Quoi de mieux pour terminer cet intense mois de lectures que de finir sur une note de steampunk à la française grâce à l’incontournable plume de Mathieu Gaborit.
Après avoir lu et apprécié Les Crépusculaires et La Cité Exsangue, je me suis plongée avec curiosité dans une autre de ses œuvres, Bohème qui vient de ressortir en poche chez Hélios.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Nathalie Weil pour l'envoi de ce service de presse.
Lorsque ses parents, des révolutionnaires praguois, lui demandent d'aller récupérer une précieuse cargaison échouée dans l'écryme, suite à l'avarie du dirigeable qui la transportait, Louise Kechelev n'a pas d'autre choix que de suspendre ses activités d'avocate-duelliste pour voler au secours de la révolution menée par les siens. Dans cette Europe post-industrielle, une substance toxique nommée écryme s'est répandue partout n'épargnant ici ou là que quelques cités reliées entre elles par des traverses de chemin de fer. Sous le joug d'une aristocratie capitaliste, la révolte commence à embraser le cœur des peuples qui n'en peuvent plus. Si Louise n'était pas prédisposée à prendre part aux événements, elle pourrait ne pas y échapper et même y jouer un grand rôle, qui sait !
Bohème est un diptyque qui prend cadre dans un univers steampunk. Ici, Mathieu Gaborit a imaginé une Europe uchronique, marquée par la première révolution industrielle et perturbée par l'arrivée inopinée d'une substance toxique, nommée écryme qui a tout recouvert, ne laissant affleurer à la surface, tels des îlots, que quelques cités où les humains se sont réfugiés. L'essentiel de l'intrigue se déroule d'ailleurs à l'est de l'Europe, du côté de Moscou, lieu propice pour installer cette société aristocrate et capitaliste qui maintient son pouvoir grâce à la propagande et à la répression. Dans une ambiance post-apocalyptique, Bohème nous immerge dans un monde au bord de la rupture car la révolution gronde dans les rues de la cité et ses représentants sont traqués par des milices aux ordres.
Dès le début, l'auteur adopte un ton volontairement critique pour faire écho à la gravité de la situation et au danger qu'encourent les héros de ce livre. Bohème est véritablement un roman d'aventure où résonne une forte dimension sociale et sociétale. En effet, Mathieu Gaborit y met en exergue une société tyrannique et injuste, en but à une résistance interne menée par une poignée de quelques âmes révoltées. Par le prisme de son imaginaire, l'auteur rappelle les mécanismes qu'empruntent systématiquement les peuples pour renverser un système lorsque celui-ci devient nuisible à leurs égards pour le remplacer par un autre idéal. C'est en tout cas ce que Bohème représente entre ces lignes car ici cette cité secrète incarne la promesse d'une vie meilleure, d'un monde plus juste et d'un paradis à atteindre.
En outre, Bohème est également un roman d'action mis en valeur ici par l'esthétisme du steampunk qui nous offre, notamment, de belles courses-poursuites en dirigeables.
De plus, l'aura de mystère entourant l'existence de l'écryme donne à ce livre une touche onirique car toutes les hypothèses qui expliquent ce phénomène sont possibles. Nul ne sait si c'est le fruit d'une expérience scientifique qui aurait mal tournée, d'une pollution quelconque ou même d'une vengeance de Gaïa. Une chose est certaine, l'écryme exerce une fascination morbide aussi bien sur lecteurs que sur les protagonistes. Elle incarne le mystère suprême à comprendre pour les premiers et un danger mortel pour les seconds si d'aventure, ils tombent dedans. L'écryme est la pierre angulaire de cette intrigue qui nous tient en haleine jusqu'au bout, tant on veut percer tous ses mystères.