L'influence du "gaming" à la littérature

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30/01/2024

GennaRose Nethercott, La Maison aux Pattes de Poulet, éditions Albin Michel Imaginaire

GennaRose Nethercott,
 La Maison aux Pattes de Poulet
éditions Albin Michel Imaginaire 

Romancière, poétesse et novelliste, GennaRose Nethercott est sans doute un nom à retenir. Le succès de son roman La Maison aux Pattes de Poulet y est pour quelque chose d'où cet engouement de le voir publier en France. Et c'est Albin Michel Imaginaire qui s'y est collé avec la publication d'un livre, sublimé par sa magnifique couverture, signée Anouck Faure

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Bellatine et Isaac sont frère et sœur et les derniers de leur lignée. Ils viennent d'hériter d'un étrange leg qu'ils doivent récupérer au port de New York, tout droit envoyé de Kyiv. Il s'agit d'une maison, mais pas n'importe laquelle puisqu'elle est perchée sur des pattes de poulet et a appartenu à leur aïeule Baba Yaga. Alors que Bellatine se voit déjà y vivre et réfléchit à redonner la part à son frère, Isaac, lui, a la folle idée de la transformer en scène de théâtre de marionnettes afin de partir en tournée avec sa sœur comme au bon vieux temps de leur enfance. Bellatine n'a pas d'autre choix que d'accepter le temps de gagner suffisamment d'argent du moins. Seulement, elle ignore qu'un grand danger les guette car Ombrelongue est déjà sur leurs traces et compte bien les exterminer. 

Mon avis :

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, GennaRose Nethercott s'est réappropriée la figure marquante du folklore slave, Baba Yaga. Tantôt décrite comme ravisseuse d'enfants pour les faire rôtir, tantôt comme donneuse d'objets et/ou de conseils au héros afin qu'il triomphe de sa quête, cette sorcière hante les contes russes. Or, l'intrigue de ce roman s'articule autour de sa célèbre isba nichée sur des pattes de poulet la rendant ainsi mobile. Sanctuaire et refuge à la fois, elle est le bien le plus précieux de Bellatine et d'Isaac. Son existence est une énigme, elle semble douée de vie, à l'écoute de ce qui se dit. Elle demeure un lieu apaisant pour quiconque pénètre ses murs, le feu permanent brûlant dans son poêle y joue sans doute un rôle. Sa présence symbolise donc la figure de Baba Yaga dont l'ombre plane au-dessus d'elle car elle est un réceptacle à ses souvenirs et à sa destinée. 

Le merveilleux  s'empare donc de ce texte en s'exprimant aussi à travers les pouvoirs que détiennent les deux personnages principaux. Don ou malédiction, la magie est bien là, elle fleurit dans les mains de Bellatine qui donne vie aux objets inanimés ou dans le corps d'Isaac qui est capable de s'approprier les traits de son visu. 

Mais l'onirisme de la plume de GennaRose Nethercott flirte beaucoup avec l'horrifique, notamment à travers l'inquiétant Ombrelongue qui donne vie aux peurs, empoisonnant ainsi les âmes et tuant les esprits. Entité maléfique et malveillante, sa présence donne la chair de poule car il est le croquemitaine de l'Histoire, chargé d'une bien funeste mission.

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, l'autrice s'est penchée sur les différentes facettes du monstre. Ombrelongue en est, d'ailleurs, clairement l'essence. Agglomérat du pire de l'humain, il est la personnification des heures sombres de l'humanité dans ses basses œuvres par peur et lâcheté. Or, GennaRose Nethercott différencie cette monstruosité qui se croit légitime dans ses actes de celle dont certains ou certaines se croient à tort doter. C'est le cas de Bellatine qui se voit comme une abomination à cause de ses aptitudes surnaturelles et de ses désirs refoulées. La vérité est que le diable se cache souvent sous une couche de mensonges aux accents de légitimité. 

Derrière cette course-poursuite haletante, l'autrice évoque une réalité historique effroyable de la Russie tsariste. Il s'agit du temps des pogroms qui désignent les violentes attaques dont ont été victimes les Juifs par la population locale non juive les accusant d'être responsables de tous leurs maux. Ce devoir de mémoire est bouleversant et teinte ce récit de mélancolie, de larmes et d'une détermination quant à ne jamais laisser le passé tomber dans l'oubli. 

La Maison aux Pattes de Poulet est un conte sombre et tragique, pense-bête du passé pour ne pas le voir se reproduire dans l'avenir. 

Quant aux protagonistes de cette histoire, ils sont nombreux même si GennaRose Nethercott nous attache surtout aux pas de Bellatine et d'Isaac, beaucoup d'autres gravitent autour d'eux. D'ailleurs, ils ont beau être frère et sœur, ils ne se ressemblent pas pour autant. 

Fantasque, volubile et lâche, Isaac ne s'engage pas, préférant prendre la fuite dès que ça l'implique. Mais sa fausse désinvolture cache une peur, celle d'être abandonné, alors il préfère prendre les devants. C'est un garçon plus complexe qu'il n'y paraît et cette aventure va prouver qu'il n'est pas un couard mais plutôt un frère sur qui compter.

Bellatine manque cruellement de confiance en elle. Elle doute en permanence, ne se fait pas confiance et refoule sa vraie nature par peur du jugement ou de déplaire. Or, affronter le passé de sa famille va lui donner l'assurance manquante et lui permettre ainsi de s'épanouir en étant elle-même.

Pour conclure :

Lire La Maison aux Pattes de Poulet, c'est faire la rencontre d'une plume délicate qui nous plonge dans un univers baigné d'ombre et de lumière, agrémenté d'émotions fortes. Coup de cœur indéniable pour cette histoire, alors rendez-vous en librairie dès le 31 janvier pour que vous aussi, vous ayez le vôtre !

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur la blogosphère, l'avis de Just A Word

Informations

GennaRose Nethercott
La Maison aux Pattes de Poulet
9782226485991
523 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

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26/01/2024

Patrick Jézéquel & Séverine Pineaux, Féeries & Légendes des Dragons, éditions Au Bord des Continents

Patrick Jézéquel & Séverine Pineaux, 
Féeries & Légendes des Dragons
éditions Au Bord des Continents 

Les éditions Au Bord des Continents sont connues pour leurs publications à caractère merveilleux ou à destination de la jeunesse. Recueils, albums, illustrés viennent enrichir chaque année le catalogue de cet éditeur breton qui met un point d'honneur à mettre en valeur le légendaire de la région.

Dans la collection Féeries & Légendes, j'ai découvert celui consacré aux dragons signé  par Patrick Jézéquel et Séverine Pineaux grâce une amie qui me l'a offert car elle connaît bien mon goût pour l'imaginaire. J'en profite pour à nouveau la remercier.

Quand il n'enfile pas sa casquette d'éditeur, Patrick Jézéquel aime laisser courir sa plume pour nous conter les légendes oubliées. Artiste, illustratrice et dessinatrice, Séverine Pineaux évolue dans un univers de féerie et de fantasy. Gothic Faëries, Les Chats Enchantés et Ysambre sont sans doute ses œuvres les plus marquantes dans lesquelles on retrouve une féerie s'épanouissant dans une nature sublimée. 

Créature légendaire, le dragon ne cesse d'inspirer depuis la nuit des temps. Or, dans le recueil Féeries & Légendes des Dragons, Patrick Jézéquel et Séverine Pineaux en ont fait un sujet d'étude pour revisiter ses représentations dans le temps et l'espace. 

Dans cet ouvrage aux allures de grimoire, Patrick Jézéquel enchaîne les histoires de dragons empruntant parfois au mythe arthurien, parfois à la mythologie grecque ou viking. Ainsi, dans "Merlin et les Dragons", l'auteur nous conte l'intervention de Merlin auprès du roi Vortigern afin de comprendre pourquoi la construction de son château semble être frappé de malédiction . En effet, à peine achevée l'une des tours de la forteresse ne cesse de s'effondrer. La cause de ce phénomène est la présence de deux dragons dans une cavité souterraine sous les fondations de la forteresse, qui n'arrêtent pas de s'affronter ébranlant ainsi ladite construction. L'ordre est donc donné de libérer les créatures afin qu'elles terminent leur combat à l'air libre. La victoire de l'une d'elle est d'ailleurs interprétée par le roi des Bretons comme un bon présage quant au triomphe des Celtes sur les Saxons. 

Autre héros mythique qui a eu maille à faire avec ces êtres ailés tout droit sortis du bestiaire merveilleux, c'est Hercule. Il doit détruire l'hydre en s'échinant à couper en vain ses têtes qui ne font que de se multiplier et que l'on retrouve dans la nouvelle intitulée "L'hydre" qui lui est dédiée. 

Mais, plus que de mettre en valeur ce patrimoine culturel fabuleux, Patrick Jézéquel fait aussi un petit état des lieux de toutes les espèces de dragons que l'on peut rencontrer. Il s'attarde sur ses particularités, ses habitudes et son habitat comme dans "Dragon des marais", "Dragon des mers" ou encore dans "Dragon des lacs". Tout est minutieusement décrit pour nous en faciliter la représentation visuelle. 

L'auteur digresse parfois en s'aventurant auprès d'autres animaux chimériques proches physiquement du dragon comme la tarasque, le basilic ou encore la vouivre.

Gardien des lieux sacrés (dans "Gardien de trésors") ou allégorie du paganisme (dans "Dragon de terre"), d'où l'image du dragon pourfendu par le héros et symbolisant le triomphe du christianisme sur le paganisme.

Chaque histoire s'accompagne donc de magnifiques illustrations réalisées par la talentueuse Séverine Pineaux. Simples croquis ou scènes élaborées, le dragon se déploie sous toutes ses formes. Merveilleusement représenté, le découvrir à chaque page tournée demeure un ravissement pour les yeux. Ainsi, on est tantôt captif de son regard pénétrant lorsqu'on le croise, tantôt on retient notre souffle de peur de subir sa puissance de feu. 

La magie prend vie grâce à la plume et au crayon de ces deux artistes qui nous entraînent à perdre haleine dans bien des aventures.

En somme, Féeries & Légendes des Dragons se présente comme le parfait petit guide pour s'imprégner de cet imaginaire ancestral qui continue d'en faire rêver plus d'un.

Fantasy à la Carte

Informations

Patrick Jézéquel
Séverine Pineaux
Féeries & Légendes des Dragons
9782370510334
157 pages
Editions Au Bord des Continents

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24/01/2024

John Brunner, Le Voyageur en Noir, éditions Mnémos

John Brunner, Le Voyageur en Noir, éditions Mnémos 

Grand auteur de science-fiction, John Brunner est connu pour ses univers dystopiques et cyberpunk. Ses œuvres les plus marquantes sont Tous à Zanzibar (1978) et L'Orbite déchiquetée (1969). Chacun de ses textes a été l'occasion de mettre en lumière des sujets toujours d'actualité comme l'emprise des médias avec la mise en place de la censure, la puissance des multinationales, la guerre, l'écologie ou encore le péril technologique.

Après la réédition de certaines de ses œuvres comme les intégrales Les Planétaires et La Tétralogie Noire ou encore L'Orbite déchiquetée, les éditions Mnémos récidivent en ce début d'année 2024 en nous proposant, cette fois-ci, avec Le Voyageur en Noir son unique récit de fantasy

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

On y suit les pérégrinations d'un certain voyageur en noir toujours muni d'un bâton lumineux. En effet, celui-ci est chargé par une entité anonyme de rétablir l'ordre en éradiquant la magie car cette dernière est source ici de chaos et constitue à ce titre un danger. La tâche semble de longue haleine, alors arrivera-t-il à mener sa quête jusqu'au bout ? 

Dans Le Voyageur en Noir, John Brunner prend la fantasy à contre-pied. En effet, il ne s'agit pas ici d'un roman d'apprentissage dans lequel le jeune héros doit apprendre à maîtriser ses pouvoirs afin de libérer son monde d'un quelconque oppresseur. Pas plus que l'on assiste entre ces lignes à une lutte entre magie blanche et magie noire. 

En fait, dès les premières lignes du livre, on sent l'auteur de science-fiction derrière ce récit de fantasy car il a mis beaucoup de rationalité dans le traitement de la magie. Celle-ci étant surtout tournée vers un usage personnel dans l'univers imaginé par John Brunner, on comprend donc d'autant mieux sa vision pessimiste car elle va à l'encontre de l'intérêt collectif. On en prend, d'ailleurs, la mesure dans la deuxième partie intitulée, Abattre la porte des enfers où l'on goûte à la destinée tourmentée de la cité d'Ys et de ses habitants qui voient s'abattre sur eux bien des calamités. Ceux-ci ont péché par excès en invoquant des puissances néfastes pour sauver la ville de sa déchéance plutôt que de se retrousser les manches et en payent donc le prix. 

Mais plus que d'implorer magiciens ou élémentaux, la population réclame aussi, à cor et à cri, l'intervention d'un dieu qui tel un messie sera à même de les guider et de leur trouver des solutions à leurs problèmes. Ainsi, dans la première partie, La marque du chaos, le voyageur en noir exauce non sans humour leur vœu puisqu'il extrait Bernard Brown de son époque pour lui faire endosser ce rôle divin. Une manière de prouver au peuple que seule la réflexion et l'astuce peuvent régler la situation. 

En outre, le voyageur en noir prend ici les traits du génie qui intervient pour exaucer les vœux. Seulement les gens ignorent à qui ils ont affaire et professent des désirs à tort et à travers sans l'avoir mesuré au préalable. Or, ceux-ci prennent des tournures inattendues et bien souvent désagréables. En cela, l'auteur souligne l'inconséquence humaine qui cherche toujours un coupable dans autrui et n'assume généralement pas ses actes. Figure du magicien ou jedi, le voyageur en noir endosse au fil des pages bien des rôles, du simple observateur à l'acteur.  Le regard qu'il pose sur ce monde en perdition est désabusé car nul ne semble jamais apprendre de ses erreurs. C'est donc avec beaucoup d'ironie et de lassitude qu'il porte sa mission d'ordonner le monde. 

Comme dans beaucoup de ses textes, on retrouve certains de ses thèmes de prédilection, notamment son rapport à l'écologie et à la problématique de la pollution comme dans Ces choses qui sont des dieux où toutes sortes d'immondices, des cadavres d'animaux ou d'humains aux déchets végétaux sont jetés dans Métamorphia rendant la consommation de l'eau impropre tout en enrichissant une sorcière malhonnête. 

Ainsi, dans Le Voyageur en Noir, la magie personnifie la société archaïque que le personnage principal cherche à remplacer par un monde plus progressiste fondé sur la raison et la science. 

Divisé en cinq parties, la rédaction de cette œuvre ne s'est donc pas faite d'une traite. Ainsi, en se ménageant de longues pauses entre chacune d'elles, John Brunner a choisi de laisser mûrir sa réflexion en permettant à sa fantasy de se nourrir de la science-fiction qu'il n'a pas cessé d'écrire. 

En rééditant ce texte, les éditions Mnémos nous donnent accès à un grand nom de la science-fiction qui s'est essayé à la fantasy et évitent ainsi que ce patrimoine culturel ne s'éteigne à jamais. Alors, on les remercie !

Fantasy à la Carte

Informations
John Brunner
Le Voyage en Noir
9782382671061
254 pages
Editions Mnémos

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21/01/2024

Sangu Mandanna, La Société très secrète des Sorcières extraordinaires, éditions Lumen

Sangu Mandanna, La Société très secrète des Sorcières extraordinaires
éditions Lumen

Autrice britannique de fantasy, Sangu Mandanna aime parler de magie et de mythes dans ses histoires. Sa bibliographie compte déjà deux cycles et quelques romans isolés. 

La Société très secrète des Sorcières extraordinaires est son premier livre traduit en France. Après l'avoir beaucoup vu passer sur les réseaux sociaux, c'est l'avis de Pikiti Bouquine qui a fini de me convaincre de le lire à mon tour.

Résumé :

Mika Moon est une sorcière, seulement personne ne doit le savoir, si ce n'est ses consœurs bien sûr ! Terriblement frustrée de ne pas se montrer telle qu'elle est aux autres, elle a lancé une chaîne Youtube où elle se fait passer pour une fausse sorcière. Ce n'est pas vraiment enfreindre les règles si personne ne la prend au sérieux, n'est ce pas ? Seulement, un jour elle reçoit une bien étrange offre d'emploi où il est question de devenir la professeure particulière de trois jeunes sorcières domiciliées dans le Norfolk. Or, il est interdit pour les sorcières de vivre sous le même toit sous peine de courir à la catastrophe. Intriguée, elle répond favorablement à l'annonce, se rend sur les lieux et en dépit des risques, elle accepte cette étonnante proposition. Bien entendu, elle n'imagine pas combien sa vie va basculer surtout lorsqu'elle va partager les secrets de ses curieux employeurs.

Mon avis :

Classé feel good, La Société très secrète des Sorcières extraordinaires est un cosy fantasy qui partage l'ambiance réconfortante de ce genre littéraire. Sous la plume de Sangu Mandanna, la magie est entre les mains d'une poignée de sorcières soumises à une malédiction les condamnant à être orphelines. Elles ne peuvent donc pas vivre ensemble et leurs rencontres doivent demeurer épisodiques pour limiter les concentrations de pouvoir qui attireraient obligatoirement l'attention. Le pouvoir se manifeste d'ailleurs par un scintillement qui les irradie. Certaines ont des prédispositions pour l'élaboration de potions tandis que d'autres ont la maîtrise des sorts complexes de protection. Elles vivent selon des règles strictes qui les obligent à maintenir un anonymat. Alors quand l'héroïne débarque dans la Maison de Nulle Part, les codes sont bouleversés puisqu'elle découvre trois jeunes sorcières partageant le même toit et entourées de personnes sans pouvoir ayant connaissance de leurs capacités. 

La Société très secrète des Sorcières extraordinaires nous immerge dans un monde contemporain infusé par une magie secrète. Le récit est extrêmement rafraîchissant, plein des secrets dont s'entoure quasiment chacun des personnages de cette histoire. Il se présente à la fois comme un roman d'apprentissage à travers l'éducation à la magie que le personnage principal doit dispenser aux trois fillettes, mais aussi comme une romance entre certains protagonistes et enfin comme un mystère à résoudre autour des non-dits pour Mika Moon. Il en ressort un roman d'autant plus riche car derrière la légèreté de ton qui transperce entre ces lignes, Sangu Mandanna questionne beaucoup la notion de famille car celle-ci ne se construit pas exclusivement sur la base du partage de gènes. Aucune des personnes vivant dans la Maison de Nulle Part ne possèdent le même sang et pourtant elles se considèrent toutes comme appartenant au même noyau familial. Elles sont même prêtes à enfreindre la loi et à risquer tous les périls pour maintenir leurs liens. Mais, bien d'autres sujets ponctuent ce texte puisque l'autrice nous y parle aussi bien de solitude affective, de deuil, de dépression parentale, d'harcèlement et de brimades que de construction de soi. 

Or, quoi de mieux pour s'exprimer sur toutes ces thématiques que de s'appuyer sur une communauté de personnages aussi hétéroclites qu'attachants. Chacun d'entre eux dégage ce petit quelque chose qui les rend inoubliables. Aussi, chez Mika Moon, on va être sensible à son manque affectif qu'elle va chercher à combler par des interactions sociales. Et que de dire de sa personnalité solaire si ce n'est que ses sourires et sa bonne humeur enchantent littéralement les pages de ce livre. Les jeunes sorcières, quant à elles, sont d'une grade perspicacité, en dépit de leur jeune âge. Si deux d'entre elles sont surtout à la recherche d'une figure maternelle que l'absence de Lillian n'a pas su combler, la troisième, elle, demeure surtout défiante vis à vis de cette nouvelle venue qui est susceptible de perturber leur équilibre familial. Le couple d'octogénaires formé par Ian et Ken est délicieusement charmant. Leur différence de caractère forme un tel contraste qu'on est obligé de fondre en les découvrant. Si Ian est curieux et entremetteur sur les bords, Ken est plutôt discret et joue les tampons plus souvent qu'à son tour. Et enfin Jamie, il est aussi séduisant que détestable. Rabat-joie, critique et méfiant, il est le protagoniste le plus difficile à apprivoiser mais qui mérite sans doute autant notre attention, ne croyez-vous pas ?

Pour conclure :

La Société très secrète des Sorcières extraordinaires m'a fait passer un merveilleux moment de lecture. J'ai adoré retrouver ses personnages à chacun de mes retours dans le roman. C'est clairement le genre de livre qui s'accompagne d'un bon thé pour un parfait moment cocooning. Je vous le recommande, alors le lirez-vous ? 

Fantasy à la Carte

Informations

Sangu Mandanna
La Société très secrète des Sorcières extraordinaires
9782371024137
407 pages
Editions Lumen

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16/01/2024

Mark Lawrence, Sœur Ecarlate, T.1, Le Livre des Anciens, éditions Bragelonne

Mark Lawrence, Sœur Ecarlate
T.1, Le Livre des Anciens
éditions Bragelonne 

Auteur américain de fantasy, Mark Lawrence n'a de cesse, depuis quelques années, d'enchaîner les trilogies pour étoffer son univers de L'Empire Brisé

Après avoir lu sa trilogie de L'Empire Brisé, puis très récemment celle de La Reine Rouge, me voici en pleine découverte du premier volet du Livre des Anciens.

Je remercie à nouveau Mark Lawrence pour l'envoi de ce service de presse qui m'offre l'opportunité de poursuivre l'aventure. 

Résumé :

Vendue par sa mère à un marchand d'esclaves, la jeune Nona échoue au Caltess pour servir dans des arènes de combat comme d'autres jeunes gens. Tout bascule, le jour où en défendant une amie, elle blesse gravement l'héritier d'une puissante famille. Condamnée à mort, elle échappe de peu à la pendaison grâce à l'intervention de l'abbesse Vitrage qui l'emmène au couvent de la Mansuétude pour la former aux arts de la guerre et la faire embrasser son héritage magique. Mais peut-elle réellement espérer échapper indéfiniment à ses poursuivants ?

Mon avis :

Autre ambiance avec Le Livre des Anciens puisque Mark Lawrence nous emmène, cette fois-ci, en Abeth où le sang de quatre tribus coule dans les veines de ses habitants. Or, celui-ci forge leur destin en leur donnant des capacités particulières. Ainsi, les Gerants se distinguent par leur haute stature et les Hunskas par leur vélocité, tandis que les Marjals sont capables de puiser dans les magies mineures, les Quantals, eux, savent arpenter la Voie et maîtriser, de facto, les magies majeures. Certains parmi ces descendants les mieux dotés intègrent, d'ailleurs, des monastères pour y devenir novices. Là-bas, différents cours leur sont dispensés comme l'art des poisons et ses antidotes, la maîtrise des armes et des techniques de combat ou encore le contrôle de la Voie par une totale sérénité, dont la finalité est la manipulation de ses fils. C'est un programme d'études qui se déroule sur quatre années jusqu'à prendre le voile et devenir ainsi moniale. On distingue quatre ordres. Celui des Saintes chargées d'entretenir la foi en l'Ancêtre, celui des Ecarlates, autrement dit des soldates douées pour le combat, celui des Silences qui excellent dans l'art de l'espionnage et celui des Mystiques  qui se révèlent être de vraies sœurcières maîtrisant la Voie. 

En nous attachant aux pas d'une enfant, Mark Lawrence fait le choix du roman d'apprentissage dans lequel Nona apprend à devenir à la fois une lettrée et une guerrière accomplie. Ainsi, amitiés naissantes et rivalités entre novices imprègnent autant ce texte que les intrigues politiques qui agitent l'Empire et l'Eglise. 

A l'image de ses précédentes séries, Le Livre des Anciens partage ce même univers sombre empreint de violence et de dureté et où la magie y est dévastatrice. 

En outre, Mark Lawrence a ponctué son texte de sujets sensibles en nous parlant notamment de commerce d'enfants, d'esclavagisme et de violence. Le décor est donc posé et il est difficile et implacable. Sœur Ecarlate est un récit poignant peuplé de traumatismes familiaux, sociaux et psychologiques. Il est  pas mal question de misère sociale et d'abus mais l'auteur allège aussi le ton en construisant des amitiés fortes et en proposant un épanouissement personnel de ses protagonistes par une lente acceptation de soi. Il y a également une petite incursion de la question écologique, à travers cette ritournelle qui hante l'esprit de l'héroïne. Celle-ci porte sur la fin d'un monde après la chute de la lune. C'est une manière pour l'auteur de rappeler que la préservation de la vie et de la terre demeure bien fragile. 

Dans Le Livre des Anciens, on fait donc la connaissance d'une gamine prénommée Nona. Entre un père absent et une mère détachée, elle cherche à tisser un lien affectif dans chacune de ses rencontres. A ce titre, c'est un personnage particulièrement touchant d'autant que la vie est cruelle avec elle. Elle grandit dans la douleur, perpétuellement mise à l'épreuve. Autour d'elle gravitent de nombreuses moniales et novices parmi lesquelles certaines sont plus attachantes que d'autres comme la jeune Hessa. Avec sa jambe atrophiée, elle ne peut rivaliser avec la force physique de ses consœurs mais elle compense par un enrichissement de son savoir et une meilleure maîtrise de la Voie. Son courage et sa pugnacité font d'elle une vraie héroïne. Quant aux moniales, j'avoue avoir un faible pour sœur Vitrage. C'est une protagoniste particulièrement intrigante qui aime s'entourer de secrets. Mais sous son masque d'autorité se dissimule une personne de cœur qui prend, bien volontiers, sous son aile les oisillons perdus.

Pour conclure :

Avec Le Livre des Anciens, Mark Lawrence maintient encore une fois la barre haute avec une narration toujours aussi nerveuse, des personnages inoubliables et un univers travaillé associé cette fois-ci à une intrigue originale et captivante. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi mes avis sur Le Prince Ecorché, Le Roi Ecorché, L'Empereur Ecorché et La Reine Rouge

Informations

Mark Lawrence
Sœur Ecarlate
T.1
Le Livre des Anciens
Editions Bragelonne

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