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23/08/2022

Jean-Philippe Jaworski, Gagner la Guerre, editions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Gagner la Guerre, éditions Les Moutons électriques

De la nouvelle au roman, Jean-Philippe Jaworski s'est très vite imposé comme un auteur phare de la fantasy française. 

Avec ses 230 000 exemplaires vendus, son roman Gagner la Guerre caracole en tête des classiques du genre. 

Il était donc temps que je le lise, d'autant que je l'ai dans son édition limitée, tirée à seulement 3000 exemplaires que les Moutons électriques ont publié en 2020. Or, il fallait bien un si luxueux écrin pour accueillir les récits du Vieux Royaume. 

Dans Gagner la Guerre, on retrouve Benvenuto Gesufal chargé d'une mission secrète pour le compte du Podestat auprès du Chah Eurymaxas afin de mettre un terme à la guerre opposant la République à Ressine au profit exclusif de Léonide Ducatore lui-même. Voilà une tâche bien ingrate pour l'homme de main qui va d'ailleurs le conduire à commettre un acte de trahison et finalement lui coûter fort cher, y compris dans sa propre chair. Mais peut-on réellement dire non à l'homme le plus puissant de Ciudalia. 

Pour nourrir l'univers qui sert d'écrin à son roman Gagner la Guerre, Jean-Philippe Jaworski s'est inspiré de la Renaissance italienne du XVe siècle. En effet, sa cité Ciudalia qui sert de cadre d'action principal au récit n'est pas sans rappeler Florence sous la coupe des Médicis. D'autant qu'on y retrouve également des familles praticiennes rivales qui luttent pour conserver le pouvoir comme les Médicis le firent pour contrer l'influence des Albizzi, des Alberti et des Strozzi. Ciudalia est donc en but aux mêmes problématiques et voit ses quartiers être aux mains de factions partisanes. De même, les familles praticiennes siégeant au Sénat sont également adeptes du mécénat artistique pour asseoir le prestige social et politique de leur lignée comme cela est de mise depuis la Renaissance. 

Le Vieux Royaume pose donc les bases d'un monde miroir à l'Europe de l'époque moderne, habité par un soupçon de magie. Celle-ci se dessine en filigrane de l'histoire lorsque le narrateur y est confronté. Ces manifestations ésotériques tiennent beaucoup à la nécromancie et sont réservées aux initiés. Pour y être le témoin autant que la victime, Benvenuto Gesufal conserve une méfiance à son égard et s'en tient éloigné autant que faire se peut. 

Gagner la Guerre repose sur une intrigue tissée de complots politiques au cœur desquels Benvenuto Gesufal tente de mettre son esprit et son épée au service de sa survie. Plus souvent ballotté par les événements que maître d'eux,  l'homme de main du Podestat incarne le parfait témoin du jeu de dupes qui anime les puissants de Ciudalia. Entre cabales, trahisons et chausse-trappes, Gagner la Guerre nous dévoile les coulisses d'un pouvoir dévoyé par l'ambition. Sous la plume de Jean-Philippe Jaworski, le récit se déroule comme une partie d'échecs dans laquelle Benvenuto Gesufal n'est pas maître de son jeu promettant ainsi aux lecteurs moult rebondissements très intrigants. 

La force de ce texte tient également au caractère fourbe et parfois fort détestable de son personnage principal. Assassin et joueur invétéré, Jean-Philippe Jaworski n'a pas hésité à lui forcer le trait. Qu'on l'aime ou le déteste, on n'y est juste pas indifférent. Rustre, fieffé et gouailleur, Benvenuto Gesufal est tout en coups d'éclats, capable du pire comme du meilleur. On apprend à le découvrir au fil des pages de ce roman, notamment en prenant connaissance de son passé, ce qui fatalement influe sur notre première impression plutôt entachée par ses odieux et inacceptables comportements.  Benvenuto Gesufal est un être ambivalent et retors que l'auteur se plaît à malmener. Mais tel le chat avec ses neuf vies, le mercenaire semble toujours retomber sur ses pieds. Je dois avouer que l'on se prend vite au jeu de le suivre dans les aventures qui menacent sa vie à tour de bras et finissent immanquablement par nous attacher à lui. 

Bien sûr, je pourrais vous parler également du rusé Podestat et de son insupportable fille, mais je n'en ferais rien, préférant vous laisser le loisir d'apprécier par vous-même ces deux personnalités bien atypiques. 

En revanche, je vous dois un mot sur Ciudalia car cette cité n'est pas qu'un simple enjeu de pouvoir pour lequel se déchirent les parties en présence, mais par son omniprésence dans le texte, elle occupe aussi le rang d'un personnage à part entière. Elle est un phare pour Benvenuto Gesufal qui ressent le mal du pays dès qu'il s'en éloigne trop longtemps. Fascinante, vibrante de vies et de dangers, on succombe vite aux sirènes de cette ville enchanteresse. 

Gagner la Guerre, c'est aussi le charme d'un langage fleuri qui vient enrichir la très belle écriture de Jean-Philippe Jaworski et donne ainsi vie à un récit particulièrement immersif. 

Mais qu'on se le dise, l'intrigue est sombre et l'ambiance, violente, n'épargnant ni la morale ni la vertu tout en s'asseyant, au passage, sur certaines valeurs comme le consentement ou le respect. Néanmoins, il fallait bien en passer par là pour donner du crédit aux mémoires d'un soudard vivant à l'ère d'une époque machiste. 

Entre la qualité de la plume, l'univers comploteur et la figure de l'antihéros, on comprend vite l'engouement autour des textes de Jean-Philippe Jaworski qui va même jusqu'à susciter l'intérêt des producteurs. Alors à quand l'adaptation sur Netflix? 

Fantasy à la Carte 


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Informations

Jean-Philippe Jaworski 
Gagner la Guerre 
9782361836818
688 pages
Editions Les Moutons électriques 

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