07/05/2024

Pierre Raufast, La Tragérie de l'orque, T.1, La Trilogie baryonique, éditions Pocket Imaginaire

Pierre Raufast, La Tragédie de l'orque, t.1, 
La Trilogie baryonique
éditions Pocket Imaginaire 

Pierre Raufast est l'auteur d'une dizaine de romans de science-fiction dont La Trilogie baryonique

Régulièrement nominés, ses textes font beaucoup parler d'eux. Son premier livre, La Fractale des raviolis a reçu en 2014 le prix Talents Cultura et en 2015, les prix de la Bastide et Jeune mousquetaire

2024 marque la sortie concomitante du tome 3 concluant La Trilogie baryonique publiée Aux Forges de Vulcain et la réédition du tome 1 chez Pocket Imaginaire.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Pour faire progresser l'humanité, des expéditions sont menées dans l'espace afin de trouver des gisements d'antimatière. Celles-ci sont conduites par des mineurs d'espace-temps chargés de générer des trous noirs, à bord de leur vaisseau, pour explorer les strates de l'univers. Mais, un jour l'une de ces missions tourne mal. En effet, l'Orca-7131, piloté par Sara McTeslin et sa coéquipière Slow Resende connaît une avarie l'empêchant de refermer le trou et constituant une véritable menace pour toute l'humanité. Que se passera-t-il si la situation n'est pas inversée? 

Mon avis :

La Tragédie de l'orque est un récit d'anticipation qui nous propulse dans le futur, en 2173. Il y est fait mention d'une grande migration survenue dans le passé suite au dérèglement climatique rendant des territoires inhospitaliers. Ce phénomène demeure un grand traumatisme pour l'humanité qui s'est drastiquement réduite. Mais là n'est pas le propos car Pierre Raufast cherche plutôt à se projeter dans un futur crédible marqué par un tournant technologique. En effet, l'auteur s'appuie sur les avances de la physique quantique qui ont, notamment, permis de créer des ordinateurs surpuissants. L'intelligence artificielle est partout et seconde l'humain dans chaque tâche quotidienne. Elle prend, d'ailleurs, la forme de robots experts gérant aussi bien l'intendance que les missions les plus complexes telle l'exploration spatiale au-delà du système solaire. Pour autant, le monde stagne depuis qu'il s'est engagé dans cette quête impossible de trouver de l'antimatière. Cette formidable énergie dont un seul gramme équivaut à la puissance d'une bombe atomique de 20 kilotonnes semble davantage relever d'une chimère que d'une réalité. En effet, depuis des années des mineurs d'espace-temps doivent explorer chaque repli de l'univers pour la trouver sans grand succès jusqu'à ce jour. Mais, c'est une stratégie de plus en plus critiquée au vu des risques encourus pour un résultat inexistant. Une conviction qui va, d'ailleurs, ne faire que de se renforcer après l'avarie survenue sur le module transportant la commandante Sara et sa seconde Slow.

Le décor est posé et il est très efficace. Pierre Raufast se sert des sciences dures pour dessiner un futur réaliste. Les enjeux sont multiples et interviennent à différents niveaux. Il y a déjà les rivalités entre une institution et une multinationale pour des raisons économique et marketing afin d'apparaître comme le sauveur de l'humanité. Alors que pour certains individus, il s'agit plutôt d'auréoler sa carrière d'un coup d'éclat ou au contraire de maintenir le monde tel qu'il est par peur des dérives du progrès. 

La Tragédie de l'orque est un space opera fracassant nourri à de la hard science-fiction fort bien amenée. Les concepts sont bien expliqués facilitant leurs représentations surtout pour un lectorat peu porté sur les sciences. L'intrigue est passionnante et tient en haleine. 

Pierre Raufast nous attache sans mal à sa communauté de personnages ballotés par les événements. Que ce soit dans l'espace avec Sara qui se languie de sa famille, tout en appréciant la liberté que son statut lui confère ou la très secrète Slow qui, en dépit de son immense érudition, dissimule pas mal de secrets faisant d'elle un personnage-clé de cette trilogie. Sans parler de Youri qui semble n'aspirer qu'à raccrocher et qui, pourtant retrouve la flamme au dernier moment pour terminer sa carrière en apothéose. Ou sur terre à travers Mia, une adolescente en pleine crise d'identité qui cherche à exprimer son manque affectif par la colère et le conflit ou encore le jeune Diego qui s'insurge contre l'évolution de son monde qu'il juge inquiétante.

A travers ses nombreux protagonistes, Pierre Raufast explore les différentes facettes de ce futur se révélant aussi palpitant que redoutable. Son texte est bourré de réflexions intelligentes. Il y questionne, d'ailleurs, beaucoup ce progrès dans les entraves qu'il impose à la liberté. Ici, la surreprésentation de l'intelligence artificielle étouffe la pensée individuelle. Les robots qui sont autant des compagnons que des serviteurs pour l'humain exercent une réelle influence sur ce dernier au point d'en devenir inquiétant. Cela pousse à se demander si leur existence est bénéfique ou toxique. 

De même, ces explorations de l'espace sont glorifiés par certains et mis à l'index par d'autres, sont-elles si judicieuses? 

L'auteur s'intéresse à la portée et à la réelle nécessité pour l'homme d'aller coloniser d'autres espaces surtout au vu du traitement qu'il a réservé à la Terre depuis de nombreuses années.

Le texte aborde un certain nombre de sujets nécessaires pour penser l'avenir sans pour autant émettre un jugement, laissant ainsi chacun se faire son propre avis sur la question. 

Pour conclure :

Ce premier tome de La Trilogie baryonique est très enlevé et nous embarque avec une grande facilité dans cette intrigues aux rebondissements multiples. En outre, il se conclut sur un cliffhanger insoutenable surtout quand on doit attendre la sortie poche du tome 2. Alors quand est-elle ? 

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, les avis : Le Nocher des Livres, Collection de livres et Le Bibliocosme.

Informations

Pierre Raufast
La Tragédie de l'orque
Tome 1
La Trilogie Baryonique
9782266335645
336 pages
Editions Pocket Imaginaire

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03/05/2024

Régis Goddyn, D'où viennent les nuages, éditions L'Atalante

Régis Goddyn, D'où viennent les nuages
éditions L'Atalante 

Après sa célèbre saga du Sang des 7 Rois qu'il a explorée en sept tomes suivis d'une duologie servant de prélude, Régis Goddyn est de retour au catalogue des éditions L'Atalante.

Cette fois-ci, c'est au format court qu'il a choisi de nous entraîner au cœur de ses histoires.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse.

Au programme de ce recueil de nouvelles intitulé D'où viennent les nuages, dix textes se succèdent dont certains sont inédits et d'autres réédités. 

Mon avis :

Avec D'où viennent les nuages, Régis Goddyn va satisfaire tous les goûts puisqu'il nous propose aussi bien de l'uchronie, de la science-fiction que de la fantasy.

D'ailleurs, il ouvre le bal en jouant avec l'Histoire et nous propose dans "Les Comptes fantastiques de Paris" de remonter le temps pour poser nos valises dans le Paris du Second Empire au moment des grands chantiers d'urbanisme de la capitale lancés par le baron Haussman. En effet, derrière les grandes excavations inhérentes à ce genre de gros œuvre, l'auteur y voit plutôt le désir d'un empereur de mettre la main sur un trésor jalousement gardé depuis des siècles par les Templiers sur ordre de la papauté et dont l'existence est transmise à une société secrète d'alchimistes. En quelques pages, l'univers est posé et il est hyper intriguant. Personnellement, j'y serai bien resté plus longtemps pour en apprendre plus sur le devenir de ce très mystérieux héritage.

Esotérisme, magie, et élixir occulte, voici des éléments récurrents en littérature fantasy. D'ailleurs, l'auteur les avait déjà utilisés dans sa précédente série du Sang des 7 Rois dont on retrouve un fragment entre ces pages. Ainsi, dans "Beauté", on recroise la route de Sylvan qui, pour rappel, s'était effacé afin de permettre à Aldemond de sauver Armine. Or, voici qu'on le rattrape sur la route du nord pour rejoindre son épouse. Un périple qui lui promet bien des rencontres dont celle d'un muletier prénommé Falco dont les confidences vont l'éclairer sur le fameux sang bleu. 

Mais, parfois Régis Goddyn choisit de nous faire définitivement quitter la terre pour participer, par exemple, à des jeux paralympiques d'un nouveau genre puisqu'il s'agit dans "Albedo" de remporter une course à bord d'un vaisseau se déroulant sur Titan, un satellite de Saturne. L'enjeu est énorme surtout pour Eva qui attendait l'événement depuis si longtemps. Celui-ci promet d'ailleurs d'être décoiffant et de créer quelques sueurs froides à notre jeune athlète qui va tout faire pour ne pas se laisser distancer en dépit d'une erreur d'aiguillage en début d'épreuve. 

Régis Goddyn démontre son goût pour l'exploration des mondes par-delà les frontières terrestres. Ainsi, dans "Un radeau sur le Styx", il se réapproprie carrément le mythe de l'Atlantide en nous emmenant au cœur d'une cité engloutie située sous la surface de la mer qu'un pêcheur prénommé Martin a découvert fortuitement en s'y échouant à bord de son sous-marin. Voilà qui n'est pas commun et promet d'être riche en découvertes et en rencontres pour ce marin qui ne s'attendait pas à ça et encore moins d'y trouver l'amour. 

Sous la mer ou dans les cieux, l'auteur nous entraîne dans plus d'une odyssée. En tout cas dans "D'où viennent les nuages", celle-ci promet d'être palpitante puisqu'il s'agit de prendre de la hauteur sur le monde afin de mieux le comprendre et de voir au-delà. Pour l'ex-chanteur Alidor de Dichter, il sera surtout question de tenter de renouer avec le succès qui s'en est allé en rejouant une nouvelle partition, celle d'un aventurier espérant laisser cette fois-ci une marque plus indélébile. 

Enfin, le recueil s'achève sur un triptyque de nouvelles inédites, glissées là pour capter l'attention du lecteur attentif car il s'agit ni plus ni moins des premiers mots d'un nouvel univers où complots politiques et magie vont s'entremêler pour une nouvelle fois nous envoûter. Il y sera notamment question de l'enjeu des écrits à travers le rôle important des scripteurs. En filigrane, on y perçoit sa volonté de mettre en lumière l'écriture et la puissance des mots. Des intrigues fort prometteuses qui annoncent déjà la saga de haut vol qui ne manquera pas de suivre.

Pour Conclure :

Quel plaisir de retrouver la plume délicate de Régis Goddyn qui a cette grande capacité de faire jaillir la magie toujours à des moments ou dans des lieux inattendus. Prodigieux tout simplement !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur les tomes 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de la saga du Sang des 7 Rois, ainsi que le Prélude I

Informations

Régis Goddyn
D'où viennent les nuages
165 pages
9791036001826
Editions L'Atalante

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30/04/2024

Margaret Killjoy, Un pays de fantômes, éditions Pocket Imaginaire

Margaret Killjoy, Un pays de fantômes
éditions Pocket Imaginaire 

Margaret Killjoy est une autrice d'imaginaire fantasy, steampunk, anarchisme queer et horreur. Sa bibliographie compte déjà plusieurs romans, séries et nouvelles. Seulement un seul de ses récits a été traduit en français à ce jour. 

Il s'agit d'Un pays de fantômes qui, après une première parution en 2022 chez Argyll, vient juste d'être réédité au format poche chez Pocket

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Dimos Horacki est un journaliste, envoyé sur le front pour brosser le portrait flatteur d'un général borolien à la carrière fort prometteuse. Tombé dans un guet-apens tendu par les ennemis de l'empire, il est arrêté par ces derniers et conduit au cœur des montagnes des Cerracs. Là-bas, il va découvrir l'envers du décor qui n'a rien avoir avec la propagande assénée par l'empire. En effet, il fait la rencontre d'hommes et de femmes se battant pour la liberté. Il découvre surtout l'horreur de la guerre portée au sein de ce territoire qui n'aspirait qu'à la paix. Fortement ébranlé dans ses croyances les plus intimes, choisira-t-il la fuite ou le combat ? 

Un pays de fantômes nous immerge dans un monde fictionnel où un empire affiche des velléités expansionnistes. En effet, la Borolie a déclaré la guerre à ses voisins pour agrandir son territoire et s'emparer des ressources minières de fer et de charbon. 

Point de magie entre ces lignes, juste des idéaux portés par des hommes et des femmes en quête de liberté. 

En nous attachant aux pas d'un journaliste encarté par la politique de son pays qui se retrouve abandonné aux mains de l'adversaire, Margaret Killjoy confronte deux mondes opposés. Ce sont deux modèles politiques, économiques et sociaux totalement différents avec d'un côté, un état impérial gouverné par un roi, édictant des lois auxquelles la population doit se conformer et disposant d'une grande armée pour mener les conquêtes, et de l'autre côté, des cités autonomes et harmonieuses fonctionnant sur la base de l'entraide. 

Dans Un pays de fantômes, Margaret Killjoy dessine les contours d'une utopie prônant un idéal social qui repose sur le partage et la solidarité. L'argent est proscrit et tout acte criminel est frappé d'ostracisme. Taxé d'anarchiste par le pouvoir borolien, la Vorronie se retrouve donc envahie car le chaos associé à cette école de pensée sert ici de prétexte au conflit armé qui apparaît comme le seul moyen de rétablir l'ordre. 

Un pays de fantômes est donc également une critique du colonialisme car l'autrice s'est attachée à nous en montrer les terribles conséquences sur la population locale. Ainsi, les villages sont pillés et incendiés. Les habitants sont assassinés. Le récit est brutal et douloureux. Bien que pacifistes, certains ou certaines n'ont pas d'autre choix que de prendre les armes pour se défendre. L'ambiance est lourde et la tension, latente. L'affrontement final est inévitable car ces apprentis mercenaires ne pourront pas user à l'éternel des techniques de la guérilla pour frapper vite, par surprise et se replier rapidement par la suite. 

Avec ce roman, Margaret Killjoy signe un récit engagé fourmillant d'idées brillantes. Plus que de démontrer qu'une autre manière de vivre ensemble est possible, elle pointe les dysfonctionnements du système capitaliste, ainsi que ses dérives autoritaires. Finalement, la répression judiciaire ne fonctionne pas et l'économie de marché favorise l'injustice enterrant par la même occasion la fraternité.

Le choix de la profession du protagoniste principal nous apparaît d'autant plus pertinent au vue du contexte car cela met en exergue le rôle majeur des médias dans la propagande politique. Pour rappel, on est face à un journaliste envoyé sur le front pour glorifier l'armée et justifier ses actes. Mais, par un concours de circonstances, ce dernier découvre une autre vérité changeant à jamais sa vision des choses. Ainsi, il va se réapproprier sa plume pour coucher sur le papier une autre histoire tissée d'espoir, de courage et de sang. Par cette entremise, Margaret Killjoy rappelle la puissance des mots et le poids de l'information. 

Enfin, dans ce combat pour la vie et la liberté, les femmes occupent une place prépondérante. Elles prennent les armes au même titre que les hommes et ne sont pas en reste dans la défense de leur patrie. Certaines endossent même le rôle de chef et galvanisent les troupes sur le champ de bataille. Ce texte se colore de notes féministes à travers de très beaux protagonistes féminins sans pour autant tomber dans l'instauration d'un matriarcat car l'autrice cherche surtout à nous proposer une société basée sur l'équité et le respect.

Captivant par toutes ces thématiques mises en avant, Un pays de fantômes doit également sa réussite à la qualité de ses personnages. Si l'on s'attache si facilement à Dimos Horacki, il n'est, pour autant, pas le seul à retenir notre attention. Dimos est un personnage LGBT qui va beaucoup évoluer, notamment à travers ses prises de conscience quant aux dessous de la guerre et des mensonges de son gouvernement. On le suit dans le cheminement de ses pensées et dans son choix d'embrasser une autre cause qu'il pense plus juste. Il est plutôt malmené par les gens rencontrés et les événements mais garde tout de même un cap, celui de se trouver pour être davantage en accord avec lui-même. Derrière la souffrance inhérente à la guerre, Dimos va ainsi connaître une libération morale et sociale fort salutaire. A ses côtés, on rencontre, notamment, l'intransigeante Ekarna, une femme à poigne qui inspire la crainte ou la sage Nola dont l'autorité naturelle est une source d'inspiration pour tous.

Gros coup de cœur pour ce texte aussi incisif que bouleversant. Sans temps mort, Margaret Killjoy nous entraîne à la rencontre de personnalités marquantes évoluant dans un monde séduisant par bien des côtés. A lire et à partager sans modération.

Fantasy à la Carte

Informations

Margaret Killjoy
Un pays de fantômes
9782266336178
272 pages
Editions Pocket Imaginaire

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27/04/2024

Cadwell Turnbull, Ni Dieux Ni Monstres, éditions L'Atalante

Cadwell Turnbull, Ni Dieux Ni Monstres, éditions L'Atalante 

Romancier et novelliste, Cadwell Turnbull s'est déjà fait remarquer en raflant quelques prix, comme le Neukom Institue Literary Arts Award pour son premier roman, La leçon. Voilà qui donne déjà le ton quant à la richesse de cette plume et à la qualité de ses textes.

Premier tome d'une série intitulée Convergence, Ni Dieux Ni Monstres vient tout juste de paraître aux éditions L'Atalante

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse.

Son frère vient d'être abattu par la police de Boston, Laina est effondrée. De plus, on vient de lui faire parvenir la vidéo du meurtre et son visionnage la laisse complètement abasourdie. Son frère était un lycanthrope et le policier qui a tiré, a en réalité tuer un monstre. Les créatures surnaturelles existent et elles souhaitent que le monde entier le sache sauf que certains ne semblent pas y tenir. Dans ce monde où deux camps s'opposent, lequel aura le dessus sur l'autre ? 

Ni Dieux Ni Monstres est un roman fantastique teinté d'horrifique. Il prend cadre dans une Amérique contemporaine où le surnaturel s'est révélé brutalement à la population provocant réactions violentes, déni ou censure. Ainsi, on rencontre entre ces lignes toutes sortes de métamorphes, des mages et des oracles. Ils forment une communauté hétéroclite et divisée. Certains choisissent de se rapprocher pendant que d'autres préfèrent rester des électrons libres. 

L'univers tient la route. L'auteur a pris soin d'analyser les comportements sociaux tout au long des mois qui vont suivre ce dévoilement qu'il qualifie lui-même de fracture. Ainsi, la situation va se tendre avec un retour de la chasse aux sorcières ponctuée de massacres de personnes accusées d'être des monstres. Il y a aussi une agitation de la communauté scientifique qui cherche à expliquer le phénomène, ainsi que de la sphère complotiste qui émet, sans surprise, les plus folles théories. Le monde bouillonne et approche de son point de rupture. Plusieurs camps s'y affrontent avec d'un côté, les pro-monstres qui vont jusqu'à organiser des actions de soutien comme une manifestation et de l'autre côté, les anti-monstres qui cherchent à les faire taire à tous prix. L'ambiance est féroce. La tension monte crescendo jusqu'à l'explosion d'une violence létale. 

23/04/2024

Marge Nantel, Code Ardant, éditions Mnémos

Marge Nantel, Code Ardant, éditions Mnémos 

Après deux titres de fantasy urbaine, Dans l'ombre des miroirs et La cité sous les cimes, publiés aux éditions Mille Cent Quinze, Marge Nantel change, cette fois-ci, de registre en nous proposant avec Code Ardant, un postapocalyptique râpeux

Découverte en 2023, je dois vous avouer ma curiosité de voir cette plume s'épanouir dans un autre genre.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Dans Code Ardant, on suit une bande de convoyeurs dirigée par l'inflexible Cécile Massah. En voulant comprendre pourquoi la forteresse d'Albi est partie en fumée ne laissant qu'un ardant comme seul survivant, juste après y avoir livré un colis, Sioux, Cécile & co se retrouvent très vite pris en chasse par une bande de mercenaires, avides de les liquider. Pour leur échapper, ils n'ont pas d'autre choix que de foncer droit devant afin de découvrir ce que cache ce nom de code de "prieur" qui agite tant de convoitises. 

Mon avis :

Code Ardant est un postapocalyptique qui prend cadre dans un futur proche où le monde a été dépouillé de sa technologie et coupé d'Internet. Soumise aux aléas climatiques, la vie s'est dégradée, menacée par une insécurité perpétuelle. Dans ce nouveau Far West, certaines villes sont devenues des forteresses couvant jalousement la puissance technologique dont elles disposent encore et rivalisant les unes avec les autres. Chaque conflit se règle dans un bain de sang car les armes semblent le seul langage que maîtrise cette humanité survivante. 

Pour pallier à la disparition de l'intelligence artificielle et des robots, une nouvelle génération d'humains a été conditionnée pour se comporter comme des androïdes. Ils sont appelés des ardants et répondent à un langage codé faisant d'eux de véritables armes. Surentraînés et drogués, ils sont contrôlés par les maîtres des donjons à la tête de chaque forteresse qui en usent autant comme des prostitués, des espions ou des hommes de main. 

Dans cet univers incandescent, la moindre étincelle risque de tout faire péter. Or, celle-ci pourrait bien prendre la forme d'une machination entraînant les protagonistes dans un voyage sans retour. En effet, ces derniers vont se retrouver, bien malgré eux, au cœur d'une intrigue politique dont les enjeux vont vite les dépasser. Dans cette quête d'une puissance de feu du passé, rien ne saurait être plus désastreux que de la voir tomber entre de mauvaises mains. Ainsi, le défi de Cécile et de ses hommes sera d'empêcher que cela arrive. Pour eux, cela signifie de s'engager dans un road trip les menant au cœur de l'enfer avec le risque de ne pas revenir. 

17/04/2024

Frédéric Dupuy, Arborescentes, T.1, éditions Bragelonne

Frédéric Dupuy, Arborescentes, t.1, éditions Bragelonne 

Quand il n'est pas occupé à faire tourner son agence de voyages littéraires (alias les éditions mille cent quinze), Frédéric Dupuy aime prendre la plume pour conter ses propres histoires. Arborescentes est sa première saga qui comptera quatre tomes publiés chez Bragelonne.

Reçu en service de presse, je remercie Frédéric Dupuy pour l'envoi de ce premier volet.

Résumé :

A 11 ans, Méline souffre du syndrome de la Belle au bois dormant, une maladie rare qui risque de la condamner au sommeil éternel comme cela a été le cas pour sa mère et sa grand-mère avant elle. C'est pour cela qu'elle a décidé de ne plus jamais dormir. Trimballée de foyer en foyer, on la retrouve à l'orphelinat des sœurs Aniel. C'est d'ailleurs là-bas qu'elle perd connaissance et est transportée à l'hôpital et où elle fait la rencontre d'une étrange infirmière qui va la conduire dans un lieu insolite pour, paraît-il, guérir. Peu convaincue, elle se laisse peu à peu émerveiller par ce monde-serre qui n'a pas fini de lui révéler tous ses secrets. Mais, elle ignore que le temps est compté car quelque part une menace est tapie, incarnée par l'avidité d'hommes, à l'image d'Arès Varkoda qui, au mépris de la vie d'autrui, recherche un remède pour lui-même car lui aussi souffre d'un mal incurable. Chacun engagé dans son contre-la-montre, peuvent-ils seulement espérer la victoire ? 

Mon avis :

Arborescentes est un roman contemporain piqué d'un onirisme subtil. Celui-ci se révèle à travers le regard d'une petite fille qui se retrouve propulsée dans un endroit secret dont l'existence n'est connue que par une poignée d'élus. Appelé la serre, ce lieu nous apparaît comme un petit paradis où s'épanouit une végétation aussi luxuriante qu'improbable au milieu de cascades d'eau et d'animécas qui s'y ébattent joyeusement, autrement dit de drôles d'animaux mécaniques animés par magie. C'est ici que certains maux réputés incurables trouvent un remède après un court séjour d'observation de patients triés sur le volet et de recherche du traitement adéquat. L'environnement est atypique et tire son pouvoir d'une source dont les origines et le fonctionnement demeurent très énigmatiques.

L'univers s'annonce donc très farfelu car drôle d'endroit pour être soigné, vous en conviendrez ! En outre, son existence ne va pas manquer de soulever la convoitise, réveillant la plus vile cupidité ou le plus fol espoir. Ainsi, au fil des pages, la serre devient un véritable enjeu de pouvoir, un monde à conserver pour les uns ou à s'emparer pour les autres. Son existence va enclencher une série d'actions donnant, par la même occasion, au texte tout son rythme. En effet, dans son sillage gravitent aussi bien des scientifiques curieux qu'un groupe pharmaceutique obnubilé par les brevets et le profit. On imagine donc sans mal que tous les coups seront permis pour arriver à ses fins.

Frédéric Dupuy nous livre donc un univers qui est à la fois chatoyant de par cette nature foisonnante et rugueux de par cette société des hommes implacable. 

Or, en mettant l'accent sur les agissements destructeurs d'un groupe pharmaceutique, l'auteur insert son récit dans une problématique de société, à savoir le sacrifice de la vie au bénéfice des capitaux. 

Ainsi, dans son roman, il nous confronte à la violence sociale et à celle du capitalisme. En effet, à travers Méline, on goûte à la froideur des structures sociales d'accueil et à la solitude et l'isolement de cette enfant. On est totalement bouleversé par son destin fort malmené car elle est à la fois confrontée à la maladie et à l'absence de ses parents entre une mère hospitalisée et un père inconnu. Par son entremise, Frédéric Dupuy aborde des thématiques fortes telles les traumatismes psychologiques, fruits du rejet social, du harcèlement ou encore de l'illettrisme.

Arborescentes est donc un récit riche mais aussi très engagé qui nous place face au mépris d'une caste aisée vis-à-vis de la nature. D'ailleurs, les moyens utilisés pour la détruire sont colossaux et les conséquences volontairement ignorées. Néanmoins, celles-ci reviennent tel un boomerang dans la vie de l'un des protagonistes. En effet, en rasant toutes les ressources naturelles pour répondre à une course aux brevets, le patron des laboratoires Varkoda est bien puni puisque le traitement à sa propre maladie n'est pas découvert et les plantes prélevées sont gâchées le renvoyant à la case départ. Ainsi, cette saga d'Arborescentes se lit comme un hommage à la nature car l'auteur y pointe ses merveilles, la beauté de sa régénérescence et surtout l'importance de vivre en symbiose avec elle car elle demeure la clé de la survie. 

12/04/2024

Clément Bouhélier, Le Pacte de Sang, éditions Critic

Clément Bouhélier, Le Pacte de Sang, éditions Critic

De Clément Bouhélier, je n'avais lu jusque là que sa série Olangar qui fut pour moi une véritable révélation. Pour autant, il est également l'auteur d'un post-apocalyptique avec Chaos (2016) et d'un thriller fantastique avec Passé Déterré (2017). Or, justement il semble avoir voulu renouer avec ces premiers amours d'écrivain en nous proposant avec son nouveau livre, Le Pacte de Sang, un autre thriller fantastique mêlé à de l'historique. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Critic, je remercie Eric Marcelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

1364, bataille d'Auray. Bertrand Du Guesclin et ses troupes sont en déroute. Deux de ses chevaliers, Olivier de Clissan et Martin de Rosmedec se sont réfugiés dans une vieille forteresse abandonnée en pensant y être à l'abri. Seulement quelque chose semble être à l'affût, prêt à sceller leurs destins. 

Juillet 2021: Les salariés d'une entreprise lyonnaise de référencement termine leur semaine de séminaire. Pour leur dernière soirée, il est prévu qu'ils la passent dans un château pour participer à un escape game. Un programme qui n'enchante pas beaucoup nos Lyonnais même si tous s'y plient sans faire d'histoire. Seulement, ils ignorent la nuit de cauchemar qu'ils vont vivre entre ces murs lugubres...

Mon avis :

Le Pacte de Sang est un roman contemporain où le thriller et l'Histoire s'invitent. En effet, Clément Bouhélier joue sur deux temporalités avec d'un côté, un cadre historique riche, celui de la bataille d'Auray qui mit fin à la guerre de succession de Bretagne avec la victoire de Jean III de Montfort et de l'autre côté, une scène moderne classique, celle d'une partie d'escape game entre collègues. Cette alternance permet à l'auteur de rendre la lecture très dynamique d'autant qu'il s'appuie sur des chapitres courts tout en donnant aux lecteurs les clés de compréhension du présent grâce au passé. 

Derrière ces deux époques, il y a tout de même un point commun, c'est le lieu. En effet, Clément Bouhélier a choisi de réunir ses personnages au château d'Auray, faisant comme si celui-ci existait toujours autrement que sous la forme de ruines. L'endroit est isolé et inquiétant. Les murs transpirent une certaine malfaisance ressentie par chacun des protagonistes quelque soit son siècle. Derrière ce délabrement de façade, un être hante bien les lieux. Sa présence donne le caractère horrifique au texte. Insaisissable, monstrueux et avide, ce croque-mitaine fout vraiment les fois. 

Et pour cause, sous la plume de Clément Bouhélier il personnifie la figure du vampire dans toute sa sauvagerie, sa cruauté et son abomination. Sa vue se dérobe souvent à nos yeux comme à ceux des autres personnages. Celui-ci préfère se dissimuler dans les ombres, fuyant la lumière pour se protéger tout en accroissant la peur. Sa monstruosité se devine plus qu'elle se perçoit. Ainsi, l'auteur joue sur tous nos sens pour laisser s'exprimer notre propre interprétation quant à la représentation de la figure vampirique, allègrement nourrie par l'imaginaire collectif. 

09/04/2024

Aurélie Wellenstein, L'Epée, la Famine et la Peste, T.2, éditions Pocket Imaginaire

Aurélie Wellenstein, L'Épée, la Famine et la Peste
t.2, éditions Pocket Imaginaire 

Les éditions Pocket Imaginaire ont eu la bonne idée de publier simultanément les deux tomes de L'Epée, la Famine et la Peste permettant aux lecteurices d'enchaîner l'histoire sans pause. 

Après un coup de cœur pour le premier tome, notamment pour son trio de personnages principaux profondément attachants, je suis donc très contente d'avoir pu enchaîner directement avec la suite.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Après leur victoire sur un escadron de l'inquisition, Sulyvahn, Cillian et Erin ont quitté l'ancienne capitale, Irichill pour marcher sur Wavestone et détruire l'inquisition afin de libérer la population de son terrible joug. Mais, Conrad et Lile sont toujours sur leur trace et ils comptent bien les empêcher d'accomplir leur quête. L'affrontement promet, d'ores et déjà, d'être apocalyptique. Alors quel camp va l'emporter ? 

Mon avis :

Avec ce volume 2 de L'Épée, la Famine et la Peste, Aurélie Wellenstein joue sur la déstabilisation des lecteurices en changeant de points de vue. En effet, pendant une grande partie du roman, on redécouvre l'histoire à travers le regard de Conrad qui nous partage sa version des faits et ses souvenirs. Ce tome se lit donc en miroir du premier pour à la fois relancer l'histoire et dynamiser la lecture. Mais c'est un procédé qui est aussi utile pour interroger la figure du monstre. Ainsi, dans cette deuxième partie, on marche dans les pas de celui qui est considéré comme l'incarnation du diable par Sulyvahn, Erin et Cillian. Alors qu'eux-mêmes sont catalogués de fléaux à abattre par Conrad. En étant en but aux convictions et aux contradictions de cet inquisiteur, il viendrait presque nous mettre le doute quant à la justesse des motivations des trois autres. C'est à la fois perturbant et intéressant car cela permet à l'autrice de montrer que chacun a sa part de noirceur et peut endosser le rôle de bourreau pour imposer les idées que l'on pense justes. Aussi, la violence n'appelle que la violence et la croyance n'excuse en rien les exactions commises. 

Le texte est puissant. Il est comme une déflagration émotionnelle qui empruntent les montagnes russes pour nous en faire voir de toutes les couleurs et clairement retourner nos cerveaux et nos cœurs. 

Les personnages sont comme autant de pions sur l'échiquier politique d'une éminence grise qui les manipule à souhait en s'appuyant sur l'adage du diviser pour mieux régner et ainsi servir ses desseins de soif de pouvoir. 

05/04/2024

Aurélie Wellenstein, L'Epéee, la Famine et la Peste, T.1, éditions Pocket Imaginaire

Aurélie Wellenstein, L'Épée, la Famine et la Peste, éditions Pocket Imaginaire 

Depuis quelques années, Aurélie Wellenstein est une signature qui s'est imposée aux littératures de l'Imaginaire. 

Aujourd'hui, sa bibliographie compte une quinzaine de romans, auxquels s'ajoutent quelques bandes dessinées puisque l'autrice s'essaye depuis peu à ce format graphique. 

Sa dernière actualité est la réédition en poche de sa duologie, L'Epée, la Famine et la Peste.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Le royaume de Comghall connait des temps troublés depuis que la population est condamnée par les terribles tarentas, faisant disparaître des villages entiers sous des toiles d'araignées. Or, pour lutter contre ce fléau et le culte qui lui est dédié, l'inquisition a été dépêchée et exerce sa mission avec beaucoup de zèle. Elle va d'ailleurs prendre en chasse un ancien soldat qui a pris bien malgré lui sous son aile deux jeunes gens : Cillian, en proie à une malédiction de loup et Erin, accusée à tort de sorcellerie. Alors que le piège semble se refermer sur eux, arriveront-ils à s'échapper ? 

Mon avis :

L'Epée, la Famine et la Peste est une fantasy crépusculaire qui nous entraîne au cœur d'un royaume mourant, marqué par la famine et la peste grise. Fruit d'une malédiction qu'il doit à la morsure d'une tarentule venant du royaume voisin et condamnant la princesse mordue à devenir une tarenta, autrement dit une femme araignée. 

Pour nourrir son univers, Aurélie Wellenstein emprunte donc à cette croyance païenne de la Tarenta comme araignée mythique qui, par sa morsure symbolique et le poison inoculé, génère des troubles du corps et de l'âme. Entre ces lignes, les conséquences de la morsure de l'araignée dépendent de l'espèce en présence. Ainsi, la veuve noire tisse les pensées de leurs victimes les plongeant ainsi dans une profonde mélancolie, la lycose de Tarente change les femmes en sorcières et les hommes en illuminés, et la fileuse suscite des rêves prémonitoires. Certaines femmes mordues prennent donc des caractéristiques physiques ainsi que des capacités propres aux araignées. En outre, Comghall est littéralement envahi par ces arachnides qui tissent leurs toiles partout au point d'étouffer toute étincelle de vie. Mais le tarentisme n'est pas le seul fléau qui sévit dans ce monde car il faut aussi compter avec des cas de lycanthropie.

Pour tenter d'endiguer cette tragédie entre en scène l'inquisition qui va traquer à l'extrême toute suspicion de tarentisme ou de lycanthropie faisant régner la terreur au sein du royaume car les persécutions vont bon train. Sa présence ajoute de l'infâmie à l'horreur ambiante et donne de suite le ton funeste au texte. 

Ici, les manifestations surnaturelles sont autant considérées comme des malédictions que comme des miracles, selon l'interprétation que chacun leur donne. On en croise beaucoup au fil des pages de ce livre, tantôt pour émerveiller tantôt pour horrifier. 

En outre, l'autrice joue également sur le détournement de conte. En effet, derrière ce palais maudit et entoilé que l'on est amené à visiter à un moment de l'histoire, il est très facile d'y voir une personnification du château assoupi de La Belle au Bois Dormant, notamment à travers ce temps suspendu qui semble avoir cours en ces lieux. Seulement, les résidents ne sont pas victimes d'un sommeil éternel car dans ce cas-ci, ils sont bel et bien morts. Emmaillotés dans les toiles, leurs corps ne tombent simplement pas en poussière. 

Comme à son accoutumée, l'univers qui sert d'écrin à son intrigue est très immersif, troublant et captivant à la fois. 

02/04/2024

Timothée Rey & Patrick Larme, A l'ombre des nervures, éditions Les Moutons électriques

Timothée Rey & Patrick Larme, A l'ombre des Nervures
éditions Les Moutons électriques 

Poète, écrivain et anthologiste, Timothée Rey apprécie de toute évidence d'écrire sous tous les formats. Au regard de sa bibliographie richement fournie en science-fiction, fantasy et fantastique, les littératures de l'Imaginaire ont donc clairement sa préférence. Il compte pas moins d'une cinquantaine de textes à son actif et a même reçu le prix Rosny aîné 2011 de la meilleure nouvelle "Suivre à travers le bleu cet éclair puis cette ombre". 

En septembre 2023, il signe le graphique A l'ombre des nervures, paru chez Les Moutons électriques et illustré par l'illustrateur et bédéaste Patrick Larme.

Lu dans le cadre de la dernière Masse critique mauvais genres, je remercie l'équipe de Babelio ainsi que Les Moutons électriques pour l'envoi de ce livre.

Résumé :

Vaste édifice, la Basilique abrite un œuf géant pondu, il y a un millénaire, par une créature venue d'ailleurs. Celui-ci est veillé par une communauté de zélotes qui attendent avec impatience son éclosion pour enfin connaître l'Age d'Or promis. Seulement, il semblerait que les lieux aient été infiltrés par des croyants d'un autre type qui souhaitent voir naître leur propre divinité en fécondant cet œuf. En tout cas, c'est ce que deux Disquisiteurs sont venus dire à un sous-brigadier de la police ecclésiastique afin que tous les trois les prennent en chasse et ainsi empêcher un drame d'advenir.

Mon avis :

A l'ombre des nervures est une fantasy baroque qui emprunte aussi bien des éléments au conte qu'au fantastique horrifique, en passant par le genre policier. 

Les lieux sont déjà très étranges. Nous voici propulsés au sein d'une construction immense qui ne fait pas qu'accueillir un œuf gigantesque puisque toute une cité semble se presser autour. L'espace a l'air sans fin abritant un vaste réseau d'escaliers et de canaux et permettant même la circulation de trains. Or, dans cet étrange dédale, on va rencontrer des sirènes d'un nouveau genre ayant fusionnées avec des anémones, des champignons mélodieux ou encore des anges-lopiots, une sorte de chauve-souris à tête de poupon surmontée d'une paire d'antenne. Les mélanges vont bon train dans ce livre pour donner naissance à toute une cosmogonie singulière et troublante. 

L'imaginaire de Timothée Rey est très fertile pour nous entraîner dans un voyage particulièrement burlesque.

En outre, les clins d'œil ne manquent pas. Quand ceux-ci ne portent pas sur ses propres œuvres, à l'image de son Tilbar occidental, ils font référence à d'autres classiques comme à travers cette très reconnaissable créature qui se dissimule sous la coquille du précieux œuf et que le crayon de Patrick Larme nous laisse entrapercevoir. Elle semble tout droit sortie d'un décor lovecraftien. Cela tient sans doute aux nombreuses tentacules qui terminent son corps. Allez savoir ! Et puis que dire du personnage principal gonflé comme une baudruche et emporté dans les airs à la fin du récit. Ne vous rappelle-t-il pas l'acariâtre tante Marge dans Harry Potter

Le ton est clairement pratchettien, il est là pour nous faire rire ou tout du moins nous tirer un sourire.

Timothée Rey joue beaucoup sur des inventions saugrenues pour nourrir son imaginaire complètement décalé. L'absurde est là pour témoigner du ridicule des croyances lorsqu'elles sont poussées à l'extrême poussant à des actes aux conséquences irréversibles. Entre ses lignes, il met en concurrence deux religions qui cherchent à s'imposer l'une à l'autre par la force et la tromperie en faisant notamment naître sa divinité qui les gouvernera tous. Il y a un côté mise en garde comme l'image du messie incarné ici par la figure du dieu tutélaire qui sauvera les croyants tout en leur apportant longue vie et prospérité. 

En outre, le récit ne manque pas d'action riche en rebondissements, même si certains sont tout de même prévisibles. De la traque à la course-poursuite, l'auteur tient le cap pour mener ses lecteurs au cœur d'une aventure à la saveur très insolite. 

Maintenant que l'on a vu le fond, intéressons-nous à la forme car le livre est vraiment très beau, tout de violet vêtu. C'est un relié parcouru d'illustrations qui prennent parfois la forme de planches de bande dessinée. Celles-ci viennent d'ailleurs poursuivre le récit et constituent de vrais moments de respiration au milieu du texte. La lecture est donc bien dynamisée. Les dessins dégagent une vraie modernité dans le trait et s'insèrent parfaitement pour éclairer des moments-clés ou mettre l'accent sur des scènes critiques du livre.

Pour conclure :

Encore un nouveau titre qui a rejoint La Bibliothèque Dessinée, une collection ambitieuse qui allie la plume et le pinceau pour nous embarquer dans des mondes imaginaires extrêmement fertiles. A bon entendeur !

Fantasy à la Carte

Informations

Timothée Rey
Patrick Larme
A l'ombre des nervures
9782361838683
146 pages
Editions Les Moutons électriques

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29/03/2024

Michel Pagel, Le Roi d'août, éditions Les Moutons électriques

Michel Pagel, Le Roi d'août, éditions Les Moutons électriques 

Ecrivain français, Michel Pagel a déjà signé de nombreux titres. Parmi lesquels, on peut en citer en science-fiction avec L'Equilibre des paradoxes, récompensé par les prestigieux prix Rosny aîné et Julia-Verlanger, en fantasy avec Les Flammes de la nuit et en fantastique avec son copieux cycle de La Comédie inhumaine

Primé en 2003 par le grand prix de l'Imaginaire, son roman Le Roi d'août vient d'être réédité chez Les Moutons électriques.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse qui m'a donné l'occasion de goûter à cette pépite de fantasy

Résumé :

Sacré roi en 1180, Philippe II prend la suite de son père Louis VII. Son début de règne est marqué par un revirement d'influence puisque la maison maternelle de Blois-Champagne est mise sur la touche au profit de celle de Flandre. En outre, celui-ci est également émaillé de conflits perpétuels avec ses rivaux Plantagenêt, de victoires et de défaites militaires, sans oublier d'unions tumultueuses. Une vie fort mouvementée pour celui qui fut considéré comme le premier roi de France.

Mon avis :

Le Roi d'août est un récit de fantasy historique dans lequel Michel Pagel s'est replongé dans la destinée exceptionnelle de Philippe II et à travers lui, celle de la France. Il faut dire que son règne réunit tous les éléments faisant écho aux codes du genre. 

On peut déjà citer les intrigues politiques et les jeux d'influence. En effet, dès son couronnement Philippe II privilégie la maison de Flandre pour réduire le pouvoir de sa mère Adèle de Champagne et du clan champenois. En outre, il épouse Isabelle de Hainaut, la nièce de son parrain, Philippe d'Alsace, le comte de Flandre. Véritable premier acte politique qui lui vaut l'inimitié de sa mère. S'ensuit la signature du traité de Gisors avec Henri II d'Angleterre qui renforce sa position de jeune roi face aux maisons de Flandre et de Champagne. Pour autant, des rivalités demeurent au sein du royaume. Ainsi, en 1881 une brouille entre Philippe II et son parrain ranime le conflit avec les barons que le roi entérinera par le traité de Boves lui confirmant sa mainmise sur le Vermandois, l'Artois et l'Amiénois. Mais sa plus grande préoccupation demeure le conflit qui l'opposa longtemps aux Plantagenêt. Or, en grand stratège, il s'est d'abord lié d'amitié avec les fils pour jouer sur les antagonismes que ces derniers entretenaient avec leur père jusqu'à ce que chacun à leur tour prenne les armes contre lui pour lui reprendre les terres acquises par la guerre ou le mariage. 

Ce qui nous amène à un autre élément cher à la littérature fantasy, à savoir la conquête qui vient donner le caractère épique au récit. On est en plein dedans ici, à travers les manœuvres de Philippe Auguste pour agrandir son territoire. 

Ainsi, Michel Pagel joue pleinement sur les manipulations et les traitrises qui ont eu cours à l'époque pour nourrir son roman et par conséquent, captiver son lectorat.

Mais il ne peut être question de fantasy sans magie. Alors quid de celle-ci entre ces lignes ? Pour le coup, l'auteur se montre très ingénieux en utilisant les mystères qui ont émaillé le règne de Philippe II comme des fenêtres sur l'onirisme. Ainsi, ces miracles que l'on a attribués au roi, notamment au début de sa prise de pouvoir, comme une manifestation divine sont réinterprétés par Michel Pagel comme un héritage surnaturel qui coulerait sommairement dans ses veines. En outre, il procède de la même manière avec Isambour de Danemark que Philippe II a répudiée dès le lendemain de leur noce sans explication valable. L'auteur, lui, y voit là une nouvelle manifestation ésotérique que le monarque ne peut souffrir d'où son rejet. Cette introduction des créatures surnaturelles qui mêlent leurs destins à des dynasties familiales tombe bien à-propos pour envoûter le lecteur en l'emmenant sur des terres que l'Histoire n'a pas encore explorées. 

26/03/2024

Nghi Vo, Des mammouths à la porte, éditions L'Atalante

Nghi Vo, Des mammouths à la porte, éditions L'Atalante 

Des mammouths à la porte est le quatrième opus de la série, Les Archives des Collines-Chantantes de Nghi Vo.

Vous connaissez ? Vous devriez !

Il prend la suite de L'Impératrice du Sel et de la Fortune, Quand la tigresse descendit de la montagne et Entre les méandres

Finalement, l'autrice n'en a pas encore fini avec l'adelphe Chih et sa neixin Presque-Brillante et continue donc de nous conter avec beaucoup de subtilité leurs formidables aventures. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Après une longue absence de quatre ans, Chih est de retour à l'abbaye des Collines-Chantantes. Alors que l'adelphe pensait simplement retrouver ses pairs et renouer avec un quotidien paisible, la réalité s'annonce déjà toute autre puisque l'accès à l'abbaye est obstruée par un groupe de personnes accompagnées de mammouths. Celles-ci sont venues demander réparation d'un litige sans savoir que les lieux sont presque complètement désertés par ses occupants, dispersés aux quatre vents pour régler d'autres problèmes. Mais, alors qui sera à même de régler cette situation interne tendue, aggravée par la disparition du patriarche du clan Coh et quel rôle Chih y jouera-t-il ?

Mon avis :

Contrairement à ses précédents récits, Nghi Vo n'a pas choisi une narration linéaire pour nous conter les pérégrinations de Chih et de Presque-Brillante à travers l'empire. En effet, il ne s'agit donc plus de partir à la découverte de nouveaux lieux et de nouvelles personnes mais c'est plutôt un retour aux sources pour le personnage principal. 

Pour autant, le récit n'en est pas moins semé d'embûches et nourri d'intrigues. Le ton est d'ailleurs donné dès le départ puisque Chih doit commencer par traverser un rempart de corps humains et de mammouths pour atteindre les portes de l'abbaye. En effet, il y a du mécontentement dans l'air et certaines sont là pour demander réparation. Mais le plus difficile demeure la disparition brutale de l'adelphe Thien, surtout en l'absence de tout le monde ou presque. C'est à son ami d'enfance Ru d'assurer l'intérim des responsabilités. Or, un écueil se pose avec la petite-fille de Thien qui se trouve parmi les assiégeants et réclame le corps de son grand-père pour l'inhumer sur ses terres. L'affaire est clairement épineuse. 

Mais ce décès est aussi un temps pour le souvenir et le recueillement. Ainsi, le deuil imprègne les pages de cette quatrième novella. Alors beaucoup d'émotions traversent ces lignes comme le chagrin, la perte, la colère et même le regret. En quelques pages, Nghi Vo s'exprime sur beaucoup de sujets car la disparition d'un proche constitue toujours une occasion pour exorciser les fantômes du passé. C'est une manière de mettre à nu ce qui hante et de faire tomber les masques. Aussi, une personne peut donc tout à fait s'avérer être un ange pour certains et un monstre pour les autres. Et, ce n'est pas parce qu'elle n'est plus qu'il faut taire ses secrets. Cela l'autrice nous le raconte très bien dans sa nouvelle et cela remue d'autant plus qu'il est question de violence faite aux femmes.

Cette remontée de souvenirs à graver dans la mémoire et à inscrire dans les archives permet aussi aux vivants de faire le point sur leur vie. Ainsi, on se remémore le passé pour mieux se projeter dans l'avenir. 

22/03/2024

François Baranger, Sorcier Empereur, T.3, Ars Obscura, collection Lunes d'Encre, éditions Denoël

François Baranger, Sorcier Empereur
T.3, Ars Obscura
collection Lunes d'Encre, éditions Denoël

Depuis quelque temps, François Baranger est sur l'écriture d'une série mêlant uchronie et dark fantasy, intitulée Ars Obscura, dont les deux premiers tomes Sorcier d'Empire et Second Sorcier sont respectivement sortis en librairie en mars  et en septembre 2023. 

Gros coup de cœur pour cet univers particulièrement immersif, j'avais hâte de replonger dans la suite. 

Or, celle-ci est prévue pour le 27 mars prochain mais les éditions Denoël m'ont fait l'honneur de me faire parvenir l'ouvrage en épreuves non corrigées afin que je le lise en avant première, je les remercie donc très chaleureusement pour leur confiance. 

Après la défaite à Waterloo et l'arrestation de Napoléon, Élégast a repris les rênes du pouvoir et continue de mener le combat contre les coalisés. Pendant ce temps, Irénion Brégante a pris la tête de la résistance dont les rangs grossissent de jour en jour afin de mettre en échec le sorcier. Quant à Ethelinde et Ludwig, ils ont pris la direction de l'Egypte afin de mettre la main sur les cristaux d'Élégast placés sous bonne garde des Anglais. C'est donc l'heure d'un contre-la-montre pour chacun des camps en présence et l'on se demande bien qui va l'emporter ? 

Dans Sorcier Empereur, François Baranger élargit son cadre d'action en ne se contentant plus de nous balader des quatre coins de la France au palais d'Hiver de Saint Pétersbourg mais nous entraîne aussi sur les terres des Pharaons. En effet, le moment est venu pour Ludwig Arcerese et Ethelinde Ordant d'aller explorer le tombeau mis au jour par le père de cette dernière afin de mettre la main sur les cristaux d'Élégast. Or, cette expédition ponctuée de moult dangers prend vite une allure de grande aventure entre la traversée d'un désert, l'attaque du caravansérail où ils prenaient un peu de repos, l'intrusion dans une tombe au nez et à la barbe de l'ennemi sans oublier l'affrontement avec un djinn. 

19/03/2024

Gauthier Guillemin, Métempsychogenèses, éditions 1115

Gauthier Guillemin, Métempsychogenèses, éditions 1115

Après Rivages (2019) et La Fin des étiages (2020), Gauthier Guillemin signe un nouveau récit de science-fiction au format d'une novella. Il s'agit de Métempsychogenèses, publié par les éditions 1115. Voici un titre aussi imprononçable qu'intriguant

Lu dans les cadre d'un partenariat, je remercie les éditions 1115 pour l'envoi de ce service de presse. 

Pour nous éclairer, commençons par faire un peu de sémantique. En grec ancien, métempsychose désigne le transvasement d'une âme dans un autre corps, qu'elle va animer. Ce concept trouve son origine dans l'Egypte antique et renvoie ni plus ni moins à la transmigration des âmes.

Maintenant que le titre est déchiffré, voyons d'un peu plus près ce que raconte ce récit. 

Résumé :

A Sharp Plateau situé dans l'Alaska, un groupe de chercheurs travaillent à extraire les âmes d'écrivains disparus de ce qu'ils appellent le flux métensomatique. Leur but étant qu'elles accompagnent les derniers humains dans leur ultime voyage vers une destination inconnue. En effet, devenue inhospitalière, la planète terre n'est plus un refuge pour ce fragment d'humanité qui va chercher le salut ailleurs, mais pour ne pas sombrer dans la folie, il est nécessaire que leur longue période de stase soit bercée par la littérature. En tout cas, c'est ce que pensent les scientifiques à l'origine du projet. Mais le temps presse alors réussiront-ils leur bien étrange mission ?

Mon avis :

Dans Métempsychogenèses, on va retrouver des codes habituels en science-fiction comme une planète terre mourante, malmenée par un enchaînement de cataclysmes et une humanité finissante drastiquement réduite. A cela, l'auteur a ajouté la notion de sauvegarde par l'intermédiaire de voyage à bord de vaisseaux dans des caissons cryogénisés afin de placer leurs corps en stase le temps d'arriver à bond bord. Jusque là rien de nouveau pour un récit de science-fiction car entre apocalypse et voyage spatial, on n'est point dépaysé. Pour autant, ce texte demeure très originale dans sa manière d'aborder le sauvetage de l'humanité. Ainsi, cette croyance dans l'immortalité de l'âme qui survit en changeant d'hôte se concrétise entre ces lignes grâce à la science qui agit sur le flux pour en extraire les âmes. Celles-ci sont ensuite projetées dans un automate afin de donner un corps provisoire qui va les stabiliser et empêcher qu'elles se volatilisent. Voilà un concept aussi fascinant qu'effrayant. Or, ce procédé est testé sur les âmes des hommes et des femmes de lettres de différentes époques afin que leurs œuvres ne tombent pas dans l'oubli après la disparition de la terre et qu'ils continuent d'abreuver les survivants de leurs écrits. En faisant de la littérature un garde-fou, Gauthier Guillemin cherche surtout à lui rendre hommage. Il souligne son importance et revient, par l'intermédiaire de grands noms, sur les courants qui ont marqué l'histoire des littératures comme le romantisme français. Néanmoins, ces poètes ne sont pas choisis au hasard car ils s'intéressaient en leur temps à la déraison de l'esprit en l'expliquant comme le fruit d'un corps occupé par quelqu'un d'autre. C'était une théorie que prônait Gérard de Nerval pendant ses moments de lucidité et qui a inspiré John-Antoine Nau pour son roman, Force ennemie lui valant le premier prix Goncourt. Ainsi, le récit prend une tournure surprenante en traitant avec beaucoup de rationalité un courant de pensées fumeux mais tenace. 

15/03/2024

Chantal Robillard, Dentelles des univers de Cendrillon, éditions Astérion

Chantal Robillard, Dentelles des univers de Cendrillon, éditions Astérion 

En février est sorti en librairie le nouveau livre de Chantal Robillard. Il s'agit de Dentelles des univers de Cendrillon qui rejoint ses autres recueils de nouvelles au catalogue des éditions Astérion : Dentelles des reflets de Venise, Dentelles des sirènes de la lagune et Dentelles du ru des troubadours

Grande amatrice des contes de fées, ils semblent être pour elle une source inépuisable d'inspiration. En tout cas, c'est ce que l'on se dit lorsqu'on jette un œil sur sa bibliographie avec des titres aussi évocateurs que Fugue de la fontaines aux fées ou Dimension Fées

Or, parmi les figures les plus emblématiques des contes, il y a une certaine jeune fille maltraitée par sa marâtre et ses filles qui l'ont reléguée au rang de souillon pour laquelle Chantal Robillard semble s'être prise d'affection puisqu'elle lui a consacré tout un livre. 

Ayant reçu Dentelles des univers de Cendrillon en service de presse, je remercie Chantal Robillard pour sa confiance renouvelée. 

Mon avis :

Ce n'est pas moins de 18 nouvelles qui sont au programme de ce nouveau recueil. Qu'elles répondent à un air de déjà vu pour qui connaît bien le travail de Chantal Robillard ou au contraire, est une exploration en terre inconnue, Cendrillon demeure le phare qui éclaire le chemin des lecteurs. 

L'autrice s'appuie donc sur les éléments propres à ce conte, à savoir la marâtre, les deux demi-sœurs tyranniques, le prince et la pantoufle qu'elle va allègrement transposer dans différentes époques et où elle donne même à Cendrillon de nombreux visages. 

Les textes sont variés et plutôt bien réussis.

Tantôt fantasque tantôt poignante, la plume de Chantal Robillard se part de nombreuses couleurs pour nous entraîner dans bien des voyages. Quoi de plus surprenant que de retrouver la figure de Cendrillon dans "La sizaine des Cendreux", au milieu des maquisards pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est une manière pour l'autrice de rendre hommage à tous les résistants du Val d'Allier tout en faisant vibrer la corde sensible de ses lecteurs. 

Le conte de fées, c'est aussi dépeindre la réalité aussi sombre soit-elle. D'ailleurs, Chantal Robillard ne se gêne pas pour le faire comme dans "La Place-aux-sabots" qui nous conte le funeste destin d'une innocente. Les éléments sont si bien amenés que l'on ne voit rien venir jusqu'à la chute qui est plutôt glaçante.

12/03/2024

Aliette de Bodard, Serviteur des Enfers, éditions Mnémos

Aliette de Bodard, Serviteur des Enfers, éditions Mnémos 

Autrice américaine mais qui a grandi en France, Aliette de Bodard a toujours privilégié la langue anglaise pour écrire ses textes. 

Méconnue en France car peu traduite, il n'en demeure pas moins qu'elle cumule les plus prestigieuses distinctions : du British Science Fiction au British Fantasy en passant par les prix Locus et Nebula.

En dépit d'une bibliographie bien fournie, peu de ses textes sont disponibles en français. On ne peut donc que se réjouir de la réédition sous le titre de Serviteur des Enfers que nous proposent les éditions Mnémos. Il s'agit du premier volet qui inaugure sa série, Chroniques aztèques et compte à ce jour trois romans.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

A Tenochtitlan, Acatl est grand prêtre des morts. Son quotidien est consacré au service funéraire, à veiller les morts et à accompagner les familles dans leur deuil. Mais, sa vie se retrouve bousculée lorsqu'une prêtresse est portée disparue laissant derrière elle une chambre ensanglantée et que son frère est accusé de ce crime car elle était sa maîtresse. Dès lors, le prêtre aztèque s'engage dans une course contre la montre pour retrouver cette Eleuia ou à défaut, les preuves de l'innocence de Neutemoc. Pour autant, arrivera-t-il à ses fins ? 

Mon avis :

Serviteur des Enfers est un roman de fantasy historique qui prend cadre au temps de l'empire aztèque. En nous attachant aux pas d'un prêtre et d'un guerrier, Aliette de Bodard illustre parfaitement la société aztèque qui était très hiérarchisée et dont le sommet se partageait entre les dignitaires militaires et religieux. La religion était d'ailleurs omniprésente et polythéiste. Elle se caractérisait par des rites et des croyances qui imprégnaient la vie quotidienne des Aztèques au point d'influencer leur hiérarchie sociale et leurs relations avec les autres peuples jusqu'à motiver certains conflits armés. C'est une religion astrale dans laquelle le mythe solaire et son culte sont fondamentaux. Les dieux étaient affectés à des tâches précises d'assistance aux hommes et à la conservation du monde. Au sommet de ce panthéon, on trouve Huitzilopochtli, le dieu de la guerre et du soleil et Tlaloc, le dieu des eaux, de la foudre et des séismes dont les rivalités vont imprégner les pages de ce livre et même menacer le Cinquième Monde, autrement dit le présent actuel. Ces divinités sont vénérées par des sacrifices humains d'esclaves, issus de prises de guerre ou non mais aussi d'Aztèques libres souhaitant se donner à leur dieu pour avoir une meilleure vie dans l'autre monde. Ainsi, les sacrifices sont omniprésents entre ces lignes mais se pratiquent ici sur de petits animaux, essentiellement des volatiles car ces rites sanglants favorisent l'accès au pouvoir issu de l'autre monde. La religion aztèque apparaît donc ici comme le réceptacle idéale à la magie. Celle-ci s'épanouit aussi bien à travers les nombreuses interventions des dieux dans la vie des protagonistes d'Aliette de Bodard, souvent relégués au rôle de simples pions, que dans leurs interactions avec des forces invisibles.

Autour de ce contexte historique peu emprunté en littérature fantasy, Aliette de Bodard a développé un univers remarquable et très immersif. Le récit est d'autant plus captivant qu'il s'agit d'une enquête sur une disparition inquiétante pouvant potentiellement découler sur un meurtre. C'est très bien rythmé car on rentre tout de suite dans le vif du sujet et où le temps joue même contre le personnage principal  qui doit innocenter son frère et ainsi lui sauver la vie. 

Dans Serviteur des Enfers, la plume d'Aliette de Bodard est très habile pour entremêler des intrigues politiques complexes à des relations familiales conflictuelles. C'est un roman très psychologique qui part des antagonismes fraternels pour analyser les comportements et les sentiments qui en découlent. Ainsi, l'autrice va mettre en lumière les non dits, les idées fausses, la jalousie et les frustrations qui ne vont pas manquer de fleurir au sein d'une famille en but à des oppositions. Elle s'intéresse également à l'image du couple et à ses difficultés, notamment lorsque l'adultère s'invite dans la place. Le texte est riche, parcouru par de nombreuses émotions qui lui donnent tout son relief.