L'influence du "gaming" à la littérature

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29/09/2020

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 4, éditions L'Atalante

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 4, éditions L'Atalante

Avec ce quatrième tome, je continue ma lecture du Sang des 7 Rois de Régis Goddyn. Ecrit dans la même lignée que les trois premiers volets, ce roman n'a pas fait exception et continue toujours autant de me plaire. Je remercie une nouvelle fois Emma et les éditions L'Atalante pour l'envoi de ce service de presse. 

Orville retrouve ses amis Léo et Pétrus afin de les aider à libérer le marquis de Vallade, emprisonné dans son propre château par les hommes de Lothar. Non pas que ce soit un homme plaisant mais les rebelles ont besoin de lui ou plutôt de ses contacts pour créer une alliance avec les pirates. Leur refuge étant tombé aux mains de l'ennemi, suite à la trahison de l'un des leurs, ils n'ont pas d'autres choix que de trouver de nouveaux bastions s'ils veulent continuer leur lutte contre les capitaines-ambassadeurs. Rouault, quant à elle, a infiltré la crête de l'Est grâce aux membres de la Compagnie du Verrou afin de servir d'agent de liaison entre les rebelles et les Compagnons de cette société secrète. Lothar, lui, affermit son contrôle sur l'ensemble des sept royaumes. Il attend de recevoir les six poignées coulées à partir du métal de l'épée de Kradath afin de les livrer aux trois mystérieux personnages qui le commandent en sous-main. 

Ce quatrième volet est un roman charnière à ce cycle. Les événements se précipitent. On commence, par exemple, à mieux entrevoir les réelles intentions de Lothar à travers ses horribles agissements : des populations sacrifiées et l'édification dans le sang d'une forteresse imprenable au milieu de nulle part. A travers Lothar, Régis Goddyn quitte les rivages de la fantasy pour emmener ses lecteurs vers d'autres imaginaires. Ainsi, son univers, bien que fortement teinté de médiéval fantastique, semble finalement plus complexe que ce qu'il laissait penser jusque-là. L'auteur ouvre donc de nouvelles pistes qui ne demandent qu'à être explorées lors des prochains tomes. 

Avec ce volet, on retrouve bien tous les motifs du roman d'aventures. Régis Goddyn y alterne les scènes de bataille sur terre et sur mer. En effet, Orville y est de tous les combats : tantôt il s'introduit dans une forteresse lourdement gardée pour libérer un homme, tantôt il est un pirate qui s'apprête à attaquer la flotte ennemie. Avec ce livre, il faut donc s'attendre à changer de cap à chaque chapitre. D'ailleurs, il met suffisamment de personnages en scène pour varier les décors et les plaisirs. Son écriture y est nerveuse et insuffle un très bon rythme au récit. 

Piraterie, sociétés secrètes et magie, ce cycle du Sang des 7 Rois cumule donc tous les ingrédients qui font la force des grandes sagas de fantasy

Fantasy à la Carte
A lire aussi mes avis sur les tomes 1, 2 et 3 du Sang des 7 Rois

Régis Goddyn
Le Sang des 7 Rois
Tome 4
Editions L'Atalante

25/09/2020

Catherine Dufour, Au bal des absents, éditions du Seuil

Catherine Dufour, Au bal des absents, éditions du Seuil

Ingénieure en informatique et chroniqueuse au Monde Diplomatique, Catherine Dufour est également une autrice à l'imagination fertile. Il suffit de jeter un œil à sa bibliographie pour être impressionné autant par sa richesse que par la variété des genres explorés. 

Pour la rentrée, elle n'a d'ailleurs pas été en manque d'inspiration puisqu'elle nous propose un nouveau roman sorti au début du mois de septembre aux éditions du Seuil

Elle m'a fait la surprise de me l'envoyer en service de presse, alors je la remercie très chaleureusement pour l'intérêt qu'elle porte à mon blog Fantasy à la Carte

Dans Au bal des absents, on fait la connaissance de Claude, une quarantenaire au RSA qui est sur le point de perdre son studio, faute de pouvoir continuer à honorer le loyer. Découragée et perdue, elle reçoit, contre toute attente, une étonnante proposition de travail via Linkedin. Sa mission si elle l'accepte sera de louer une maison isolée, située au fin fond de la campagne, afin de découvrir ce qu'est devenue une famille, portée disparue un an auparavant. La rémunération étant conséquente, sans compter qu'elle sera logée, elle ne peut qu'accepter. Bien sûr, elle a bien conscience des dangers encourus, après tout une famille s'y est mystérieusement volatilisée mais a-t-elle vraiment un autre choix ? 

Avec ce roman, Catherine Dufour ne laisse percer aucun élément susceptible de nous orienter sur ce que l'on va réellement trouver dans ce récit. Le titre, la couverture et même le résumé sont volontairement neutres pour ménager la surprise aux lecteurs. Avec son habituel œil critique et son humour noir, l'autrice nous entraîne à la suite d'une héroïne cabossée par la vie. Esseulée et amère, Claude est aux abois. Broyée par le système, éjectée du monde professionnel, elle vivote et tente de survivre dans ce monde sans âme. 

A travers son personnage principal, Catherine Dufour met encore une fois en exergue les failles de notre société qui exclut les moins qualifiés, les trop jeunes, les plus vieux, les sans recommandations, autrement dit tous ceux qui ne rentrent pas ou plus dans le moule des diktats de ce monde moderne. 

Au bal des absents est un huis-clos bien ficelé. On s'attache complètement à cette héroïne désabusée par la vie mais qui fait pourtant preuve d'un sang-froid et d'une débrouillardise exceptionnels au vu de sa dramatique situation. On apprécie son humour et sa philosophie. Elle nous entraîne au cœur d'une enquête improbable et effrayante dont on ne sort, finalement, pas complètement indemne. 

Dans ce roman, l'autrice revisite également un genre bien apprécié des amateurs de frissons : l'horreur. En effet, c'est bien dans une maison hantée par des esprits que Claude emménage. Qu'ils soient de simples souvenirs emprisonnés dans des miroirs ou de terrifiants poltergeists, les fantômes qui habitent tante Colline lui promettent un séjour pour le moins effrayant. On ne s'étonne donc pas de retrouver l'ambiance typiquement morbide des lieux hantés. Vieille demeure isolée où chaque craquement nocturne devient une source d'angoisse. Pour un peu, on se croirait à Crimson Peak (film réalisé par Guillermo del Torro, en 2015). Il est vrai que les clins d’œil aux incontournables films du genre ne manquent pas dans ce roman, on n'échappe donc pas à la mention des cycles Amityville, Conjuring ou Blair Witch. Il fallait bien que Claude se documente sur le sujet, ne serait-ce que pour savoir comment les éliminer. Mais à la différence de toutes ces fictions construites sur le même modèle, Catherine Dufour n'a pas souhaité enfermer simplement son héroïne dans ce milieu sombre et hostile. Claude est plus retors et surtout moins naïve, elle a un instinct de survie développé. C'est pourquoi, elle ne se rend sur les lieux qu'après s'être armé d'un certain savoir sur la maison et ses occupants pour mieux venir à bout de cette menace. Ici, tous les clichés habituels du sel ou de l'eau bénite ne semblent pas efficaces pour contrer ces esprits en colère. Pire encore, certains fantômes font preuve d'une intelligence supérieure et usent même de la technologie pour manipuler les humains. Autant dire que Claude aura fort à faire pour avoir le dessus sur eux. 

Au vu de ces éléments, vous comprenez maintenant pourquoi je vous parle ici de ce livre. 

Hantée autant par les vivants qui lui ont cassé les pieds dans sa vie de chômeuse, que par les morts qui ne veulent décidément pas trouver le repos éternel, Claude est une héroïne pugnace dont on se sent finalement proche. 

Avec Au bal des absents, Catherine Dufour signe un roman noir où le fantastique sert de porte d'entrée à une analyse crue de notre société qui a perdu de son humanité. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Entends La Nuit et Danse avec les lutins.

Catherine Dufour
Au bal des absents
Editions du Seuil

22/09/2020

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 3, éditions L'Atalante

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 3, éditions L'Atalante

Il y a des cycles dont on pressent la qualité dès le premier tome, Le Sang des 7 Rois de Régis Goddyn est de ceux-là. Captivée dès les premières lignes, vous n'imaginez pas ma joie de retrouver la suite avec la sortie des tomes 3 et 4 en version poche aux éditions L'Atalante. Je remercie une nouvelle fois Emma pour l'envoi de ces services de presse qui vont venir un peu étancher ma soif de lecture. 

Dans ce troisième volet, Orville voit ses pouvoirs prendre de la puissance au point de devenir de plus en plus incontrôlables. Aussi, l'urgence pour lui est de trouver un mage susceptible de l'aider. C'est donc accompagné des rebelles Léo, Pétrus et Rouault qu'Orville reprend la route en quête d'un certain Oldarik. Des pérégrinations qui vont d'ailleurs le ramener sur sa terre natale où il devra affronter autant ses souvenirs que l'un de ses frères devenus un odieux capitaine-ambassadeur. Du côté du huitième royaume, la vie s'organise. La plupart des Gardiens sont en train de quitter l'île du Goulet avec l'épuisement du gisement d'arghot. Mais Aldemond y continue son enquête pour retrouver l'épée de Kradath tout en faisant toujours la cour à la douce Armine. Rosa et ses compagnons, eux, sont encore dans la montagne. Ils tentent d'y survivre pour faire échec au capitaine-ambassadeur qui est à leur poursuite. Quant à Lothar, il poursuit son projet fou de se constituer une armée de mages au sang bleu et vide peu à peu les 7 royaumes de leur population. Alors la révolte gronde, les rebelles s'assemblent, la confrontation semble inévitable...

La magie est au cœur des enjeux de ce troisième volet. A travers Orville qui se découvre des talents jusque-là ignorés, on en apprend donc plus sur cette clairvoyance. C'est une magie qui joue aussi bien sur les variations de températures permettant de réchauffer ou refroidir à loisir les éléments animés ou inanimés que de percevoir les sources de chaleur dans son environnement proche ou lointain. C'est un don qui confère à ses détenteurs une telle puissance qu'ils en deviennent presque invincibles. Mais les mages sont des individus rares, les 7 royaumes n'ont enregistré que très peu de naissances. Leur rareté en fait un enjeu pour des êtres avides de pouvoir comme ce Lothar. En effet, il espère s'en servir comme d'une arme pour se garantir une domination éternelle. 

Dans cette saga, les luttes sont nombreuses. Chacun des personnages de Régis Goddyn doit faire face à des ennemis. D'ailleurs, plus on avance dans l'intrigue, plus la tension monte. Une ambiance trouble plane sur cette saga lui donnant son caractère intrigant. Rebellions et dissensions font leurs apparitions car non seulement certains Gardiens commencent à se méfier des intentions de Lothar mais les injustices que subit le peuple font grossir les rangs des rebelles. Les éléments se mettent progressivement en place, des enjeux se dévoilent mais l'auteur reste maître de la partie alors tout peut arriver. 

Ainsi, dans ce troisième opus, l'attention est à son comble et on reste suspendus à la plume de Régis Goddyn dans l'attente de connaître la suite de cette grande aventure. 

Fantasy à la Carte
A lire aussi sur le blog mes avis sur les tomes 1 et 2

Régis Goddyn
Le Sang des 7 Rois
Tome 3
Editions L'Atalante

18/09/2020

Lionel Cruzille, Le Concile de Merlin, intégrale, éditions L'Alchimiste

Lionel Cruzille, Le Concile de Merlin, Intégrale, éditions L'Alchimiste

Avec la réédition du Concile de Merlin de Lionel Cruzille, les éditions L'Alchimiste inaugurent leur nouvelle collection d'intégrales illustrées. Après un financement participatif réussi, le voici qui débarque dans leur catalogue. Je dois vous avouer que j'étais très impatiente de l'avoir entre les mains. En tant qu'amatrice de fantasy arthurienne, j'avais, depuis longtemps, envie de lire ce cycle. Sa réédition en beau-livre m'a donc offert une belle occasion de m'y plonger. Je remercie au passage Lionel Cruzille de l'intérêt qu'il porte à Fantasy à la Carte, ainsi que pour l'envoi de ce superbe ouvrage. 

Le Secret

Après la mort d'Arthur à la bataille de Calann, Merlin est contraint de fuir l'île de Bretagne pour se réfugier au cœur de la forêt de Brech El Lean. Face à la montée grandissante du christianisme, il convoque dans le plus grand secret sa fille, Gwendaëlle, ainsi que quelques druides et moines influents. Il souhaite un rapprochement avec l'Eglise afin de sauvegarder l'héritage de l'ancienne religion. Alors pour montrer sa bonne foi, il est prêt à dévoiler l'existence de manuscrits araméens traitant de la vie du Christ. Seulement, ce trésor inestimable pourrait lui coûter cher et mettre bien d'autres vies en péril. Ainsi, c'est dans une course contre la montre qu'il entraîne sa fille qui devra aussi bien échapper à la surveillance de l'Eglise que déjouer les plans diaboliques de druides renégats. 

Les Pèlerins du Temps

Dans ce second volet, on retrouve Gwendaëlle, Gildas et Iloan qui parcourent le monde en quête de tous les manuscrits. Face à la menace grandissante de l'Eglise, ils n'ont pas d'autres choix que de les rassembler pour les mettre en sûreté. Au fur et à mesure de leurs pérégrinations, ils vont de découverte en découverte. Tandis que Gildas s'emploie à les traduire pour mieux comprendre cet étonnant héritage, Gwendaëlle, elle, en apprend plus sur le passé de son célèbre père, ainsi que sur elle-même. Tous deux prennent consciences qu'ils mènent une mission peu ordinaire, ils sont comme d'autres avant eux des Pèlerins du Temps, autrement dit les gardiens d'un savoir qui dérange et qui risque même d'ébranler toute la chrétienté. 

Graal

Graal conclut cette trilogie en apothéose de révélations. Alors que Gwendaëlle et Gildas tentent de poursuivre l'oeuvre initiée par Merlin et ses amis afin de préserver ce prodigieux héritage, l'Ombre est de nouveau à leurs trousses. La confrontation semble inévitable. Sauront-ils la mettre une nouvelle fois en échec et faire face à la pluie de secrets qu'elle ne va pas manquer de mettre à jour ? 

Le mythe arthurien est une porte ouverte sur un imaginaire infini. Beaucoup d'auteurs sont fascinés par ces légendes au point d'insérer leurs propres récits au cœur de ce précieux patrimoine. Avec Le Concile de Merlin, Lionel Cruzille suit l'exemple de ses homologues. Seulement, il est l'un des rares à avoir voulu explorer les événements après la mort d'Arthur, tué par Mordred à la bataille de Calann. Ainsi, son histoire prend corps en pleine montée du christianisme faisant reculer, puis disparaître le paganisme. En outre, la disparition d'Arthur sonne le glas de l'unité des Bretons et le royaume tombe aux mains des Angles, des Saxes et des Pictes. Ce contexte est donc propice à l'émergence d'une intrigue nourrie de complots. Ainsi, les protagonistes de Lionel Cruzille, qu'ils soient réels ou fictifs, se retrouvent immerger dans une chasse aux sorcières menée, aussi bien par l'Eglise corrompue que par des druides traîtres. Les enjeux sont donc multiples. Il s'agit autant de protéger des manuscrits renfermant des vérités oubliées de la chrétienté que de sauvegarder le savoir ancestral des druides. Secrets et mensonges sont les maîtres-mots de cette aventure, et donnent à ce texte sa dimension passionnante. En effet, une véritable aura de mystère plane sur cette trilogie. 

Avec Le Concile de Merlin, l'auteur fait une autre lecture du christianisme. Il établit des ponts entre l'ancienne et la nouvelle religion qui éclairent sous un nouveau jour les textes sacrés. Très bien documenté, son récit tient la route et s'inscrit parfaitement dans les grandes heures de l'Histoire. C'est pourquoi, on croise entre ces lignes des personnalités qui ont marqué leur époque comme Benoît de Nursie qui a inventé la fameuse règle monastique des Bénédictins ou Gildas le sage, un ecclésiastique rendu célèbre par son sermon De Excidio et Conquestu Britanniae, une source majeure de l'histoire de Grande-Bretagne des Ve et VIe siècle. D'autre part, les ombres d'Arthur et de Merlin planent également sur cette trilogie. Ici, Lionel Cruzille a pris la liberté de donner une fille à Merlin. C'est à travers ses yeux que l'on prend connaissance de cette histoire. Même si son père s'est volatilisé, il lui a laissé des journaux et un héritage à préserver. A travers eux, un lien ténu subsiste avec ce personnage mythique des légendes arthuriennes. L'auteur nous dévoile une autre facette de ce héros et lève le voile sur certains de ses hauts-faits, ainsi que sur ceux de son disciple, Arthur. Il n'y a donc pas que Myrdhin Emrys qui disposaient de pouvoirs à caractère magique, Arthur ainsi que de nombreux druides et moines qui leur sont contemporains en avaient également. Tous sont des mages, certains sont devins, d'autres guérisseurs ou combattants. A travers eux, Lionel Cruzille donne à sa trilogie son caractère fantasy. Les miracles deviennent donc ici une simple manifestation de ces pouvoirs. On est enchanté de fouler à nouveau des lieux mythiques comme Brech El Lean, l'éternelle Brocéliande. Il nous entraîne dans un voyage aux quatre coins du monde à la recherche de secrets à découvrir. Le dépaysement est donc garanti ! 

Même si on rencontre de nombreux hommes légendaires, l'auteur a choisi une figure féminine pour nous transmettre cette incroyable histoire. Gwendaëlle est une guérisseuse et une guerrière. Femme forte, elle surmonte toutes les épreuves et fait face au danger. Courageuse et intrépide, elle porte un regard critique sur les événements qui ont fait basculer l'Histoire. En choisissant un personnage féminin comme narratrice de ses livres, Lionel Cruzille rappelle l'importance des femmes dans la société celtique et le rôle qu'elles y ont joué. D'ailleurs, d'autres ont marqué leur époque comme Boudicca au Ier siècle. 

Le Concile de Merlin prend place dans un bel écrin merveilleusement illustré par le talentueux DartGarry. Ce qui ne gâche en rien le plaisir de le lire. 

Avec ce cycle, Lionel Cruzille redonne vie à un monde enchanteur qui a traversé le temps sans jamais lasser les lecteurs et les historiens. D'ailleurs, tous n'ont de cesse de se régaler de ces légendes qui ont encore tant à nous dire. 

Fantasy à la Carte

Lionel Cruzille
Le Concile de Merlin
Editions L'Alchimiste

11/09/2020

Orson Scott Card, Le Prophète Rouge, tome 2, Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur, éditions L'Atalante

Orson Scott Card, Le Prophète Rouge, tome 2, 
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
éditions L'Atalante


Avec la sortie du Prophète Rouge, je continue ma lecture des Chroniques d'Alvin Le Faiseur d'Orson Scott Card. Les éditions L'Atalante ont eu la bonne idée de remettre au goût du jour cette pépite du genre qui donne au merveilleux une toute autre saveur. Je remercie d'ailleurs Emma pour l'envoi de ce nouveau service de presse. 

Dans Le Prophète Rouge, on retourne en Amérique au temps des premiers colons pour y retrouver un enfant au destin peu ordinaire. Les Miller ont bien conscience que leur dernier fils Alvin n'est pas un enfant comme les autres. Il a des dons extraordinaires. Mais en but à la méfiance des uns et à la convoitise des autres, ils acceptent de le laisser partir pour faire un apprentissage loin de chez eux, afin de le mettre à l'abris. C'est son frère aîné Mesure qui est chargé de le conduire à destination. Seulement, chemin faisant, ils vont croiser la route d'Indiens peu recommandables et aux intentions malveillantes. C'est ainsi qu'ils se retrouvent prisonniers de ces peaux rouges qui comptent bien les tuer et envoyer, par la suite, leur dépouille à leurs parents. Mais c'est sans compter les dons d'Alvin qui émoussent leurs armes, déjouant ainsi toutes leurs tentatives pour les assassiner. Libérés par un autre clan d'Indiens mené par Ta-Kumsaw, Mesure et Alvin se retrouvent pourtant bien loin de chez eux. Ils se découvrent les victimes d'une machination orchestrée par un colon ambitieux qui souhaite se servir de leur mort pour faire éclater une guerre entre les colons et les Indiens. Malgré tous ses pouvoirs, Alvin saura-t-il vraiment en mesure d'empêcher un bain de sang ? 

Dans Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur, Orson Scott Card nous transporte en Amérique lorsque les premiers colons cohabitaient avec les Amérindiens. Alors que dans Le Septième Fils, on partageait le quotidien d'une communauté de colons, dans Le Prophète Rouge, on change de point de vue en passant plutôt du temps parmi les Indiens. En effet, Alvin voit son destin s'entremêler avec celui des Indiens, notamment celui d'un chef réputé répondant au nom de Ta-Kumsaw. L'auteur met l'accent sur leurs croyances et leur culture. Ils ont un rapport à la nature très fort. Or, l'arrivée de ces étrangers constitue une vraie menace pour leur environnement. Ils sont un danger autant pour leur écosystème que pour leur propre survie. Orson Scott Card met, par exemple, en exergue le danger de l'alcool et notamment de l'abus du whisky par les Indiens. Une addiction qui leur fait perdre pied et les coupe même de ce qui fait leur essence. Avec Le Prophète Rouge, on se retrouve dans la peau de ces Indiens qui ont dû face à l'arrivée en masse d'étrangers. S'il y a eu des rapprochements pacifiques, cette cohabitation s'est plus souvent déroulée avec de nombreux heurts. Les accès de violence des uns et des autres ont instauré un climat de défiance. Les raids indiens étaient aussi violents que les représailles des colons. C'est d'ailleurs dans cette ambiance délétère qu'Orson Scott Card a inséré son présent récit. Il donne ainsi une grande légitimité à son uchronie d'autant qu'on rencontre également entre ces lignes des personnalités historiques comme le marquis de Lafayette qui a joué un rôle dans l'indépendance des Etats-Unis. 

La puissance de cette saga réside également dans son personnage principal : ce jeune magicien qui ignore encore l'étendu de ses pouvoirs. En plein apprentissage, il est entouré de mentors qui viennent l'aider dans l'accomplissement de sa destinée. Dans Le Prophète Rouge, Alvin est d'ailleurs profondément marqué par les événements qui le font mûrir d'un seul coup. C'est un tome qui marque la fin de l'insouciance pour notre apprenti-magicien. Encore très jeune, chacune de ses aventures vont le faire grandir et forger sa personnalité. C'est un personnage très attachant que l'on apprécie de retrouver. Faiseur de miracles, il nourrit la fantasy d'Orson Scott Card en multipliant les prodiges. 

Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur, c'est l’authenticité d'une époque-clé de l'Histoire américaine et l'épopée extraordinaire d'un jeune garçon appelé à devenir un grand magicien. 

Avec ce cycle, l'auteur signe un récit initiatique intemporel qui continue d'envoûter la jeune génération de lecteurs. 
Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Le Septième Fils , L'Apprenti et Le Compagnon.

Informations

Orson Scott Card
Le Prophète Rouge
Tome 2
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
9791036000447
416 pages
Editions L'Atalante

05/09/2020

Michel Robert, L'Ange du Chaos, Tome 1 à 3, éditions Pocket Imaginaire

Michel Robert, L'Ange du Chaos, éditions Pocket Imaginaire

De Michel Robert, je n'avais lu jusque-là que La Malerune. Pour rappel, il avait pris la suite de Pierre Grimbert pour la rédaction des tomes 2 et 3 de cette saga. Une passation qui s'était d'ailleurs faite avec une totale transparence, n'occasionnant ainsi aucune gêne dans la lecture. 

Mais, c'est avec son cycle L'Ange du Chaos que Michel Robert a véritablement marqué la fantasy française de son empreinte. Or, sa réédition sous la forme d'un intégrale chez Pocket Imaginaire me donne l'occasion de m'y plonger. Je remercie d'ailleurs Laure Peduzzi pour l'envoi de ce service de presse. 

L'Ange du Chaos

Dans ce premier volet, on fait la connaissance de Cellendhyll de Cortavar, un agent des ombres au service du Chaos. Trahi par les siens et laissé pour mort il y a dix ans, Cellendhyll a été sauvé et soigné par Morion de la maison d'Eodh. Depuis lors, il est devenu un agent très efficace. Le Chaos a eu vent par les Ténèbres d'un complot ourdi par la Lumière qui souhaite dominer tous les mondes. Du fait de son passé, Cellendhyll s'impose naturellement pour effectuer cette mission. Sa connaissance des lieux est un plus d'autant qu'il a des comptes à régler avec ses anciens amis et son amour de jeunesse. L'heure de la vengeance a sonné...

Cœur de Loki

Le temps des épreuves est venu pour Cellendhyll. Suite à une expérimentation de Morion d'Eodh qui a mal tourné, notre agent des ombres vient de se réveiller après quelques semaines de coma. Doté d'un second cœur magique, Cellendhyll est surtout devenu l'ombre de lui-même. Il a non seulement perdu sa forme mais aussi ses pouvoirs. Empâté par ses nombreuses semaines passées alité, il est devenu irascible avec son entourage. Or, pour le remettre doucement en selle, Morion le charge d'une mission de procurateur afin d'aller acquérir en son nom un bien immobilier dans la ville de Véronèse. C'est accompagné de son ami Gheritarish qu'il quitte la forteresse d'Eodh de mauvaise grâce. Chemin faisant, le Loki compte bien le remettre sur pied à condition, bien évidemment, que le jeune homme y mette du sien. L'expédition ne se fera pas sans turbulences car entre le sombre état d'esprit de son ami et les problèmes qui ne vont pas manquer de survenir, ce voyage ne sera pas la promenade de santé qu'attend Gher. Mais arrivera-t-il à redonner la foi à l'Adhan aux cheveux gris ? 
Sang-Pitié

Cellendhyll est de retour à la forteresse d'Eodh après sa dernière mission qui l'a bien ébranlé. Alors qu'il est occupé à recruter et former une escouade d'intervention d'élite, Morion le charge de se rendre dans une cité franche afin de protéger une personnalité politique. Peu diplomate, l'Ange du Chaos rechigne clairement à accepter mais le puissant d'Eodh ne lui laisse pas le choix. Sur place, il laisse son instinct de fin limier prendre le dessus afin d'identifier la menace et sauver ainsi la vie de cette politicienne. Une enquête qui va lui faire recroiser la route de vieux ennemis alors attention à la confrontation qui ne manquera pas de faire des étincelles...

L'avantage de commencer une saga en la lisant sous la forme d'un intégrale, c'est que cela permet une pleine immersion dans cet univers en passant pas mal de temps auprès de ses personnages.

Dans L'Ange du Chaos, Michel Robert nous plonge dans une dark fantasy coup de poing. 

Pour construire sa fantasy, l'auteur a imaginé des mondes différents dans lesquels on se déplace grâce à des portails magiques. Ainsi, trois royaumes rivaux se distinguent : la Lumière, les Ténèbres et le Chaos. En perpétuel conflit pour le pouvoir, la Lumière et les Ténèbres passent leur temps à fomenter des machinations pour asseoir leur domination sur les autres. Michel Robert nous dépeint donc un univers rugueux plein de fureur. Contrairement aux apparences, il n'y a ni Bien ni Mal, juste plusieurs camps qui luttent pour le pouvoir. C'est au sein du Chaos que l'on passe le plus de temps puisque cette histoire est surtout relatée du point de vue de l'un de ses hommes. On découvre une société très structurée et constituée de clans qui se partagent le pouvoir. Grâce à des agents espions, il se tient informé des forces et des faiblesses des autres puissances.  Sans pour autant chercher la suprématie absolue, le Chaos reste redoutable. Avec L'Ange du Chaos, Michel Robert s'éloigne du modèle habituel qui nous immerge au sein d'un royaume imaginaire menacé par les forces du Mal, mais dessine plutôt ici un monde très nuancé. En effet, ni bons ni mauvais les personnages qui peuplent ce récit agissent surtout en fonction de leurs intérêts personnels ou professionnels et n'hésitent pas à recourir à la violence lorsque cela est nécessaire. Voilà qui pose le décor de ce récit très immersif. 

Mais dans L'Ange du Chaos, on s'attache également à ses personnages notamment à Cellendhyll de Cortavar. Figure centrale de cette oeuvre, il est un héros ambivalent. Taillé dans du roc, il apparaît au premier abord comme un être dur et froid. Mais au fil des aventures, on découvre, au final, un homme complexe qui s'est forgé une épaisse carapace suite à la trahison des siens. En effet, celui que l'on surnomme l'Ange du Chaos est né de la vengeance. Trahi par la Lumière, il change d’allégeance et devient un agent redoutable du Chaos. Avec lui, Michel Robert explore la figure du guerrier mercenaire qui agit sur ordre mais tue bien souvent au-delà de ce qu'on lui demande. Meurtri par les drames et les coups durs que lui réserve la vie, il est la pièce maîtresse de ce cycle. Autour de lui flotte une aura de mystère. On sait dès le premier tome que son destin a été annoncé par une prophétie, pourtant l'auteur n'en révèle pas plus à son sujet. Sa destinée est donc marquée par le sceau du secret. Cellendhyll est un héros sombre alors Michel Robert lui donne un compagnon qui est son opposé, insouciant et polisson. Gheritarish appartient à la race des Lokis. Sa force et sa puissance font de lui un allié indéniable pour Cellendhyll. Mais on apprécie surtout sa gouaille qui pimente bien cette aventure au long cours. 

La magie est omniprésente dans ce cycle. Cellendhyll dispose déjà d'un pouvoir qu'il nomme le zen le rendant ainsi quasi invulnérable en combat. De plus, beaucoup de mages se pressent entre ces lignes et disposent de grands pouvoirs faisant d'eux des êtres dangereux. Cette saga nous ouvre donc la porte sur un monde occulte envoûtant. 

Avec L'Ange du Chaos, Michel Robert signe un cycle immersif porté par un héros fascinant. On se laisse séduire dès les premiers chapitres par la fantasy de cet auteur qui ne nous laisse finalement aucun répit. 

Fantasy à la Carte

Michel Rober
L'Ange du Chaos
Intégrale : tomes 1 à 3
Editions Pocket Imaginaire