Depuis quelques années, Aurélie Wellenstein est une signature qui s'est imposée aux littératures de l'Imaginaire.
Aujourd'hui, sa bibliographie compte une quinzaine de romans, auxquels s'ajoutent quelques bandes dessinées puisque l'autrice s'essaye depuis peu à ce format graphique.
Sa dernière actualité est la réédition en poche de sa duologie, L'Epée, la Famine et la Peste.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse.
Résumé :
Le royaume de Comghall connait des temps troublés depuis que la population est condamnée par les terribles tarentas, faisant disparaître des villages entiers sous des toiles d'araignées. Or, pour lutter contre ce fléau et le culte qui lui est dédié, l'inquisition a été dépêchée et exerce sa mission avec beaucoup de zèle. Elle va d'ailleurs prendre en chasse un ancien soldat qui a pris bien malgré lui sous son aile deux jeunes gens : Cillian, en proie à une malédiction de loup et Erin, accusée à tort de sorcellerie. Alors que le piège semble se refermer sur eux, arriveront-ils à s'échapper ?
Mon avis :
L'Epée, la Famine et la Peste est une fantasy crépusculaire qui nous entraîne au cœur d'un royaume mourant, marqué par la famine et la peste grise. Fruit d'une malédiction qu'il doit à la morsure d'une tarentule venant du royaume voisin et condamnant la princesse mordue à devenir une tarenta, autrement dit une femme araignée.
Pour nourrir son univers, Aurélie Wellenstein emprunte donc à cette croyance païenne de la Tarenta comme araignée mythique qui, par sa morsure symbolique et le poison inoculé, génère des troubles du corps et de l'âme. Entre ces lignes, les conséquences de la morsure de l'araignée dépendent de l'espèce en présence. Ainsi, la veuve noire tisse les pensées de leurs victimes les plongeant ainsi dans une profonde mélancolie, la lycose de Tarente change les femmes en sorcières et les hommes en illuminés, et la fileuse suscite des rêves prémonitoires. Certaines femmes mordues prennent donc des caractéristiques physiques ainsi que des capacités propres aux araignées. En outre, Comghall est littéralement envahi par ces arachnides qui tissent leurs toiles partout au point d'étouffer toute étincelle de vie. Mais le tarentisme n'est pas le seul fléau qui sévit dans ce monde car il faut aussi compter avec des cas de lycanthropie.
Pour tenter d'endiguer cette tragédie entre en scène l'inquisition qui va traquer à l'extrême toute suspicion de tarentisme ou de lycanthropie faisant régner la terreur au sein du royaume car les persécutions vont bon train. Sa présence ajoute de l'infâmie à l'horreur ambiante et donne de suite le ton funeste au texte.
Ici, les manifestations surnaturelles sont autant considérées comme des malédictions que comme des miracles, selon l'interprétation que chacun leur donne. On en croise beaucoup au fil des pages de ce livre, tantôt pour émerveiller tantôt pour horrifier.
En outre, l'autrice joue également sur le détournement de conte. En effet, derrière ce palais maudit et entoilé que l'on est amené à visiter à un moment de l'histoire, il est très facile d'y voir une personnification du château assoupi de La Belle au Bois Dormant, notamment à travers ce temps suspendu qui semble avoir cours en ces lieux. Seulement, les résidents ne sont pas victimes d'un sommeil éternel car dans ce cas-ci, ils sont bel et bien morts. Emmaillotés dans les toiles, leurs corps ne tombent simplement pas en poussière.
Comme à son accoutumée, l'univers qui sert d'écrin à son intrigue est très immersif, troublant et captivant à la fois.
Le récit est également très riche, porteur de questions de société. Aurélie Wellenstein nous y parle de la persécution des minorités et des femmes. Sa plume est incisive pour traiter cette thématique du bouc émissaire comme catalyseur de la violence sociale. Le livre est dur et rugueux nous plongeant dans un tourbillon d'émotions fortes jusqu'à tutoyer l'insoutenable.
Et pourtant de cette noirceur quasiment étouffante, elle réussit à dégager une lumière d'espoir à travers son trio de personnages qui se trouvent et tissent même un lien semblant indéfectible. Les destins contés sont juste bouleversants. A travers ces trois personnalités, elle joue beaucoup sur leur angoisse et leur espoir pour donner du relief à son récit.
L'autrice table donc sur trois protagonistes très différents les uns des autres. Il y a d'abord Sulyvahn qui incarne la figure du soldat déchu en quête de rédemption. Hanté par ses exactions passées et traumatisé par la disparition des siens, il cherche un signe auquel se raccrocher pour vivre. Par ses choix de vie, celle-ci a tournée à la tragédie. On va donc le suivre dans ses regrets et ses espoirs de se racheter. Cillian, lui, est un enfant maltraité. Orphelin, la vie ne lui fait aucun cadeau. Il grandit dans le plus grand dénuement, subit la moquerie et les brimades des enfants de son âge. Son bégaiement est source d'insultes. Très affecté par sa situation, il va intérioriser sa souffrance et s'empêcher de s'épanouir. Sa rencontre avec Sulyvahn, suivie de celle d'Erin vont être décisives pour lui, notamment du point de vue de son évolution. Enfin, on rencontre la seule jeune femme du lot prénommée Erin. C'est une adolescente hyper attachante qui va être dans un premier temps victime des hommes. Pour avoir refusé d'être abusé, pour s'être défendu, elle va en payer le prix fort. Pour autant, en dépit de l'horreur dans laquelle elle plonge jusqu'au cou, elle conserve sa bonté d'âme et sa personnalité solaire. C'est un personnage tampon qui fait beaucoup de bien aux autres personnages au point de les rendre meilleurs, peut-être ? Elle se révèle au fil des pages pour laisser dans nos cœurs une marque indéfectible.
Pour conclure :
Avec L'Epée, la Famine et la Peste, on est à nouveau sur un texte puissant et très psychologique. Aurélie Wellenstein m'a une nouvelle fois embarquée sans mal dans cette histoire. Comme d'habitude, j'apprécie le travail poussé qu'elle fait sur ses protagonistes. L'univers est intriguant et ne laisse clairement pas indemne. Vite, la suite !
Fantasy à la Carte
A lire sur la blogosphère, les avis du Bibliocosme et Carolivre.
Informations
A lire aussi sur le blog, mes avis sur Les Loups Chantants, Le Désert des Couleurs, Mers Mortes et Le Dieu Oiseau.
J'ai adoré ce bouquin. Je l'ai lu quasiment d'une traite, c'est bien prenant. Il y a des passages qui secouent bien (une sorte de violence banalisée mais monstrueuse malgré tout), et j'ai aimé tout le travail sur les animaux.
RépondreSupprimerJe partage pleinement ton avis. Un vrai coup de poing cette duologie !
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