29/04/2022

Mathieu Gaborit, Bohème, collection Hélios, éditions Mnémos

Mathieu Gaborit, Bohème, collection Hélios, éditions Mnémos

Quoi de mieux pour terminer cet intense mois de lectures que de finir sur une note de steampunk à la française grâce à l’incontournable plume de Mathieu Gaborit

Après avoir lu et apprécié Les Crépusculaires et La Cité Exsangue, je me suis plongée avec curiosité dans une autre de ses œuvres, Bohème qui vient de ressortir en poche chez Hélios

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Nathalie Weil pour l'envoi de ce service de presse. 

Lorsque ses parents, des révolutionnaires praguois, lui demandent d'aller récupérer une précieuse cargaison échouée dans l'écryme, suite à l'avarie du dirigeable qui la transportait, Louise Kechelev n'a pas d'autre choix que de suspendre ses activités d'avocate-duelliste pour voler au secours de la révolution menée par les siens. Dans cette Europe post-industrielle, une substance toxique nommée écryme s'est répandue partout n'épargnant ici ou là que quelques cités reliées entre elles par des traverses de chemin de fer. Sous le joug d'une aristocratie capitaliste, la révolte commence à embraser le cœur des peuples qui n'en peuvent plus. Si Louise n'était pas prédisposée à prendre part aux événements, elle pourrait ne pas y échapper et même y jouer un grand rôle, qui sait !

Bohème est un diptyque qui prend cadre dans un univers steampunk. Ici, Mathieu Gaborit a imaginé une Europe uchronique, marquée par la première révolution industrielle et perturbée par l'arrivée inopinée d'une substance toxique, nommée écryme qui a tout recouvert, ne laissant affleurer à la surface, tels des îlots, que quelques cités où les humains se sont réfugiés. L'essentiel de l'intrigue se déroule d'ailleurs à l'est de l'Europe, du côté de Moscou, lieu propice pour installer cette société aristocrate et capitaliste qui maintient son pouvoir grâce à la propagande et à la répression. Dans une ambiance post-apocalyptique, Bohème nous immerge dans un monde au bord de la rupture car la révolution gronde dans les rues de la cité et ses représentants sont traqués par des milices aux ordres. 

Dès le début, l'auteur adopte un ton volontairement critique pour faire écho à la gravité de la situation et au danger qu'encourent les héros de ce livre. Bohème est véritablement un roman d'aventure où résonne une forte dimension sociale et sociétale. En effet, Mathieu Gaborit y met en exergue une société tyrannique et injuste, en but à une résistance interne menée par une poignée de quelques âmes révoltées. Par le prisme de son imaginaire, l'auteur rappelle les mécanismes qu'empruntent systématiquement les peuples pour renverser un système lorsque celui-ci devient nuisible à leurs égards pour le remplacer par un autre idéal. C'est en tout cas ce que Bohème représente entre ces lignes car ici cette cité secrète incarne la promesse d'une vie meilleure, d'un monde plus juste et d'un paradis à atteindre. 

En outre, Bohème est également un roman d'action mis en valeur ici par l'esthétisme du steampunk qui nous offre, notamment, de belles courses-poursuites en dirigeables. 

De plus, l'aura de mystère entourant l'existence de l'écryme donne à ce livre une touche onirique car toutes les hypothèses qui expliquent ce phénomène sont possibles. Nul ne sait si c'est le fruit d'une expérience scientifique qui aurait mal tournée, d'une pollution quelconque ou même d'une vengeance de Gaïa. Une chose est certaine, l'écryme exerce une fascination morbide aussi bien sur lecteurs que sur les protagonistes. Elle incarne le mystère suprême à comprendre pour les premiers et un danger mortel pour les seconds si d'aventure, ils tombent dedans. L'écryme est la pierre angulaire de cette intrigue qui nous tient en haleine jusqu'au bout, tant on veut percer tous ses mystères. 

26/04/2022

Aiden Thomas, Cemetery Boys, collection Naos, éditions ActuSF

Aiden Thomas, Cemetery Boys, collection Naos, éditions ActuSF

En avril, chez ActuSF est également paru le très remarqué Cemetery Boys d'Aiden Thomas. Best seller du New-York Times et nominé pour de nombreux prix littéraires, ce roman de Young Adult a su très vite se distinguer. 

Lu dans le cadre d'un nouveau partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse. 

Issu d'une longue lignée de brujx, où les hommes sont des brujos capables de rappeler les esprits et les femmes sont des brujas aux pouvoirs guérisseurs, Yadriel a du mal à trouver sa place au milieu des siens. Gay et trans, personne n'admet qu'il est un brujo, si ce n'est sa mère, disparue un an plus tôt et sa cousine, Maritza. Justement cette dernière lui a préparé un portaje, autrement dit une arme magique qui va lui permettre d'interagir avec les esprits. Or, la disparition subite de son cousin lui offre l'opportunité de tester son don. Seulement, ce n'est pas le bon esprit qui va répondre à son appel. Le voici donc empêtré dans une situation compliquée dont il ne sait pas encore comment en sortir. Mais heureusement pour lui, sa cousine veille. 

Pour son premier roman, Aiden Thomas signe un texte d'une grande maturité autant du point de vue de la construction de l'intrigue, du travail réalisé autour de la psychologie de ses personnages que de la cohérence de l'univers imaginé. 

Dans Cemetery Boys, Aiden Thomas rend hommage à ses origines latines en insérant la figure de la Santa Muerte au sein de son texte. Personnage du folklore d'Amérique latine, Notre Dame de la Sainte Morte personnifie bien évidemment la mort mais est associée à des attributs positifs comme la guérison et la protection. Pour donner à son récit sa dimension fantastique, Aiden Thomas a beaucoup joué avec les rites hispaniques et notamment le culte du Dia de Muertos, autrement dit le jour des morts qui commémore la mémoire des défunts du 31 octobre à minuit au 2 novembre. Dans son roman, Aiden Thomas a donc imaginé deux jours de fête au cours desquels les brujx vivants et morts se retrouvent grâce aux pouvoirs que la Santa Muerte leur confère. Cette cérémonie est d'ailleurs ritualisée par la préparation de nombreuses offrandes pâtissières et florales. 

Entre artefacts, magie curative et fantômes, Aiden Thomas a agrémenté son récit d'éléments propres à émerveiller le lecteur qui virevolte entre croyances mystiques et réalité. 

En outre, Cemetery Boys est également une enquête dans laquelle plongent Yadriel et Maritza pour comprendre, non seulement, ce qu'il est advenu de Miguel, dont le corps est introuvable mais de découvrir également ce qui est réellement arrivé à Julian, l'esprit accidentellement rappelé par Yadriel. Aussi, les deux adolescents nous entraînent au cœur de leurs investigations qui vont les conduire, chemin faisant, à mettre à jour d'autres disparitions inexpliquées. 

Ainsi, Aiden Thomas a parsemé son texte de nombreux mystères qui se dévoilent au fil des pages et dynamisent pleinement la lecture. 

Cemetery Boys est porté par un trio de personnages que l'on apprécie d'emblée. Malgré son jeune âge, Yadriel sait ce qu'il veut. Même s'il n'est pas complètement rejeté par les siens grâce à la bienveillance de sa mère, il n'est pas non plus accepté tel qu'il est puisqu'on ne lui reconnait pas ses dons de brujo. C'est donc à lui de prouver à sa famille qu'elle a tort. Bien entendu, Yadriel souffre beaucoup de cette situation, surtout depuis la perte de sa mère. Il a une réelle soif de reconnaissance auprès de son père qui est incapable de le voir tel qu'il est. Yadriel est une personne timide, ni dans l'exubérance ni dans l'extravagance. 

A contrario, Julian, lui, assume pleinement sa personnalité et conserve sa fouge même par-delà la mort. C'est un garçon très solaire qui traîne une injuste réputation de mauvais garçon. Or, en l'aidant à retrouver ses amis et à comprendre ce qui lui est arrivé, Yadriel va porter un tout autre regard sur lui. Protecteur et bienveillant envers les plus faibles, Julian est une belle âme qui se cache sous une carapace de dur à cuir. Sa présence aux côtés de Yadriel va faire beaucoup de bien à ce dernier en l'aidant à trouver le courage d'affronter le jugement des siens et surtout celui de son père. Ils forment un duo détonnant qui nous démontre que finalement les contraires s'attirent toujours. 

Par l'entremise de Julian, Aiden Thomas met en lumière la problématique des drames familiaux lorsque l'incompréhension et le rejet s'installent. Ainsi, au cours des investigations menées par Yadriel, Maritza et Julian, on va rencontrer une poignée de gamins en rupture avec leur famille et la société puisqu'ils ne correspondent pas aux critères établis par les diktats sociales. Tous ont des histoires bouleversantes qui résonnent à l'unisson de celles de nos trois personnages principaux et donnent à ce roman, son caractère poignant. 

Quant à la pétillante Maritza, elle est l'étincelle qui vient titiller le quotidien de Yadriel en le poussant dans ses retranchements lorsque cela est nécessaire et en le soutenant en toute circonstance. Comme lui, elle est exclue par les siens. En effet, en étant végane, elle refuse d'utiliser du sang animal pour pratiquer les rituels de bruja, alors son héritage lui est fermé. Mais à la différence de son cousin, elle semble en avoir pris son parti et s'en moque éperdument. Forte et indépendante, Maritza seconde au mieux Yadriel dans les moments critiques, quitte à tenir tête à la Santa Muerte en personne. 

Avec Cemetery Boys, Aiden Thomas signe un récit de Young Adult bien construit mêlant action et émotion à la juste dose. Ce livre nous parle d'amitié, d'amour, d'identité mais aussi de respect et d'acceptation. Voici un récit inclusif qui s'accorde parfaitement à notre société en pleine mutation. 

Fantasy à la Carte

A retrouver à la librairie L'Antre-Temps pour bénéficier d'une réduction de 5% avec le code promo FANTASYCARTE5. 

Informations

Aiden Thomas
Cemetery Boys
Collection Naos
9782376864530
488 pages
Editions ActuSF


Lien vers la librairie L'Antre-Temps pour bénéficier d'une réduction de 5% avec le code FANTASYCARTE5 

21/04/2022

Delfyne Gwenn, Claire de Lune, tome 1, L'Héritage des Feäs, éditions Kelach

Delfyne Gwenn, Clair de Lune, tome 1, 
L'Héritage des Feä, éditions Kelach

Nouvelle venue dans le paysage des littératures de l'Imaginaire, Delfyne Gwenn signe avec Clair de Lune, le premier tome d'une grande épopée de fantasy

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Kelach, je remercie Frédéric Gobillot pour l'envoi de ce service de presse. 

Au royaume de Nestryn, le jeune Gweth se rêve soldat et Helya apprend les rudiments pour devenir guérisseuse auprès de sa mère et de sa grand-mère. Au demeurant rien ne les lie car tous deux ne se connaissent pas et pourtant dans  ce monde sur le point de sombrer dans la guerre, leurs chemins pourraient bien se croiser d'une manière ou d'une autre. Ainsi, alors que Gweth rejoint les rangs de l'armée royale, Helya, elle, voit sa vie voler en éclat avec le départ de son père à la guerre, et les restrictions que ce genre d'incident ne manquent pas d'amener. Vaille que vaille, sa famille et elle doivent survivre. Pour Helya c'est aussi l'occasion d'en apprendre plus ses ancêtres féeriques car après tout c'est bien la forêt enchantée de ses aïeux qui est au cœur des enjeux de ce conflit. Bien que les Feäs aient disparu depuis cinq siècles, leurs ombres planent toujours sur le destin de leurs descendants et qui sait si leur influence n'est pas encore à l'oeuvre ? 

Clair de Lune ouvre un cycle de fantasy directement inspiré des légendes celtiques car le merveilleux s'y épanouit tout aussi généreusement. Celui-ci s'exprime notamment à travers l'existence des Feäs, qui bien que disparus, influencent toujours, ne serait-ce par l'héritage transmis à leurs héritiers. En outre, leur magie se manifeste par l'intermédiaire des rêves que font Helya et Gweth. En effet, ils se rencontrent dans le monde onirique, peuplé de licornes qui remplit leurs rêves de présages. Le merveilleux insufflé par l'autrice dans ce livre est pour le moment ténu mais il est également porteur de mille promesses au vu des mystères qui entourent les Feäs. 

Avec ce premier roman, Delfyne Gwenn pose les bases de son univers. Aussi, Clair de Lune propose deux temps de narration avec une première partie qui sert à faire connaissance avec les principaux personnages et à également s'approprier les lieux et une deuxième partie qui se concentre davantage autour de l'enjeu narratif de ce premier tome, à savoir la guerre opposant le royaume de Nestryn et le pays Andhem. Si au début du livre le rythme est plutôt lent, il en va tout autrement par la suite avec l'accélération des péripéties et la survenue de nombreux rebondissements qui ne vont pas manquer d'advenir. 

17/04/2022

Mathieu Gaborit, Flamboyance, tome 2, La Cité Exsangue, Editions Mnémos

Mathieu Gaborit, Flamboyance, tome 2, 
La Cité Exsangue, éditions Mnémos

A l'occasion de la sortie très attendue du second volet de La Cité Exsangue, les éditions Mnémos ont décidé de consacrer ce mois d'avril à Mathieu Gaborit. Aussi, ils nous proposent une réédition des Royaumes Crépusculaires, comprenant Les Crépusculaires et Abyme, sous la forme d'une très belle intégrale, ainsi que Bohème au format poche. 

Sans oublier le livre qui nous intéresse aujourd'hui, la conclusion de sa duologie La Cité Exsangue qui met également un point final à ces vingt-cinq années d'aventure littéraire. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Nathalie Weil pour l'envoi de ce nouveau service de presse. 

Alors que Mèche a été capturée par les Heures, Maspalio, lui, s'est arrogé la mission de retrouver le corps de Cyre pour le ramener auprès de son arbre afin qu'elle repose en paix. Pendant ce temps, la révolte gronde dans les rues d'Abîme car la population ne supporte plus les lois liberticides imposées conjointement par les liturges de la Cure et l'Acier. Quelques-uns des orphelins dont s'occupait Cyre se mêlent aux insurgés pour tenter de reprendre en main le destin de leur cité et qui sait, peut-être la libérer. 

Du fait de son expertise dans la création de jeux de rôle, Mathieu Gaborit est véritablement un faiseur d'univers. Sous sa plume naissent des royaumes fabuleux et baroques. Ainsi, dans La Cité Exsangue, on renoue avec sa cité-monde, Abyme car il s'agit bien de cela chez Mathieu Gaborit. En effet, il imagine des cités aux dimensions infinies où l'on se perd facilement dans leurs dédales sans fin. Chaque récit est une invitation au voyage, un rêve éveillé où la magie nous enivre. D'ailleurs que serait un récit de fantasy sans sa dose de féerie ? Celle de Mathieu Gaborit dégage une sonorité toute particulière car elle est imprégnée de rimes et de notes musicales. Elle embrasse les mots, transcende les êtres oniriques et sublime la nature pour mieux électriser les imprudents lecteurs qui se sont aventurés entre ces lignes. Farfadets, lutins et lutines, ogres et ogresses ont posé leurs valises à Abyme pour le meilleur et pour le pire car reconnaissons que l'existence de la cité, telle qu'elle a toujours été, est sérieusement remise en question à ce jour

Flamboyance nous projette aux quatre coins de la cité à la poursuite des héros de Mathieu Gaborit qui viennent prêter mains fortes à Maspalio pour sauver Abyme. Aussi, on suit tour à tour Mèche, la fille de Cyre qui, enlevée par les Heures, n'aura bientôt plus d'autre choix que d'accepter son lourd héritage, ainsi qu'une poignée d'orphelins qui prennent sur eux pour prendre part à la lutte en cours. En alternant les points de vue tout au long de sa duologie, Mathieu Gaborit signe un récit fort bien rythmé. 

Quant aux personnages de La Cité Exsangue, ils n'ont rien d’archétypaux. Entre un vieux farfadet, une poignée de gamins des rues et une ogresse assermentée, il y a de quoi être surpris. Bien que Maspalio occupe le premier rôle, on s'attache bien volontiers à ces orphelins prêts à se sacrifier pour une cause qu'ils trouvent juste. Entre la tête brûlée Sigrid, la douce Amande ou encore le taciturne Ardoise, le destin de ces jeunes enfants est bouleversant et ne laisse donc pas indifférent. Abandonnés et rejetés, toutes ces vies brisées vont se tenir vent debout face à la tyrannie grâce à la solidarité, à l'abnégation  et à un courage sans faille. 

12/04/2022

Cécile Duquenne & Etienne Barillier, Les Chiens de Porcelaine, collection Les 3 Souhaits, éditions ActuSF

Cécile Duquenne & Etienne Barillier, Les Chiens de Porcelaine
collection Les 3 Souhaits, éditions ActuSF

Lorsque l'on apprécie un récit, on ne résiste pas longtemps à lire la suite dès qu'elle se présente. Alors, vous pensez bien que je me ne me suis pas faite priée pour enchaîner avec Les Chiens de Porcelaine, surtout après ma lecture coup de cœur des Brigades du Steam.  

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse. 

Changement de décor pour nos deux célèbres mobilards qui ont momentanément plié bagages, direction Limoges afin de démasquer un groupuscule d'anarchistes et de les empêcher à perpétrer un attentat. Sécurité nationale oblige, les voilà contraints d'infiltrer les rangs de ces réactionnaires afin de comprendre ce qu'ils trament et surtout qui tire les ficelles. Une enquête qui va chatouiller de près la sensibilité de Solange Chardon de Tonnerre et d'Auguste Gnevosi, mais seront-ils pour autant capables de mettre leurs émotions de côté pour empêcher le pire d'arriver ? 

Dans Les Chiens de Porcelaine, Etienne Barillier et Cécile Duquenne ont repris les mêmes ingrédients qui ont fait le succès des Brigades du Steam, à savoir l'action, le secret et le complot. D'une simple enquête pour meurtre, Solange Chardon de Tonnerre et Auguste Genevosi sont amenés à mettre à jour des agissements illégaux visant à déstabiliser le pouvoir. 

Fort d'une intrigue bien ficelée, ce nouveau roman nous promet de nombreux rebondissements et un suspense maîtrisé. Sur fond de désillusion politique et de colère sociale, Etienne Barillier et Cécile Duquenne nous brossent le portrait de ces citoyens qui fomentent des actions violentes dans l'espoir de se faire entendre, mais sans avoir conscience d'être instrumentalisés par des puissances qui les dépassent. 

Avec Les Chiens de Porcelaine, les auteurs signent un nouveau récit coup de poing qui ne manquent pas d'appuyer sur les dysfonctionnements de la société qui perdurent malgré tout au fil des époques. 

En outre, par l'entremise de ce bras mécanique dont est pourvu Solange Chardon de Tonnerre depuis l'attentat perpétré au Quai des Orfèvres, deux ans plus tôt, Etienne Barillier et Cécile Duquenne abordent la thématique du handicap. Dans cette nouvelle aventure, Solange va se confronter à d'autres personnes touchées par les mêmes difficultés et la même souffrance qu'elle, du fait de leur atrophie. Des rencontres qui vont la sortir de cette solitude dans laquelle elle s'est enfermée, poussée par le regard moqueur des autres. Objet de curiosité des uns et ridiculisée par les autres, la mobilarde pâtit beaucoup de cette surveillance médiatique qui la met mal à l'aise et lui renvoie perpétuellement à son anormalité. Touchée au plus profond d'elle-même par la tournure que prend son investigation, elle va percevoir pendant un court instant l'image d'une autre société, plus inclusive, plus juste et moins discriminante. Une utopie sans doute, celle d'un homme meurtri dans sa chair qui rêve d'un monde dominé par un humain amélioré. 

Aussi, Les Chiens de Porcelaine interroge autour du relationnel entre l'homme et la machine, la place que cette dernière prend dans la vie humaine et comment les deux peuvent s’accommoder dans ce monde en perpétuelle évolution. 

Dans ce second volet, les auteurs ont également fait un gros travail autour de leurs personnages. En effet, ils ont pris le temps d'explorer plus en profondeur la personnalité de chacun. Ainsi, on découvre une nouvelle facette, clairement plus humaine, de Solange Chardon de Tonnerre qui nous avait plutôt montré dans Les Brigades du Steam, l'image d'une femme d'action frondeuse. Ici, les auteurs se sont surtout intéressés à la femme qui se cache sous l'armure de la policière. Aussi, au fil des chapitres, on prend conscience des doutes qui l'habitent autour de ce qu'elle est depuis qu'on lui a greffé ce bras mécanique. A ses yeux, il est autant une force qu'un poids. Grâce à lui, elle s'est forgée une légende car il lui confère une supériorité incontestable même si elle se heurte également à ses limites, d'autant qu'elle subit un manque de moyen qui lui permettrait d'améliorer ce prototype. Autant dans Les Brigades du Steam, elle est prise par l'imminence du danger qui la pousse à foncer tête baissée dans l'action, autant dans ce tome 2, le deuil de son bras et de sa normalité perdue lui reviennent en pleine figure comme un boomerang. Elle doit accuser le coup et se redéfinir en tant qu'individu. 

08/04/2022

Cécile Duquenne & Etienne Barillier, Les Brigades du Steam, collection Les 3 Souhaits, éditions ActuSF

Cécile Duquenne & Etienne Barillier, Les Brigades du Steam, 
collection Les 3 Souhaits, éditions ActuSF

Les Brigades du Steam est le fruit de deux plumes de talent qui se sont associées pour proposer ce récit d'imaginaire. Si Etienne Barillier est un auteur de référence en steampunk pour avoir notamment écrit avec Arthur Morgan, Le Guide Steampunk (publié chez ActuSF en 2013), ainsi que La France Steampunk (publié chez Mnémos, en 2015), Cécile Duquenne, elle, n'est pas non plus en reste comme l'illustrent ses séries, Les Foulards rouges mêlant steampunk et space opera, ainsi que Penny Cambriole

La sortie prochaine d'un second volet des aventures de la sémillante Solange Chardon de Tonnerre m'a donnée envie de sortir de ma PAL ce premier tome pour m'atteler enfin à sa lecture. 

1910. Solange Chardon de Tonnerre se réveille sur un lit d'hôpital, l'esprit embrumé par les calmants, avec un bras en moins et des souvenirs confus quant à la raison de sa présence ici. Peu à peu, la mémoire lui revient et avec elle, le chagrin insoutenable d'avoir perdu son coéquipier et ami, Pierre, ainsi que l'incompréhension de cet attentat survenu au quai des Orfèvres. Parallèlement, Auguste Genovesi rejoint la 13e brigade. Et pour sa première mission, il est affecté au chevet de Solange car en tant que nouvel équipier, il se doit de l'aider à remonter la pente. Passés les premiers échanges houleux entre eux, ils n'auront bientôt pas d'autre choix que de trouver un terrain d'entente pour affronter ensemble des dangers qui menacent à nouveau Solange et même la France. 

Les Brigades du Steam est une uchronie teintée de steampunk dans laquelle les auteurs ont imaginé l'existence d'une treizième brigade mobile qui vient s'ajouter aux douze déjà connues, créées par Georges Clemenceau en 1907. Celle-ci étant basée ici à Aix-en-Provence, ville natale des deux héros mis en scène par Etienne Barillier et Cécile Duquenne. Aussi, on ne s'étonne pas d'assister à un chassé-croisé de personnages fictifs et historiques qui ne cessent de se rencontrer entre ces lignes. La plus remarquable intervention est bien entendu celle de l'illustre Georges Clemenceau qui ne va pas manquer de venir inspecter les rangs de l'une de ses brigades. Clin d’œil à la célèbre série "Les Brigades du Tigre", diffusée de 1974 à 1983, le roman d'Etienne Barillier et de Cécile Duquenne y ajoute une dimension steampunk, conférant au texte ses notes d'élégance et de modernité. En outre, la référence ne s'arrête pas là puisque le supérieur de nos deux mobilards est un certain commissaire Desailly, portant le même nom que le créateur de la série Claude Desailly. 

Ici la vapeur et le cuivre s'expriment tous azimuts à travers des hippomobiles, autrement dit des véhicules fonctionnant à l'aide de chaudière à charbon, ou encore des cerveaux mécanographiques permettant la centralisation et la diffusion d'informations par voie télégraphique ou téléphonique. Sans parler des membres artificiels articulés et constitués de tuyaux, de pistons et autres rouages afin de remplacer ceux faits de chair et de sang qui sont endommagés. Des greffes qui modifient à jamais celui ou celle qui les reçoivent en faisant d'eux des êtres physiquement supérieurs, autrement dit des humains améliorés. 

Outre cette atmosphère mécanique, les auteurs ont laissé leur imagination dériver vers cette notion d'expériences scientifiques secrètes menées sous le sceau du secret d'Etat. Une orientation du récit qui se mêle parfaitement à la menace prussienne qui plane sur la France. Ici, la sécurité nationale est en jeu car les hautes sphères du pouvoir semblent infiltrées par des agents prussiens alors pour celui que l'on surnommera plus tard le "père de la victoire", il n'y a pas d'autres choix que de mettre son meilleur homme, enfin plutôt sa meilleure femme sur l'affaire afin de démasquer les traites.

05/04/2022

Minuit, Maître Kram, tome 1, Angélica Brise contre les dragons, editions Kelach

Minuit, Maître Kram, tome 1, Angélica Brise contre les dragons, éditions Kelach

Passionnée par les mondes imaginaires depuis toute petite, Minuit s'est décidée à prendre la plume pour écrire ses propres histoires. 

Avec Angélica Brise contre les dragons, elle signe une première trilogie de fantasy destinée à la jeunesse. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Kelach, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

A Palabre, Angélica vit modestement avec sa mère. Orpheline de père, sa maman étant malade, elle travaille sous les ordres de sa tante comme aide cuisinière dans une taverne. Fascinée par les légendes, elle aspire à prendre la relève de l'héroïne Promise qui, en son temps, avait réussi à voler le feu aux dragons pour permettre aux hommes de mieux vivre. Alors Angélica s'imagine arracher un autre secret aux dragons et libérer définitivement les hommes de leur joug. Or, quoi de mieux que de se faire passer pour une princesse captive pour pénétrer dans leur antre. Ni une ni deux, c'est décidé elle va tenter l'aventure. 

Dans Angélica Brise contre les dragons, Minuit nous immerge dans un univers médiéval-fantastique prédominé par les dragons. En effet, après moult guerres opposant les hommes aux dragons, ces derniers ont continué d'avoir le dessus sur eux, les obligeant à leur fournir un tribut annuel afin de maintenir la paix. 

L'autrice a également parsemé son texte de mots tirés de l'ancien français afin de parfaire l'ambiance moyenâgeuse de son récit. 

En outre, l'onirisme se manifeste ici par tout un bestiaire merveilleux emprunté ou inventé car si les dragons sont bien connus, il n'en va pas de même pour les rossignaures, par exemple. 

L'imaginaire de Minuit est foisonnant car elle apprécie autant s'approprier les contes que de créer des éléments fonctionnels à insérer ici ou là dans son histoire. Ainsi, Angélica Brise contre les dragons s'avère être une mine précieuse de références aux contes traditionnels. L'autrice s'est d'ailleurs amusée à en glisser partout dans ses livres afin d'entraîner ses lecteurs dans un véritable jeu de pistes pour les lister. Elle aime également détourner certains codes du genre afin d'apporter une touche d'humour à son texte. Drôle et inventif, le monde qui naît sous la plume de cette autrice est vraiment plein de charme et ne manquera pas de ravir petits et grands. 

Mais Angélica Brise contre les dragons nous conte surtout le destin d'une adolescente qui s'embarque dans la quête ambitieuse de libérer les hommes de la domination des dragons. Chemin faisant, elle va également apprendre à mieux se connaître, à prendre confiance en elle et donc à affirmer ses choix quant à l'adulte de demain qu'elle souhaite être. 

Cette expérience auprès des dragons va également changer la vision qu'elle a des choses. A leur contact, elle va prendre conscience que les mythes fondateurs qui ont bercé son enfance ne sont pas l'exact reflet de la vérité. Changement de paradigme autant pour elle que pour les lecteurs car le récit imaginé par Minuit s'avère plus complexe qu'il n'y paraît et renferme de nombreux secrets à découvrir au fil des tomes de la trilogie. 

01/04/2022

Tochi Onyebuchi, L'Architecte de la Vengeance, éditions Albin Michel Imaginaire

Tochi Onyebuchi, L'Architecte de la Vengeance, éditions Albin Michel Imaginaire

Tochi Onyebuchi est un écrivain nigérian américain de fantasy et de science-fiction. Après la publication de trois romans Young-Adult, il signe avec L'Architecte de la Vengeance, son premier livre destiné à un public adulte. 

Frappé par la qualité de ce texte, Gilles Dumay a souhaité l'éditer sous son label "Imaginaire" et cela, en dépit de son format court. 

Il m'a fait la surprise de me l'envoyer en service de presse, alors je le remercie d'autant que ce fut une lecture très intense. 

Kevin est né lors des émeutes qui ont secoué les Etats-Unis en 1992. Sous l’œil vigilant et protecteur de sa sœur aînée Ella, télékinésique, il va grandir et embrasser un destin pavé de violence. Dans une Amérique policière et persécutrice vis à vis des Noirs, Kevin et Ella pourront-ils échapper aux pièges de ce système pernicieux et survivre ?

Heurté par les décès successifs de Michael Brown, d'Eric Garner et de Laquan McDonald, en 2014, tombés sous les coups de policiers, Tochi Onyebuchi a eu besoin d'extérioriser ces exactions et les émeutes qu'elles ont entraînées. Dès lors les premières idées d'un roman ont commencé à germer dans son esprit, notamment autour de son duo de personnages principaux. 

L'Architecte de la Vengeance s'est nourri des failles du système américain qui accorde l'impunité à des représentants de la loi ayant usé d'un excès de violence sur des citoyens entraînant de graves blessures et même la mort. A travers les destins cabossés de Kevin et d'Ella, l'auteur souhaite mettre en exergue les injustices et les persécutions dont peuvent être victimes certains de ses concitoyens dont le seul tort est d'avoir la peau noire. Avec son expérience d'avocat en droit civique, Tochi Onyebuchi nous rappelle la nécessité de faire respecter les droits civiques de chacun afin de maintenir l'égalité entre les hommes.  

L'Architecte de la Vengeance est un texte plein de fureur qui nous conte le destin tourmenté d'un garçon en passe de devenir un homme dont l'enfance va être marquée par de mauvaises fréquentations sans pour autant être enrôlé dans le moindre gang grâce à l'omniprésence d'une mère et d'une sœur aimantes. Néanmoins, cela ne va pas l'empêcher d'être arrêté et incarcéré à tort au pénitencier de Rikers et d'y subir de plein fouet la haine policière. Tochi Onyebuchi insère donc son récit dans un contexte politico-social très fort qui suscite émotions et indignation. Les violences policières sont plus que jamais une thématique d'actualité qui revient au cœur des débats. En effet, qu'elles visent des populations pour leur ethnie, leurs oppositions politiques ou leur revendications sociales, la répression est là et semble sans limite. Elle s'installe de plus en plus dans de nombreux pays et est une redoutable arme d'état. D'ailleurs, avec son livre, l'auteur l'a remis au cœur des préoccupations. 

Mais L'Architecte de la Vengeance est également un roman dystopique imprégné de notes fantastiques. Celles-ci s'expriment à travers le don que possède Ella car elle est capable de s’immiscer dans l'esprit des autres pour communiquer ou y induire des émotions. Ce court roman est une fiction spéculative qui réserve son lot de surprises jusque dans ses dernières lignes. L'auteur y projette ses hypothèses autour de l'évolution possible de la société qui oscille entre modernité et dérive. 

Voici un court roman qui est finalement très foisonnant car il réserve à ses lecteurs une tournure très inattendue. La force de ce texte réside aussi dans le caractère attachant de ses personnages. En effet, ce livre est un huis clos dont l'intrigue se focalise autour d'un duo de personnages, formé par Ella et Kevin. Un choix narratif qui donne un ton intimiste au texte tout en assurant une proximité avec les lecteurs.