Beedle le Barde par le personnage d’Hermione Granger et annotée par Albus Dumbledore en personne. A l’origine, ce livre devait se limiter à sept exemplaires mais devant la déception de son public, J.K. Rowling décide d’en publier une version destinée au grand public. Ainsi, l’auteure nous démontre d’ores et déjà son désir d’aller plus loin dans l’exploration de son univers. 

C’est en 2012 qu’elle écrit son premier roman destiné à un public plus adulte, Une place à prendre. Une satire sociale à travers la vie d’un petit village où hypocrisie, jalousie et ambition mal placée se disputent le devant de la scène. 

En 2013, elle signe un premier roman policier sous le pseudonyme de Robert Galbraith. L’Appel du Coucou est édité en France chez Grasset. Premier opus d’une série mettant en scène les enquêtes du détective Cormoran Strike. Pour cette première affaire, il est chargé de déterminer si le mannequin Lula Landry s’est réellement suicidé. Thèse à laquelle la police a conclu mais qui laisse sceptique le frère de la défunte. Ce premier tome est suivi d’un deuxième en 2014 dans lequel Cormoran Strike est chargé d’éclaircir les circonstances de la disparition d’un écrivain. Quant au troisième livre, Career of evil, il n’a pas encore été traduit en France. En orientant sa plume vers d’autres horizons littéraires, J.K. Rowling prouve ainsi à son public qu’elle maîtrise tous les genres. 

Néanmoins, revenons à son cycle d’Harry Potter puisque l’importance ici est de parler de fantasy quelle que soit la forme qu’elle peut prendre. Tout commence lorsqu’un étrange vieil homme, accompagné d’un chat débarquent par une nuit noire au 4 Privet Drive à Little Whinging dans le Surrey en Angleterre et dépose un paquet sur le pas de la porte, puis disparaît. Dans ce paquet constitué de linges se trouve le très jeune Harry, encore un bébé. Un garçon marqué par un éclair sur le front dont le destin est déjà extraordinaire. Dix ans plus tard, le jeune orphelin Harry se prépare à fêter ses onze ans dans l’indifférence totale de son oncle et sa tante. Mais une chose incroyable va se passer, il trouve une lettre dans le courrier des Dursley qui lui est adressé. C’est une invitation à se présenter lors de la rentrée des classes à l’école de sorcellerie Poudlard. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que ce courrier va changer sa vie à tout jamais…
En se glissant dans le premier tome des aventures d’Harry Potter, on tombe sur un monde presque banal, celui du jeune Harry, un garçon âgé de 10 ans. Il vit avec son oncle et sa tante, Vernon et Pétunia Dursley et son cousin, du même âge. Toute son enfance, il a été chahuté par Dudley car bien plus fort que lui. Considéré comme un être insignifiant, les Dursley ont passé leur temps à le lui signifier. Déjà en le faisant dormir dans un placard sous l’escalier. Harry n’est personne, le rejeton de sa sœur, un fardeau pour Pétunia qui lui fait bien comprendre au quotidien. Atmosphère pesante pour cet orphelin en mal d’affection. A travers ses premiers chapitres, J.K. Rowling nous raconte une histoire aux accents de tragédie, celle d’un petit orphelin et de sa solitude. Rien de fantasy là-dedans, vous vous dites. En effet, l’élément qui va changer cette situation et apporter une touche de merveilleux est la réception de cette lettre adressée à Harry ou plutôt de son étonnant expéditeur, Poudlard, une école de magie. Très rationnel, Harry n’en croit pas ses yeux. Mais à partir de cet instant, bien des choses étranges vont se succéder. Déjà la folie dont est prise Vernon au point de les entraîner jusque sur une île afin de tenter d’échapper à cet afflux incessant de lettres de Poudlard. Pourquoi ? Qu’est-ce que le couple veut lui cacher ? Une école de magie, n’est-ce pas une mauvaise plaisanterie ? Autant de questions que se pose Harry. D’autant qu’il reste avec cette image gravée dans son esprit de la maison de Little Whinging entourée de nuées d’hiboux et de chouettes. Alors que les choses auraient pu en rester là, l’impensable survient. 


Perdu sur ce rocher, battu par les vents et submergé par les vagues, un demi-géant vient frapper à la porte de ce phare dans lequel les Dursley et leur neveu s’étaient réfugiés. Mais que veut-il ? Cette taille démesurée est tout simplement effrayante. Il se nomme Rubeus Hagrid et se présente comme le gardien des Clés et des Lieux à Poudlard. Il vient chercher Harry Potter. Hagrid est un personnage clé car il est celui qui va dévoiler à Harry l’existence d’un monde enchanté, une sorte de société secrète ignorée des non-détenteurs de magie, autrement dit des Moldus. Dès lors, cette saga Harry Potter s’inscrit dans un contexte de fantasy. En effet, nous sommes ici dans une société contemporaine à la nôtre mais qui présente une nette séparation entre le monde des Moldus, dont est issu Harry et celui des sorciers qu’il est sur le point de connaître. D'ailleurs, les Moldus ne doivent jamais apprendre l'existence des sorciers. L'usage de la magie est interdite en dehors de l'école. Enfreindre cette règle, c'est s'exposer à de graves sanctions. Les sorciers confirmés pratiquent cette magie mais toujours à l'abri des regards des non-initiés. Et si par malheur, ces derniers se trouvent témoins de phénomènes surnaturels, ils doivent subir un sort d'oubli. Dans le monde inventé par J.K. Rowling, ces sorciers vivent finalement comme des humains lambda. Les enfants vont à l’école aussi, ils y suivent un programme scolaire adapté et participent à des activités extra-scolaires très personnalisées. 

Bien évidemment dans cet univers, la magie est à l’œuvre et revêt bien des formes. Ainsi, les enfants qu’ils soient des sorciers dits de « Sang-Pur » (c'est-à-dire nés de deux parents sorciers) ou né de parents Moldus mais présentant une prédisposition à la sorcellerie, tous doivent être formés à la célèbre école de magie, Poudlard. D’ores et déjà, cette institution apparaît comme un haut-lieu d’enchantement. Elle dispense un certain nombre de cours en rapport comme la fabrication de potions, la maîtrise des sortilèges, la connaissance des créatures fantastiques, l’initiation à la botanique, ou encore l’aptitude aux techniques de divination et autres présages. La particularité à signaler de ce pensionnat est la répartition des élèves en quatre maisons : Gryffondor, Serpentard, Pouffsouffle et Serdaigle. Cette désignation se fait selon un rituel fabuleux puisque c’est le « choixpeau » magique placé sur la tête de l’élève lors de la cérémonie de rentrée qui décide vers quelle maison celui-ci ira. Un objet que l’on croira donc sans peine ensorcelé. 

Cette magie qui apparaît clairement comme le fil conducteur du récit de J.K. Rowling se manifeste également par d’autres objets indispensables à tout bon sorcier comme la baguette magique. La singularité ici est que lorsque les nouveaux sorciers se rendent chez Ollivander, grand fabricant de baguettes, ce n’est pas eux qui la choisissent, mais bien la baguette elle-même qui reconnaît son futur détenteur. Chacune est unique et renferme des propriétés spéciales. Elle est nécessaire au magicien pour affûter le lancement de ses sorts. Autre artefact merveilleux est le Portoloin, dont la particularité est d’être d’apparence anodine mais permet de se déplacer d’un endroit à l’autre à un horaire précis. Le miroir du Riséd est quant à lui un miroir magique qui a la capacité non pas de refléter son image mais plutôt de montrer ce que l'on désire le plus fort. Ainsi Harry Potter y voit ses parents prendre place à ses côtés. Enfin la poudre de cheminette permet de se déplacer de cheminée en cheminée en indiquant bien sa destination avant de la jeter dans le feu. 
Autre lieu où la magie est palpable, le fameux Chemin de Traverse, une rue commerçante destinée aux sorciers et aux sorcières. Ils y retrouvent tous les accessoires et les grimoires nécessaires à pratiquer leur art. Gringotts, la banque des sorciers tenue par les terribles gobelins s’y trouve également. L’établissement est d’ailleurs réputé imprenable à cause des nombreux sortilèges qui protègent les coffres forts. 

La variété de créatures surnaturelles que rencontrent Harry et ses amis démontre également le caractère fantasmagorique du récit. La plupart sont issues du bestiaire merveilleux classique comme les centaures qui peuplent la Forêt interdite jouxtant le domaine de Poudlard, le basilic qui pétrifie de son regard les malheureuses victimes qui le rencontrent dans Harry Potter et la chambre des secrets, le cerbère apprivoisé par Hagrid et chargé de veiller sur la Pierre Philosophale dans Harry Potter à l’école des sorciers, ou encore l’hippogriffe, à l’image de Buck qui aidera Sirius à s’échapper dans Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Mais l’auteure laisse son imagination déborder parfois et il lui arrive d’agrémenter son récit de créatures très personnelles comme le Détraqueur, un être maléfique enveloppé d’une cape et dont le visage est dissimulé sous une capuche. Lorsque l’on croise le chemin de l’un d’eux, on perd le goût de vivre, le bonheur nous fuit et les mauvais souvenirs nous submergent. Il y a aussi l’Epouvantard dont on ignore l’apparence originelle puisque lorsqu’on le rencontre, on ne voit en lui que nos peurs les plus profondes prendre vie. 

Tout comme son personnage de Severus Rogue, maître en potions, J.K. Rowling nous démontre tout au long de ses romans qu’elle excelle également dans cet art. En effet, mélanger des animaux merveilleux, des êtes fantasmagoriques, des objets ensorcelés et les pouvoirs détenus par de puissants magiciens ne pouvaient qu’aboutir à un filtre très attirant. Pari réussi pour cette jeune auteure dont la saga se classe dès sa sortie parmi les récits fantastiques de haut vol. 

Derrière ce cycle d’Harry Potter se cache une autre visée. En fait, il ne s’agit pas seulement ici de raconter comment un jeune garçon va devenir un grand sorcier, mais surtout de voir s’installer au fur et à mesure des tomes cette lutte du Bien et du Mal qui va s'ancrer de plus en plus fort dans le récit. On le sait cette lutte manichéenne est la base des textes traditionnels de fantasy et il s’avère qu’elle est également le socle de la trame de J.K. Rowling. En survivant à Lord Voldemort, Harry Potter est devenu un héros, un symbole d’espoir pour toute la communauté magique. On peut donc survivre face au Mal absolu et même le vaincre. Ce fut le cas pour Harry alors qu’il n’était qu’un bébé, non pas qu’il était puissant mais le sort d’amour et de protection tissé par sa mère l’était, lui. Lorsque Voldemort fait son grand retour, beaucoup se tournent vers Harry qui apparaît comme l’élu, comme le seul être bienfaisant capable de les sauver contre cette profonde noirceur. Bien entendu, cette révélation ne va pas apparaître dès les premières lignes de l’histoire. J.K. Rowling écrit son roman en sept tomes, ce n’est sans doute pas pour rien. Il faut laisser le temps à son personnage de mûrir, de prendre de la puissance. Poudlard est d’ailleurs là pour ça, pour le former à devenir un sorcier extraordinaire. Mais à la fin du premier tome, Harry le pressent déjà, ses affrontements avec Voldemort ne font que commencer, et arrivera le moment où l’un devra céder la place à l’autre. Mais avant cela, il a une quête à mener, celle de comprendre qui il est? Quelles sont ses origines? Puis vient sa quête de vengeance qui s'installe dès la fin du premier opus. Celle-ci va enfler lorsque de nouvelles personnes qui lui sont chères vont perdre également la vie à cause de Voldemort. Mais finalement, c'est bien dans une quête de survie qu'Harry va s'engager dans les derniers moments de son aventure. Non seulement Voldemort est un danger pour les sorciers mais également pour le monde entier qu'il veut asservir. Il est clairement un tueur qui ne cherche qu'une chose, gagner l'immortalité à n'importe quel prix. Or pour triompher du mal, Harry doit commencer par comprendre son ennemi intiment, afin de déterminer ses forces et ses faiblesses. Pour y arriver, des compagnons le soutiendront et lui apporteront toute l’aide nécessaire. En premier lieu, il y a ses deux inséparables amis, Hermione Granger et Ronald Weasley. Mais d’autres viendront grossir les rangs au fur et à mesure de l’aventure comme Albus Dumbledore qui fait office de sage, Sirius Black, la famille Weasley au complet, Remus Lupin, Luna Lovegood, Rubeus Hagrid et bien d’autres encore. Du côté obscur, Voldemort ne manque pas de disciples qu’Harry et les siens vont devoir affronter tour à tour comme Lucius Malefoy, Bellatrix Lestrange ou Peter Pettigrow. Ces derniers qui se surnomment eux-mêmes Mangemorts sont là pour affaiblir Harry Potter, l’isoler, voir le tuer. D’ailleurs, certains affrontements seront si sanglants pour les deux camps qu'ils ne s’en sortiront pas indemnes. Dans la saga de J.K. Rowling la mort rôde et emporte bien des âmes avec elle.
Cataloguer comme de la littérature pour enfants, Harry Potter dévoile peu à peu ses ténèbres et sa complexité aux lecteurs. Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles paraissent dans cette série de romans. Ainsi, les Dursley ne forment pas une famille douce et aimante, Poudlard n’est pas un simple établissement scolaire, et notre monde ne dévoile pas toujours toutes ses réalités. Car pour J.K. Rowling la magie existe, et elle est loin d’être toujours bienfaisante. L’homme est ce qu’il est, et si vous lui donnez un pouvoir, il n’en fera pas forcément quelque-chose de bien. Ainsi, la magie est détournée et pervertie. Il revient donc à Harry Potter de nous montrer qu'il est plus fort que ça. Mais comment vaincre le Mal le plus noir? Peut-être que la solution réside dans un sentiment très humain car l'amour n'est-il pas l'enchantement le plus fort?


En fait, sous la plume de J.K. Rowling la magie devient juste époustouflante. Harry Potter, c’est de l'envoûtement à l’état pur, c’est un récit rondement mené jusque dans ses dernières lignes, c’est une intrigue prenante mais aussi et surtout une quantité de personnages tous plus attachants les uns que les autres. L'auteure a bien soigné chacun d'entre eux. Tout est dépeint avec minutie et réalisme. Elle nous met dans la confidence d'un monde parallèle au nôtre, plus merveilleux mais aussi plus dangereux. Avec Harry Potter, le rêve prend tout simplement vie. Pour toutes ses raisons, on peut légitiment dire que ce cycle fait partie aujourd’hui des grands classiques de fantasy.


Fantasy à la carte