L'influence du "gaming" à la littérature

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13/10/2024

Aurélie Haderlé, Malemort, collection Bad Wolf, éditions ActuSF

Aurélie Haderlé, Malemort, éditions ActuSF 

Aurélie Haderlé est une autrice française qui apprécie autant les littératures de l'Imaginaire que la romance ou le roman régionaliste. 

Après une premières incursion au sein de la mythologie nordique, elle réitère l'expérience et nous propose un nouveau titre intitulé Malemort qui est sorti en septembre dernier chez Les Nouvelles éditions ActuSF

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Nouvelles éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent de m'avoir envoyé ce service de presse dédicacé. 

Résumé :

Après le meurtre de son mari et la mise à sac de son village, la chamane Gyda n'a pas d'autre choix que de s'enfuir en emportant avec elle l'un de ses fils, le seul qu'elle a pu sauver. Elle a trouvé refuge au cœur de la forêt et a décidé d'ôter tous les souvenirs à son fils dans le but de le protéger. Seulement, on échappe pas si facilement à son destin. Rattrapé par son passé, Roderik s'est lancé dans une croisade afin de combler les zones d'ombre de sa mémoire et honorer les siens.

Mon avis :

Malemort prend cadre au Xe siècle en Norvège à la période charnière où le christianisme prend le pas sur les anciennes croyances sous le règne d'Olaf Ier. C'est suite au meurtre du jarl Hakon Sigurdsson qu'il s'empare de la Norvège et entreprend la christianisation forcée du pays, en dépit de la forte résistance que les Vikings lui oppose. On lui attribue notamment la construction de la première église de Norvège, en 995 et la fondation de la ville de Trondheim. 

L'autrice va s'appuyer sur ce contexte houleux piqué de grandes tensions pour nourrir son intrigue. Ainsi, à la cour d'Olaf, alors qu'un homme d'Eglise est présent, un certain proche du roi insiste pour conter une saga légendaire à la manière de la plus célèbre des pays nordiques, la Völsunga. C'est l'occasion pour Aurélie Haderlé de revisiter la mythologie viking qui vient colorer son univers d'un puissant onirisme. En effet, la magie qui habite les pages de ce roman est liée à Odin pour ce qu'il représente car il est le dieu de la guerre. N'oublions pas que les Vikings perçoivent la vie comme un champ de bataille où la bravoure et l'honneur sont primordiaux. Leur destin est choisi par les Nornes et tous aspirent à rejoindre le Valhalla, le paradis des guerriers morts honorablement au combat grâce à l'intervention des Valkyries qui viennent les chercher afin qu'ils participent à l'ultime bataille dit le Ragnarök sous la houlette de leur dieu tutélaire Odin. Or, l'autrice réinvestit ces éléments majeurs de cette mythologie en nous immergeant notamment dans une quête de vengeance nécessaire pour permettre à de nobles guerriers lâchement assassinés de trouver le chemin de leur Eden.

Au fil des pages les rencontres avec les créatures merveilleuses se succèdent. La forêt est ici un lieu enchanté, fief d'une sorcière qui maintient son petit monde captif d'un charme. Ensorcellement qui peut d'ailleurs être rompu par le toucher d'un objet en fer rappelant ainsi la croyance que le fer ou l'acier effrayaient ces figures et créatures mythologiques. 

Plus qu'une histoire de revanche, Aurélie Haderlé a tissé son texte autour d'une quête d'identité en mettant également en lumière le poids du destin. C'est une notion fondamentale pour les nordiques et a donc clairement toute sa place ici. On ne peut y échapper en dépit des détours que la vie nous fait emprunter, celui-ci demeure inéluctable. Derrière ce roman d'aventure, l'autrice évoque  l'importance des liens familiaux et de ses racines pour la construction de soi et la projection vers son futur. 

Enfin, Malemort parle sans surprise de la mort et se pare donc d'une dimension philosophique, à travers notamment le respect dû aux défunts. Pour les Vikings, la mort n'est qu'un état mais pas une fin en soi. L'existence n'est qu'un éternel recommencement. 

Ce roman est donc riche à plus d'un titre. Il s'appuie sur une communauté de héros dont la naissance a été annoncée par les Dises. Ils ont un rôle majeur pour écrire la destinée d'une nation à pleine mutation. Roderik est un personnage intéressant qui va être quelque peu malmené et dont l'oblitération des souvenirs va le conduire à emprunter des chemins de traverse avant d'embrasser sa destinée.

Pour conclure :

Le récit est d'une grande fluidité, très plaisant à lire d'autant qu'on est sur de la fantasy nordique qui s'accorde finalement parfaitement à cette période automnale. Il n'y a donc plus qu'à, n'est-ce pas ? 

Fantasy à la Carte

Informations

Aurélie Haderlé
Malemort
Collection Bad Wolf
9782376866572
328 pages
Editions ActuSF 

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09/10/2024

Laurent Queyssi, Big Sur, éditions 1115

Laurent Queyssi, Big Sur, éditions 1115

Romancier, scénariste de bandes dessinées et traducteur, Laurent Queyssi est un touche-à-tout dont la bibliographie déjà bien fournie compte une dizaine de romans, une vingtaine de nouvelles, deux essais et une dizaine de bandes dessinées. 

Sa dernière novella intitulée Big Sur vient de paraître aux éditions 1115. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions 1115, je remercie Frédéric Dupuy pour l'envoi de ce service de presse qui me donne l'occasion de découvrir une plume que je ne connaissais pas encore.

Résumé :  

Lasse d'enchaîner manuscrit sur manuscrit avec plus ou moins de succès, Scott Pulver a perdu l'inspiration. N'arrivant pas à terminer son roman en cours, il compte bien informer son éditeur de son souhait de raccrocher. Seulement le patron de Fiction press ne veut rien entendre et le renvoie chez lui avec une semaine de délai supplémentaire pour terminer son livre. Or, en sortant il se heurte à deux malotrus à la mine patibulaire. L'incident aurait pu s'arrêter là  sauf qu'arrivé au pied de l'immeuble, il se retrouve face à son éditeur écrasé à ses pieds après avoir été défénestré. Dès lors pour Scott Pulver, l'heure est à l'urgence de se mettre à l'abri avec sa famille. Mais sera-t-il seulement en sécurité quelque part ?

Mon avis :

Big Sur est une novella qui mêle les trois ingrédients favoris de Laurent Queyssi, à savoir la science-fiction, le thriller et l'horreur. 

Big Sur est un conte moderne qui nous plonge dans les difficultés d'un auteur en mal d'inspiration et rattrapé par des problèmes personnels. Véritable road trip au cours duquel le personnage principal tente d'échapper à ses poursuivants, deux malfrats qui ne souhaitent qu'une chose : éliminer le témoin gênant qu'il représente. Voilà de quoi donner du rythme au texte avec un protagoniste qui sillonne l'Amérique jusqu'à atteindre le ville de Big Sur où il s'est mis en tête de remettre le manuscrit qu'il est en train d'écrire à un ami éditeur. 

Chemin faisant, les rencontres fantasmagoriques vont se multiplier. En effet, monstres, zombies, créatures démoniaques se succèdent pour mettre des bâtons dans les roues de Scott Pulver. 

Tantôt ubuesque, tantôt horrifique, l'imaginaire de Laurent Queyssi est pour le moins baroque et nous livre une aventure hors normes. 

Néanmoins, en dépit du ton décalé de sa novella, l'auteur a ponctué son texte de thématiques sérieuses et de sujets d'actualité. En effet, en choisissant de mettre en scène un écrivain comme personnage principal, Laurent Queyssi met surtout en lumière le statut très précaire de cette profession en rappelant sa maigre rémunération et son positionnement en bout de chaîne du livre bien qu'il soit à l'origine dudit produit. Une réalité portée par quelques auteurs sur le devant de la scène médiatique qui se battent pour bouger les lignes et obtenir enfin une amélioration notable des conditions d'exercice de cette profession. 

En outre, l'auteur évoque également le sujet délicat de la maladie et du déni que celle-ci peut parfois susciter chez certaines personnes. Il met en exergue le refus de se reconnaître malade et peut-être condamné choisissant de facto la fuite en avant. En cela, ce texte se teinte d'une certaine gravité dans le ton à travers ce personnage en souffrance qui va passer par plusieurs phases psychologiquement difficiles, à savoir le déni, le repli sur soi puis l'acceptation. 

Derrière un humour cocasse, Laurent Queyssi signe un texte fouillé qui explore la psyché humaine lorsqu'elle est confrontée à des drames personnels bouleversants. 

La lecture de Big Sur m'a donc permis de découvrir une signature de l'imaginaire que je n'avais pas encore eu l'occasion de lire, même si ce nom ne m'était pas totalement inconnu. 

C'est une novella étonnante, pleine de rebondissements et de bifurcations qui laissent un peu les lecteurs sans voix car tout prend une tournure des plus inattendues. 

Pour conclure :

Que vous connaissez ou non l'auteur, si vous avez envie de vous plonger un moment dans une histoire divertissante, cette novella vous comblera, j'en suis certaine.

Fantasy à la Carte

Informations

Laurent Queyssi
Big Sur
9782385630294
136 pages
Editions 1115

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06/10/2024

Jean-Philippe Jaworski & Melchior Ascaride, Désolation, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski & Melchior Ascaride, Désolation
éditions Les Moutons électriques 

Grande figure des littératures de l'Imaginaire et du jeu de rôle, Jean-Philippe Jaworski n'a jamais cacher son admiration pour J.R.R. Tolkien et ses œuvres. Si l'on veut une preuve, il suffit de regarder du côté de Tiers Age, un jeu de rôle gratuit sur La Terre du Milieu ou encore s'intéresser à son récit Désolation, paru d'abord chez Mnémos en 2011, puis chez Les Moutons électriques en 2020. 

Comme c'est un texte cher au cœur de l'éditeur, il vient de le rééditer, toujours au format d'un très beau graphique publié dans la très belle collection La Bibliothèque Dessinée.  

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Sous l'égide du thane de Diggenhlaew, une compagnie de guerriers nains et de gnomes s'engage sous la montagne du Kluferfell, à l'assaut des galeries souterraines. Bien que bardés de fer, ils n'en mènent pas larges car ils craignent de réveiller l'entité tapie. Le moindre bruit risque de trahir leur position et les livrer à une fin funeste. D'autant qu'il semblerait que plus d'une créature évolue sous terre. A ces conditions, peuvent-ils seulement espérer tous s'en sortir ? Rien n'est moins sûr. 

Mon avis :

Désolation est un court récit de fantasy écrit dans le but de rendre hommage à J.R.R Tolkien. Le titre en lui-même est très évocateur puisqu'il fait référence à la désolation de Smaug. Or, justement une menace tapie hante ces lieux et cause un grand effroi à la compagnie. On ne peut donc qu'avoir l'image d'un dragon faisant de ces mines son fief. Ainsi, bien qu'absent physiquement une peur diffuse et viscérale s'empare tout de même de chaque membre de cette troupe pour mieux les troubler et les pétrifier. 

La tension va vite monter et le bain de sang n'est pas loin, surtout que d'autres créatures se précipitent à leur rencontre. 

En effet, attaqués par des gobelins, ils n'ont pas d'autres choix que de monter à l'assaut. Ces attaques de gobelins sont clairement un clin d'œil aux affrontements de la communauté de l'anneau avec les orques et les gobelins au cœur de la Moria. 

Tout comme J.R.R. Tolkien, Jean-Philippe Jaworski table aussi sur des scènes très visuelles. Ainsi, il emprunte les mêmes ingrédients que le maître de la fantasy pour nous livrer un récit très épique. 

Désolation est un roman d'aventure au ton guerrier qui prend cadre dans le Vieux Royaume imaginé par Jean-Philippe Jaworski. 

La plume est comme d'habitude très enlevé en mêlant les ambiances, tantôt mystérieuse, tantôt horrifique. 

L'auteur joue sur les rebondissements jusqu'à y ajouter un soupçon de trahisons pour faire bonne mesure et ainsi tenir les lecteurs en haleine. Le but est atteint car on ne voit rien venir, sans doute trop captivé par les illustrations de Melchior Ascaride.

Silhouettes sombres, visages grimaçants et yeux effarés égrènent les pages de ce livre et portent ce texte en lui donnant toute sa palette de couleurs qui viennent jouer sur les émotions suscitant peur et intrigue. 

En accueillant ce récit au sein de La Bibliothèque Dessinée, Les Moutons électriques signent leur volonté de mettre à l'honneur un livre à fort potentiel. Le résultat est réussi car c'est une publication très soignée. Ce relié est de belle facture réhaussé par les nombreux dessins d'un artiste très talentueux au style inimitable.

Pour conclure :

Cette collection de graphiques est bien trop stylée pour passer à côté. Alors n'hésitez pas et laissez-vous tenter par l'une ou l'autre de ces aventures. Si vous aimez l'œuvre de J.R.R. Tolkien pourquoi ne pas lire du Jaworski sous un jour nouveau ? 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Gagner la Guerre, Le Chevalier aux Epines, Le Conte de L'Assassin, Le Débat des Dames et Les Fauteurs d'ordre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Melchior Ascaride
Désolation
La Bibliothèque Dessinée
9782361839437
146 pages
Editions Les Moutons électriques

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01/10/2024

Margaret Killjoy, L'Agneau égorgera le lion, collection RéciFs, éditions Argyll

Margaret Killjoy, L'Agneau égorgera le lion
collection RéciFs, 
éditions Argyll 

Après Mu Ming et son très beau texte du Bracelet de Jade, c'est au tour de Margaret Killjoy de rejoindre la très ambitieuse collection RéciFs des éditions Argyll. 

Pour avoir lu et grandement apprécié Un Pays de Fantômes, je connais déjà la qualité de cette signature de l'Imaginaire et ne pouvais donc pas passer à côté de la lecture de ce court récit.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je remercie Simon et Xavier pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Après le suicide de son meilleur ami, Danielle Cain décide de se rendre dans la petite ville de Freedom dans l'Iowa, peuplée d'anarchistes, pour comprendre les raisons de son geste. Mais sa venue n'est pas au goût de tous d'autant qu'elle vient de découvrir qu'ils ont invoqué un esprit sans fin pour protéger la communauté. Or, celle-ci ne fait pas dans la dentelle en éclaircissant quelque peu leurs rangs. Plus que de faire le jour sur une mort suspecte, c'est toute une population qu'elle va devoir sauver, parfois bien malgré elle. 

Mon avis :

L'Agneau égorgera le lion est une novella de fantasy qui nous emmène dans une petite bourgade perdue de l'Iowa en proie à de la sorcellerie. En effet, une entité a été invoquée pour protéger le groupe. Celle-ci prend la forme d'un cerf à trois cornes terrifiant. Il incarne un esprit justicier implacable qui se repaît au sens viscéral de toutes les formes de menaces. Il apparaît toujours de jour et est parfois accompagné par d'autres créatures ressemblant à des cadavres animés. Leurs présences instillent une dimension horrifique au texte. Il en ressort une ambiance lourde et pesante qui se met au diapason des peurs diffuses ressenties par le personnage principal. Les morts violentes qui émaillent les pages de ce récit font monter la tension crescendo jusqu'au dénouement. Ainsi, la fantasy de Margaret Killjoy se teinte d'épouvante associée à quelques notes de thriller. 

Comme dans chacun de ses textes, la plume de cette auteurice est porteuse d'un propos politique engagé. En effet, iel se plaît à déconstruire le modèle social imposé par les pouvoirs en place pour proposer à la société une autre manière de fonctionner. 

En outre, Margaret Killjoy questionne habilement la notion d'anarchie qui, contrairement aux idées reçues, n'est pas forcément synonyme de chaos. Dans L'Agneau égorgera le lion, l'auteurice interroge la place de la liberté dans une société encartée par un carcan rigide de lois et propose un autre vivre ensemble qui n'a, bien entendu, d'intérêt que si nul ne prend le pouvoir. En cela, iel a bien conscience des limites de son utopie. De même, Iel dénonce également l'autorité et l'arbitraire qui nient les existences individuelles au profit d'un diktat auquel se conformer. 

De plus, Margaret Killjoy met en exergue les persécutions et les injustices que subissent les communautés anticonformistes. 

L'Agneau égorgera le lion est riche de propos pertinents qui tracent de nouvelles perspectives pour redessiner un futur digne où le terme "révolution" ne serait pas vain. 

Justice, liberté et égalité sont autant de thématiques que Margaret Killjoy se plaît à explorer entre ces lignes. 

Iel signe un nouveau récit coup-de-poing plein de vérité et de justesse. C'est clairement un récit d'une grande puissance que l'on a du mal à lâcher, d'autant qu'il est emmené par une communauté de personnages plutôt hauts en couleurs et très attachants. 

Parmi eux, il faut, bien évidemment, citer la narratrice principale Danielle Cain. Partie en quête de vérité, c'est dans une croisade bien plus vaste qu'elle se retrouve enrôlée car il s'agit ni plus ni moins de comprendre ce qui menace la communauté de Freedom pour mieux la sauver. Elle en ressort grandie et nettement plus forte car elle a pris conscience de la force du nombre. En se frottant aux autres, elle prend la mesure de l'importance de ne pas rester seule et de s'entourer des bonnes personnes. A travers ses protagonistes, Margaret Killjoy teste les relations humaines dans leur pluralité et leur diversité.

Pour conclure :

L'Agneau égorgera le lion a clairement toute sa place dans la collection RéciFs. Pleine d'audace, la plume de Margaret Killjoy renouvelle le genre avec beaucoup d'habileté et de finesse. Auteurice à suivre !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur Un Pays de Fantômes.

Informations

Margaret Killjoy
L'Agneau égorgera le lion
Collection RéciFs
9782494665392
144 pages
Editions Argyll

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28/09/2024

Katherine Arden, Requiem pour les fantômes, collection Lunes d'encre, éditions Denoël

Katherine Arden, Requiem pour les fantômes, collection Lunes d'Encre, 
Éditions Denoël 

Après le succès de sa trilogie d'Une nuit d'hiver empruntant au folklore slave, Katherine Arden est de retour avec un nouveau texte. Il s'agit de Requiem pour les fantômes qui est récemment paru dans la collection Lunes d'encre des éditions Denoël. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Denoël, je remercie Pol pour l'envoi de ce service de presse sous la forme d'une épreuve non corrigée.

Résumé :

A Halifax, en Nouvelle-Ecosse, Laura Iven a été démobilisée suite à une grave blessure. Après une grosse explosion rasant son quartier et tuant sa mère par la même occasion, elle a trouvé refuge chez deux vieilles dames et a repris du service comme infirmière pour aider à soigner les blessés de cette catastrophe. Mais, l'arrivée d'un colis contenant les affaires de son frère parti au front va la bouleverser profondément. Refusant de croire à sa mort, elle finit par se rendre en Flandres pour comprendre ce qu'il s'est passé. Sur place les réponses qui l'attendent pourraient bien l'ébranler plus que de raison. Et qui sait ce qu'elle va trouver.

Mon avis :

Avec Requiem pour les fantômes, Katherine Arden change de registre et signe une fantasy historique qui réinvestit le début du XXe siècle marqué par la Première Guerre Mondiale. Elle a d'ailleurs choisi comme cadre d'action, la terrible bataille de Passchendaele qui opposa les armées canadienne, anglaise et française à l'armée allemande et restera dans les mémoires de l'epoque comme le conflit le plus gigantesque, le plus sanglant et le plus inutile de l'Histoire. 

Point de rupture pour une société en pleine mutation, c'est une période opportune pour Katherine Arden d'y instiller un caractère onirique. Le modernisme se dispute à l'archaïsme et devient le parfait terreau pour que l'imaginaire s'épanouisse. Au-delà de la machinerie qui est clairement propice au steampunk, l'autrice a surtout beaucoup exploité ici le côté apocalyptique de ce violent épisode. En effet, la Première Guerre Mondiale marque la fin d'un monde. La mort est partout et draine avec elle son lot de souffrance et de désolation. On ne s'étonne donc pas d'y croiser de nombreux fantômes qui gravitent notamment autour d'un personnage central personnifiant le cavalier de l'Apocalypse. Faland est un personnage charismatique et inquiétant qui centralise un grand pouvoir. Il incarne la magie entre ces lignes. En effet, il attire non seulement les fantômes mais entraîne dans son sillage les âmes perdues, leur prenant leurs souvenirs sous couvert de les soulager de leurs peines et de leurs souffrances. Il intrigue par sa personnalité et fascine les plus vulnérables. Au son de son violon, il entraîne dans son sillage les plus démunis, les plus traumatisés pour les conduire dans un ailleurs qui apaisera leur douleur mais les condamnera à une vie d'oubli. Le pouvoir qui est à l'œuvre dans ce récit est sombre et pesant car il se nourrie du malheur des humains. Faland est le mauvais génie de ses êtres cabossés par la guerre. Sa présence infuse au texte une saveur douce amère qui ne laisse pas indifférente et donne à ce livre une aura si singulière. 

En outre, Requiem pour les fantômes est un roman d'une grande richesse car en choisissant la Première Guerre Mondiale pour décor, Katherine Arden se laisse l'opportunité de dénoncer la guerre et ses conséquences autant physiques que psychologiques. Elle a donc piqué son texte d'une critique politique portant particulièrement sur l'inutilité de ces conflits armés et de l'absence de leçon tirée au vu du climat belliciste qui n'a cessé d'embraser le monde depuis cette première moitié du XXe siècle, d'autant qu'ils sont toujours décidés en haut lieu par des personnes qui n'y prennent jamais part. 

Ce livre est bouleversant et riche en émotions variées. Il nous parle de deuil, de reconstruction après l'horreur et la solitude. Ce récit dégage émotionnellement une grande puissance qui se cristallise autour de ses personnages auxquels on ne peut que s'attacher. Tous sont tourmentés, touchés dans leur chair pour certains ou meurtris dans leur âme pour d'autres. L'autrice explore à travers eux les ravages de la guerre, la défiguration ou les troubles psychiques. Au milieu de cette communauté de protagonistes que Katherine Arden a choisi de mettre en scène, il y a les deux narrateurs de cette histoire, à savoir Laura Iven et son frère Wilfried, dit "Freddie". Blessée au cours de cette odieuse guerre, Laura en conserve encore les stigmates l'handicapant par moment. Pour autant, elle fait preuve de beaucoup de courage et d'abnégation et décide de retourner au front afin de soigner les blessés et de retrouver la trace de son frère porté disparu. Elle incarne l'image de la femme forte, solide et têtue, des qualités indéniables pour mener à bien sa quête.  A travers elle et les autres protagonistes féminins, Katherine Arden démontre aussi sa volonté de rappeler le rôle héroïque de ces femmes pendant la guerre donnant un coup de pouce à leur émancipation en ébranlant par la même occasion les mœurs de la société de l'époque. Quant à Freddie, il était un jeune homme plein de rêve et pétri d'un certain idéal au moment de s'engager mais le choc des tranchées va le changer profondément. Il va connaître un drame qui va manquer de peu de lui ôter la vie. Un évènement qui va le faire basculer vers autre chose. Sa personnalité va s'en retrouver profondément changé, notamment à cause d'une rencontre. A travers lui, l'autrice questionne la figure de l'étranger traité en ennemi et surtout la légitimité d'une telle position.

Pour conclure :

Avec Requiem pour les fantômes, Katherine Arden donne à sa fantasy une toute autre musicalité. Elle jette un nouveau regard sur ces évènements qui ont endeuillé l'Europe au XXe siècle et rappelle aux Américains que même si cela a peu compté dans l'Histoire américaine, beaucoup de compatriotes y ont perdu la vie. 

C'est un magnifique récit plein d'élégance et de sensibilité.

Fantasy à la Carte

Informations

Katherine Arden
Requiem pour les fantômes
9782207179345
480 pages
Collection Lunes d'encre
Editions Denoël

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