30/01/2024

GennaRose Nethercott, La Maison aux Pattes de Poulet, éditions Albin Michel Imaginaire

GennaRose Nethercott,
 La Maison aux Pattes de Poulet
éditions Albin Michel Imaginaire 

Romancière, poétesse et novelliste, GennaRose Nethercott est sans doute un nom à retenir. Le succès de son roman La Maison aux Pattes de Poulet y est pour quelque chose d'où cet engouement de le voir publier en France. Et c'est Albin Michel Imaginaire qui s'y est collé avec la publication d'un livre, sublimé par sa magnifique couverture, signée Anouck Faure

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Bellatine et Isaac sont frère et sœur et les derniers de leur lignée. Ils viennent d'hériter d'un étrange leg qu'ils doivent récupérer au port de New York, tout droit envoyé de Kyiv. Il s'agit d'une maison, mais pas n'importe laquelle puisqu'elle est perchée sur des pattes de poulet et a appartenu à leur aïeule Baba Yaga. Alors que Bellatine se voit déjà y vivre et réfléchit à redonner la part à son frère, Isaac, lui, a la folle idée de la transformer en scène de théâtre de marionnettes afin de partir en tournée avec sa sœur comme au bon vieux temps de leur enfance. Bellatine n'a pas d'autre choix que d'accepter le temps de gagner suffisamment d'argent du moins. Seulement, elle ignore qu'un grand danger les guette car Ombrelongue est déjà sur leurs traces et compte bien les exterminer. 

Mon avis :

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, GennaRose Nethercott s'est réappropriée la figure marquante du folklore slave, Baba Yaga. Tantôt décrite comme ravisseuse d'enfants pour les faire rôtir, tantôt comme donneuse d'objets et/ou de conseils au héros afin qu'il triomphe de sa quête, cette sorcière hante les contes russes. Or, l'intrigue de ce roman s'articule autour de sa célèbre isba nichée sur des pattes de poulet la rendant ainsi mobile. Sanctuaire et refuge à la fois, elle est le bien le plus précieux de Bellatine et d'Isaac. Son existence est une énigme, elle semble douée de vie, à l'écoute de ce qui se dit. Elle demeure un lieu apaisant pour quiconque pénètre ses murs, le feu permanent brûlant dans son poêle y joue sans doute un rôle. Sa présence symbolise donc la figure de Baba Yaga dont l'ombre plane au-dessus d'elle car elle est un réceptacle à ses souvenirs et à sa destinée. 

Le merveilleux  s'empare donc de ce texte en s'exprimant aussi à travers les pouvoirs que détiennent les deux personnages principaux. Don ou malédiction, la magie est bien là, elle fleurit dans les mains de Bellatine qui donne vie aux objets inanimés ou dans le corps d'Isaac qui est capable de s'approprier les traits de son visu. 

Mais l'onirisme de la plume de GennaRose Nethercott flirte beaucoup avec l'horrifique, notamment à travers l'inquiétant Ombrelongue qui donne vie aux peurs, empoisonnant ainsi les âmes et tuant les esprits. Entité maléfique et malveillante, sa présence donne la chair de poule car il est le croquemitaine de l'Histoire, chargé d'une bien funeste mission.

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, l'autrice s'est penchée sur les différentes facettes du monstre. Ombrelongue en est, d'ailleurs, clairement l'essence. Agglomérat du pire de l'humain, il est la personnification des heures sombres de l'humanité dans ses basses œuvres par peur et lâcheté. Or, GennaRose Nethercott différencie cette monstruosité qui se croit légitime dans ses actes de celle dont certains ou certaines se croient à tort doter. C'est le cas de Bellatine qui se voit comme une abomination à cause de ses aptitudes surnaturelles et de ses désirs refoulées. La vérité est que le diable se cache souvent sous une couche de mensonges aux accents de légitimité. 

Derrière cette course-poursuite haletante, l'autrice évoque une réalité historique effroyable de la Russie tsariste. Il s'agit du temps des pogroms qui désignent les violentes attaques dont ont été victimes les Juifs par la population locale non juive les accusant d'être responsables de tous leurs maux. Ce devoir de mémoire est bouleversant et teinte ce récit de mélancolie, de larmes et d'une détermination quant à ne jamais laisser le passé tomber dans l'oubli. 

La Maison aux Pattes de Poulet est un conte sombre et tragique, pense-bête du passé pour ne pas le voir se reproduire dans l'avenir. 

Quant aux protagonistes de cette histoire, ils sont nombreux même si GennaRose Nethercott nous attache surtout aux pas de Bellatine et d'Isaac, beaucoup d'autres gravitent autour d'eux. D'ailleurs, ils ont beau être frère et sœur, ils ne se ressemblent pas pour autant. 

Fantasque, volubile et lâche, Isaac ne s'engage pas, préférant prendre la fuite dès que ça l'implique. Mais sa fausse désinvolture cache une peur, celle d'être abandonné, alors il préfère prendre les devants. C'est un garçon plus complexe qu'il n'y paraît et cette aventure va prouver qu'il n'est pas un couard mais plutôt un frère sur qui compter.

Bellatine manque cruellement de confiance en elle. Elle doute en permanence, ne se fait pas confiance et refoule sa vraie nature par peur du jugement ou de déplaire. Or, affronter le passé de sa famille va lui donner l'assurance manquante et lui permettre ainsi de s'épanouir en étant elle-même.

Pour conclure :

Lire La Maison aux Pattes de Poulet, c'est faire la rencontre d'une plume délicate qui nous plonge dans un univers baigné d'ombre et de lumière, agrémenté d'émotions fortes. Coup de cœur indéniable pour cette histoire, alors rendez-vous en librairie dès le 31 janvier pour que vous aussi, vous ayez le vôtre !

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur la blogosphère, l'avis de Just A Word

Informations

GennaRose Nethercott
La Maison aux Pattes de Poulet
9782226485991
523 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

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26/01/2024

Patrick Jézéquel & Séverine Pineaux, Féeries & Légendes des Dragons, éditions Au Bord des Continents

Patrick Jézéquel & Séverine Pineaux, 
Féeries & Légendes des Dragons
éditions Au Bord des Continents 

Les éditions Au Bord des Continents sont connues pour leurs publications à caractère merveilleux ou à destination de la jeunesse. Recueils, albums, illustrés viennent enrichir chaque année le catalogue de cet éditeur breton qui met un point d'honneur à mettre en valeur le légendaire de la région.

Dans la collection Féeries & Légendes, j'ai découvert celui consacré aux dragons signé  par Patrick Jézéquel et Séverine Pineaux grâce une amie qui me l'a offert car elle connaît bien mon goût pour l'imaginaire. J'en profite pour à nouveau la remercier.

Quand il n'enfile pas sa casquette d'éditeur, Patrick Jézéquel aime laisser courir sa plume pour nous conter les légendes oubliées. Artiste, illustratrice et dessinatrice, Séverine Pineaux évolue dans un univers de féerie et de fantasy. Gothic Faëries, Les Chats Enchantés et Ysambre sont sans doute ses œuvres les plus marquantes dans lesquelles on retrouve une féerie s'épanouissant dans une nature sublimée. 

Créature légendaire, le dragon ne cesse d'inspirer depuis la nuit des temps. Or, dans le recueil Féeries & Légendes des Dragons, Patrick Jézéquel et Séverine Pineaux en ont fait un sujet d'étude pour revisiter ses représentations dans le temps et l'espace. 

Dans cet ouvrage aux allures de grimoire, Patrick Jézéquel enchaîne les histoires de dragons empruntant parfois au mythe arthurien, parfois à la mythologie grecque ou viking. Ainsi, dans "Merlin et les Dragons", l'auteur nous conte l'intervention de Merlin auprès du roi Vortigern afin de comprendre pourquoi la construction de son château semble être frappé de malédiction . En effet, à peine achevée l'une des tours de la forteresse ne cesse de s'effondrer. La cause de ce phénomène est la présence de deux dragons dans une cavité souterraine sous les fondations de la forteresse, qui n'arrêtent pas de s'affronter ébranlant ainsi ladite construction. L'ordre est donc donné de libérer les créatures afin qu'elles terminent leur combat à l'air libre. La victoire de l'une d'elle est d'ailleurs interprétée par le roi des Bretons comme un bon présage quant au triomphe des Celtes sur les Saxons. 

Autre héros mythique qui a eu maille à faire avec ces êtres ailés tout droit sortis du bestiaire merveilleux, c'est Hercule. Il doit détruire l'hydre en s'échinant à couper en vain ses têtes qui ne font que de se multiplier et que l'on retrouve dans la nouvelle intitulée "L'hydre" qui lui est dédiée. 

Mais, plus que de mettre en valeur ce patrimoine culturel fabuleux, Patrick Jézéquel fait aussi un petit état des lieux de toutes les espèces de dragons que l'on peut rencontrer. Il s'attarde sur ses particularités, ses habitudes et son habitat comme dans "Dragon des marais", "Dragon des mers" ou encore dans "Dragon des lacs". Tout est minutieusement décrit pour nous en faciliter la représentation visuelle. 

L'auteur digresse parfois en s'aventurant auprès d'autres animaux chimériques proches physiquement du dragon comme la tarasque, le basilic ou encore la vouivre.

Gardien des lieux sacrés (dans "Gardien de trésors") ou allégorie du paganisme (dans "Dragon de terre"), d'où l'image du dragon pourfendu par le héros et symbolisant le triomphe du christianisme sur le paganisme.

Chaque histoire s'accompagne donc de magnifiques illustrations réalisées par la talentueuse Séverine Pineaux. Simples croquis ou scènes élaborées, le dragon se déploie sous toutes ses formes. Merveilleusement représenté, le découvrir à chaque page tournée demeure un ravissement pour les yeux. Ainsi, on est tantôt captif de son regard pénétrant lorsqu'on le croise, tantôt on retient notre souffle de peur de subir sa puissance de feu. 

La magie prend vie grâce à la plume et au crayon de ces deux artistes qui nous entraînent à perdre haleine dans bien des aventures.

En somme, Féeries & Légendes des Dragons se présente comme le parfait petit guide pour s'imprégner de cet imaginaire ancestral qui continue d'en faire rêver plus d'un.

Fantasy à la Carte

Informations

Patrick Jézéquel
Séverine Pineaux
Féeries & Légendes des Dragons
9782370510334
157 pages
Editions Au Bord des Continents

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24/01/2024

John Brunner, Le Voyageur en Noir, éditions Mnémos

John Brunner, Le Voyageur en Noir, éditions Mnémos 

Grand auteur de science-fiction, John Brunner est connu pour ses univers dystopiques et cyberpunk. Ses œuvres les plus marquantes sont Tous à Zanzibar (1978) et L'Orbite déchiquetée (1969). Chacun de ses textes a été l'occasion de mettre en lumière des sujets toujours d'actualité comme l'emprise des médias avec la mise en place de la censure, la puissance des multinationales, la guerre, l'écologie ou encore le péril technologique.

Après la réédition de certaines de ses œuvres comme les intégrales Les Planétaires et La Tétralogie Noire ou encore L'Orbite déchiquetée, les éditions Mnémos récidivent en ce début d'année 2024 en nous proposant, cette fois-ci, avec Le Voyageur en Noir son unique récit de fantasy

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

On y suit les pérégrinations d'un certain voyageur en noir toujours muni d'un bâton lumineux. En effet, celui-ci est chargé par une entité anonyme de rétablir l'ordre en éradiquant la magie car cette dernière est source ici de chaos et constitue à ce titre un danger. La tâche semble de longue haleine, alors arrivera-t-il à mener sa quête jusqu'au bout ? 

Dans Le Voyageur en Noir, John Brunner prend la fantasy à contre-pied. En effet, il ne s'agit pas ici d'un roman d'apprentissage dans lequel le jeune héros doit apprendre à maîtriser ses pouvoirs afin de libérer son monde d'un quelconque oppresseur. Pas plus que l'on assiste entre ces lignes à une lutte entre magie blanche et magie noire. 

En fait, dès les premières lignes du livre, on sent l'auteur de science-fiction derrière ce récit de fantasy car il a mis beaucoup de rationalité dans le traitement de la magie. Celle-ci étant surtout tournée vers un usage personnel dans l'univers imaginé par John Brunner, on comprend donc d'autant mieux sa vision pessimiste car elle va à l'encontre de l'intérêt collectif. On en prend, d'ailleurs, la mesure dans la deuxième partie intitulée, Abattre la porte des enfers où l'on goûte à la destinée tourmentée de la cité d'Ys et de ses habitants qui voient s'abattre sur eux bien des calamités. Ceux-ci ont péché par excès en invoquant des puissances néfastes pour sauver la ville de sa déchéance plutôt que de se retrousser les manches et en payent donc le prix. 

Mais plus que d'implorer magiciens ou élémentaux, la population réclame aussi, à cor et à cri, l'intervention d'un dieu qui tel un messie sera à même de les guider et de leur trouver des solutions à leurs problèmes. Ainsi, dans la première partie, La marque du chaos, le voyageur en noir exauce non sans humour leur vœu puisqu'il extrait Bernard Brown de son époque pour lui faire endosser ce rôle divin. Une manière de prouver au peuple que seule la réflexion et l'astuce peuvent régler la situation. 

En outre, le voyageur en noir prend ici les traits du génie qui intervient pour exaucer les vœux. Seulement les gens ignorent à qui ils ont affaire et professent des désirs à tort et à travers sans l'avoir mesuré au préalable. Or, ceux-ci prennent des tournures inattendues et bien souvent désagréables. En cela, l'auteur souligne l'inconséquence humaine qui cherche toujours un coupable dans autrui et n'assume généralement pas ses actes. Figure du magicien ou jedi, le voyageur en noir endosse au fil des pages bien des rôles, du simple observateur à l'acteur.  Le regard qu'il pose sur ce monde en perdition est désabusé car nul ne semble jamais apprendre de ses erreurs. C'est donc avec beaucoup d'ironie et de lassitude qu'il porte sa mission d'ordonner le monde. 

Comme dans beaucoup de ses textes, on retrouve certains de ses thèmes de prédilection, notamment son rapport à l'écologie et à la problématique de la pollution comme dans Ces choses qui sont des dieux où toutes sortes d'immondices, des cadavres d'animaux ou d'humains aux déchets végétaux sont jetés dans Métamorphia rendant la consommation de l'eau impropre tout en enrichissant une sorcière malhonnête. 

Ainsi, dans Le Voyageur en Noir, la magie personnifie la société archaïque que le personnage principal cherche à remplacer par un monde plus progressiste fondé sur la raison et la science. 

Divisé en cinq parties, la rédaction de cette œuvre ne s'est donc pas faite d'une traite. Ainsi, en se ménageant de longues pauses entre chacune d'elles, John Brunner a choisi de laisser mûrir sa réflexion en permettant à sa fantasy de se nourrir de la science-fiction qu'il n'a pas cessé d'écrire. 

En rééditant ce texte, les éditions Mnémos nous donnent accès à un grand nom de la science-fiction qui s'est essayé à la fantasy et évitent ainsi que ce patrimoine culturel ne s'éteigne à jamais. Alors, on les remercie !

Fantasy à la Carte

Informations
John Brunner
Le Voyage en Noir
9782382671061
254 pages
Editions Mnémos

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21/01/2024

Sangu Mandanna, La Société très secrète des Sorcières extraordinaires, éditions Lumen

Sangu Mandanna, La Société très secrète des Sorcières extraordinaires
éditions Lumen

Autrice britannique de fantasy, Sangu Mandanna aime parler de magie et de mythes dans ses histoires. Sa bibliographie compte déjà deux cycles et quelques romans isolés. 

La Société très secrète des Sorcières extraordinaires est son premier livre traduit en France. Après l'avoir beaucoup vu passer sur les réseaux sociaux, c'est l'avis de Pikiti Bouquine qui a fini de me convaincre de le lire à mon tour.

Résumé :

Mika Moon est une sorcière, seulement personne ne doit le savoir, si ce n'est ses consœurs bien sûr ! Terriblement frustrée de ne pas se montrer telle qu'elle est aux autres, elle a lancé une chaîne Youtube où elle se fait passer pour une fausse sorcière. Ce n'est pas vraiment enfreindre les règles si personne ne la prend au sérieux, n'est ce pas ? Seulement, un jour elle reçoit une bien étrange offre d'emploi où il est question de devenir la professeure particulière de trois jeunes sorcières domiciliées dans le Norfolk. Or, il est interdit pour les sorcières de vivre sous le même toit sous peine de courir à la catastrophe. Intriguée, elle répond favorablement à l'annonce, se rend sur les lieux et en dépit des risques, elle accepte cette étonnante proposition. Bien entendu, elle n'imagine pas combien sa vie va basculer surtout lorsqu'elle va partager les secrets de ses curieux employeurs.

Mon avis :

Classé feel good, La Société très secrète des Sorcières extraordinaires est un cosy fantasy qui partage l'ambiance réconfortante de ce genre littéraire. Sous la plume de Sangu Mandanna, la magie est entre les mains d'une poignée de sorcières soumises à une malédiction les condamnant à être orphelines. Elles ne peuvent donc pas vivre ensemble et leurs rencontres doivent demeurer épisodiques pour limiter les concentrations de pouvoir qui attireraient obligatoirement l'attention. Le pouvoir se manifeste d'ailleurs par un scintillement qui les irradie. Certaines ont des prédispositions pour l'élaboration de potions tandis que d'autres ont la maîtrise des sorts complexes de protection. Elles vivent selon des règles strictes qui les obligent à maintenir un anonymat. Alors quand l'héroïne débarque dans la Maison de Nulle Part, les codes sont bouleversés puisqu'elle découvre trois jeunes sorcières partageant le même toit et entourées de personnes sans pouvoir ayant connaissance de leurs capacités. 

La Société très secrète des Sorcières extraordinaires nous immerge dans un monde contemporain infusé par une magie secrète. Le récit est extrêmement rafraîchissant, plein des secrets dont s'entoure quasiment chacun des personnages de cette histoire. Il se présente à la fois comme un roman d'apprentissage à travers l'éducation à la magie que le personnage principal doit dispenser aux trois fillettes, mais aussi comme une romance entre certains protagonistes et enfin comme un mystère à résoudre autour des non-dits pour Mika Moon. Il en ressort un roman d'autant plus riche car derrière la légèreté de ton qui transperce entre ces lignes, Sangu Mandanna questionne beaucoup la notion de famille car celle-ci ne se construit pas exclusivement sur la base du partage de gènes. Aucune des personnes vivant dans la Maison de Nulle Part ne possèdent le même sang et pourtant elles se considèrent toutes comme appartenant au même noyau familial. Elles sont même prêtes à enfreindre la loi et à risquer tous les périls pour maintenir leurs liens. Mais, bien d'autres sujets ponctuent ce texte puisque l'autrice nous y parle aussi bien de solitude affective, de deuil, de dépression parentale, d'harcèlement et de brimades que de construction de soi. 

Or, quoi de mieux pour s'exprimer sur toutes ces thématiques que de s'appuyer sur une communauté de personnages aussi hétéroclites qu'attachants. Chacun d'entre eux dégage ce petit quelque chose qui les rend inoubliables. Aussi, chez Mika Moon, on va être sensible à son manque affectif qu'elle va chercher à combler par des interactions sociales. Et que de dire de sa personnalité solaire si ce n'est que ses sourires et sa bonne humeur enchantent littéralement les pages de ce livre. Les jeunes sorcières, quant à elles, sont d'une grade perspicacité, en dépit de leur jeune âge. Si deux d'entre elles sont surtout à la recherche d'une figure maternelle que l'absence de Lillian n'a pas su combler, la troisième, elle, demeure surtout défiante vis à vis de cette nouvelle venue qui est susceptible de perturber leur équilibre familial. Le couple d'octogénaires formé par Ian et Ken est délicieusement charmant. Leur différence de caractère forme un tel contraste qu'on est obligé de fondre en les découvrant. Si Ian est curieux et entremetteur sur les bords, Ken est plutôt discret et joue les tampons plus souvent qu'à son tour. Et enfin Jamie, il est aussi séduisant que détestable. Rabat-joie, critique et méfiant, il est le protagoniste le plus difficile à apprivoiser mais qui mérite sans doute autant notre attention, ne croyez-vous pas ?

Pour conclure :

La Société très secrète des Sorcières extraordinaires m'a fait passer un merveilleux moment de lecture. J'ai adoré retrouver ses personnages à chacun de mes retours dans le roman. C'est clairement le genre de livre qui s'accompagne d'un bon thé pour un parfait moment cocooning. Je vous le recommande, alors le lirez-vous ? 

Fantasy à la Carte

Informations

Sangu Mandanna
La Société très secrète des Sorcières extraordinaires
9782371024137
407 pages
Editions Lumen

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16/01/2024

Mark Lawrence, Sœur Ecarlate, T.1, Le Livre des Anciens, éditions Bragelonne

Mark Lawrence, Sœur Ecarlate
T.1, Le Livre des Anciens
éditions Bragelonne 

Auteur américain de fantasy, Mark Lawrence n'a de cesse, depuis quelques années, d'enchaîner les trilogies pour étoffer son univers de L'Empire Brisé

Après avoir lu sa trilogie de L'Empire Brisé, puis très récemment celle de La Reine Rouge, me voici en pleine découverte du premier volet du Livre des Anciens.

Je remercie à nouveau Mark Lawrence pour l'envoi de ce service de presse qui m'offre l'opportunité de poursuivre l'aventure. 

Résumé :

Vendue par sa mère à un marchand d'esclaves, la jeune Nona échoue au Caltess pour servir dans des arènes de combat comme d'autres jeunes gens. Tout bascule, le jour où en défendant une amie, elle blesse gravement l'héritier d'une puissante famille. Condamnée à mort, elle échappe de peu à la pendaison grâce à l'intervention de l'abbesse Vitrage qui l'emmène au couvent de la Mansuétude pour la former aux arts de la guerre et la faire embrasser son héritage magique. Mais peut-elle réellement espérer échapper indéfiniment à ses poursuivants ?

Mon avis :

Autre ambiance avec Le Livre des Anciens puisque Mark Lawrence nous emmène, cette fois-ci, en Abeth où le sang de quatre tribus coule dans les veines de ses habitants. Or, celui-ci forge leur destin en leur donnant des capacités particulières. Ainsi, les Gerants se distinguent par leur haute stature et les Hunskas par leur vélocité, tandis que les Marjals sont capables de puiser dans les magies mineures, les Quantals, eux, savent arpenter la Voie et maîtriser, de facto, les magies majeures. Certains parmi ces descendants les mieux dotés intègrent, d'ailleurs, des monastères pour y devenir novices. Là-bas, différents cours leur sont dispensés comme l'art des poisons et ses antidotes, la maîtrise des armes et des techniques de combat ou encore le contrôle de la Voie par une totale sérénité, dont la finalité est la manipulation de ses fils. C'est un programme d'études qui se déroule sur quatre années jusqu'à prendre le voile et devenir ainsi moniale. On distingue quatre ordres. Celui des Saintes chargées d'entretenir la foi en l'Ancêtre, celui des Ecarlates, autrement dit des soldates douées pour le combat, celui des Silences qui excellent dans l'art de l'espionnage et celui des Mystiques  qui se révèlent être de vraies sœurcières maîtrisant la Voie. 

En nous attachant aux pas d'une enfant, Mark Lawrence fait le choix du roman d'apprentissage dans lequel Nona apprend à devenir à la fois une lettrée et une guerrière accomplie. Ainsi, amitiés naissantes et rivalités entre novices imprègnent autant ce texte que les intrigues politiques qui agitent l'Empire et l'Eglise. 

A l'image de ses précédentes séries, Le Livre des Anciens partage ce même univers sombre empreint de violence et de dureté et où la magie y est dévastatrice. 

En outre, Mark Lawrence a ponctué son texte de sujets sensibles en nous parlant notamment de commerce d'enfants, d'esclavagisme et de violence. Le décor est donc posé et il est difficile et implacable. Sœur Ecarlate est un récit poignant peuplé de traumatismes familiaux, sociaux et psychologiques. Il est  pas mal question de misère sociale et d'abus mais l'auteur allège aussi le ton en construisant des amitiés fortes et en proposant un épanouissement personnel de ses protagonistes par une lente acceptation de soi. Il y a également une petite incursion de la question écologique, à travers cette ritournelle qui hante l'esprit de l'héroïne. Celle-ci porte sur la fin d'un monde après la chute de la lune. C'est une manière pour l'auteur de rappeler que la préservation de la vie et de la terre demeure bien fragile. 

Dans Le Livre des Anciens, on fait donc la connaissance d'une gamine prénommée Nona. Entre un père absent et une mère détachée, elle cherche à tisser un lien affectif dans chacune de ses rencontres. A ce titre, c'est un personnage particulièrement touchant d'autant que la vie est cruelle avec elle. Elle grandit dans la douleur, perpétuellement mise à l'épreuve. Autour d'elle gravitent de nombreuses moniales et novices parmi lesquelles certaines sont plus attachantes que d'autres comme la jeune Hessa. Avec sa jambe atrophiée, elle ne peut rivaliser avec la force physique de ses consœurs mais elle compense par un enrichissement de son savoir et une meilleure maîtrise de la Voie. Son courage et sa pugnacité font d'elle une vraie héroïne. Quant aux moniales, j'avoue avoir un faible pour sœur Vitrage. C'est une protagoniste particulièrement intrigante qui aime s'entourer de secrets. Mais sous son masque d'autorité se dissimule une personne de cœur qui prend, bien volontiers, sous son aile les oisillons perdus.

Pour conclure :

Avec Le Livre des Anciens, Mark Lawrence maintient encore une fois la barre haute avec une narration toujours aussi nerveuse, des personnages inoubliables et un univers travaillé associé cette fois-ci à une intrigue originale et captivante. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi mes avis sur Le Prince Ecorché, Le Roi Ecorché, L'Empereur Ecorché et La Reine Rouge

Informations

Mark Lawrence
Sœur Ecarlate
T.1
Le Livre des Anciens
Editions Bragelonne

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12/01/2024

Pierre Pevel & Etienne Willem, Les Enchantements d'Ambremer, partie 2, Le Paris des Merveilles, éditions Drakoo

Pierre Pevel & Etienne Willem, 
Les Enchantements d'Ambremer
partie I, Le Paris des Merveilles
éditions Drakoo 

Noël est passé et je dois dire que mes souliers étaient bien garnis. J'ai notamment reçu le très attendu deuxième album du Paris des Merveilles de Pierre Pevel et Etienne Willem, sorti chez Drakoo, le 15 novembre dernier. 

J'en profite pour remercier mon petit lutin du Père Noël personnel qui a toujours le bon goût de me faire plaisir et se reconnaîtra en lisant ces lignes. 

Derrière l'adaptation en bande dessinée du Paris des Merveilles, il y a donc deux hommes : Pierre Pevel et Etienne Willem. Si l'un est aux dialogues, l'autre est aux dessins et au scénario.

Scénariste, journaliste, auteur de jeux de rôle et romancier, Pierre Pevel s'est beaucoup illustré avec ses récits d'uchronie qui n'ont pas manqué de rafler quelques prix littéraires au passage. Parmi ses cycles marquants, on peut citer par exemple Wielstadt (2001-2004), Le Paris des Merveilles (2003-2015), Les Lames du Cardinal (2007-2010) ou encore Haut-Royaume (2013-2021).

Scénariste et dessinateur, Etienne Willem est l'auteur de la série Bruyère et Bas de Soie (2004-2007), L'Epée d'Ardenois (2010-2015), Les Ailes du Singe (2016-2021) et La Fille de l'Exposition Universelle (2018-2021). D'inspiration médiévale ou steampunk, le travail réalisé pour ses précédentes bandes dessinées ne pouvait que l'imposer comme l'homme de la situation pour illustrer l'univers enchanteur du Paris des merveilles, aussi bien pour Les Artilleuses (2020-2021) que pour la série éponyme (2022-2023) à cet univers. 

Résumé :

Dans cette seconde partie de l'album, Les Enchantements d'Ambremer, on retrouve notre célèbre mage tout contusionné après son affrontement avec les terrifiantes gargouilles, envoyées par la Reine Noire Lyssandre. Mais loin d'être découragé, Louis compte bien retrouver son amie Cécile de Brescieux enlevée par cette dernière, en perçant notamment le mystère du livre que ladite mage lui a fait emprunter à la bibliothèque d'Ambremer. Mais plus que de résoudre une énigme, il s'agira plutôt pour Louis et Isabel de mettre la main sur un artefact afin d'empêcher la sombre Lyssandre d'accomplir sa vengeance sur la cour d'Ambremer, suite à son éviction de la couronne. 

Mon avis :

Dans ce second album, les actions s'enchaînent sans temps mort. D'une bulle à l'autre, on est baladé au cœur des investigations palpitantes menées par Louis et Isabel. On y enchaîne les arrêts tantôt du côté de Paris et de ses environs, tantôt à Ambremer. Les rencontres sont parfois surnaturelles ou au contraire très banales. Ici, les truands fréquentent les fées et les flics ne se laissent pas impressionnés par un peu de magie. Ca tire même très souvent tous azimuts et ça se bastonne pas mal pour faire bonne mesure surtout avec Louis et Isabel qui n'hésitent pas à mouiller la chemise et ainsi donner de leur personne pour mener à bien leur périlleuse mission. 

Explosions, rafales de balles ou lancements de sorts, tout est bon pour mettre des étincelles et faire péter les couleurs dans les planches de cette bande dessinée.

Entre légendes oubliées, créatures mythiques, intrigues et soif de vengeance, Les Enchantements d'Ambremer forme le cocktail idéal d'une aventure savoureuse. 

D'autant qu'Etienne Willem y a mis son grain de sel en ajoutant sa touche d'humour toute personnelle à travers de petits ajouts ici ou là à localiser tel un jeu de pistes qui ne manquera pas de faire sourire l'observateur attentif. 

Il faut bien le dire, l'artiste est facétieux et aime jouer avec ses lecteurs, surtout d'imaginaire car comment ne pas réagir à la mention d'une certaine princesse nommée Gala de Riel ou encore ne pas remarquer l'air familier du crapulard avec une autre crapule qui aime autant les trésors précieux, n'est ce pas ! 

Quoi qu'il en soit, voilà de quoi nouer une petite complicité avec les amateurs de fantasy et les autres car croyez-moi, ici, il y a de quoi faire !

Pour conclure :

En attendant, j'ai pris beaucoup de plaisir à me replonger dans les aventures de Louis Denizart Hippolyte Griffont et d'Isabel de Saint-Gil, à renouer avec leurs perpétuelles chamailleries grâce à cette merveilleuse série de bandes dessinées.

Il est vrai que je ne lis pas beaucoup de bandes dessinées, plus par manque d'occasion que par manque d'intérêt, mais je ne pouvais clairement pas passer à côté de celle-ci. Je reste une inconditionnelle des intrigues du Paris des Merveilles, alors les voir sublimer par le crayon d'Etienne Willem, il n'y a pas de mot pour qualifier mon plaisir.  

Clairement tout y est pour enchanter les yeux et émerveiller l'esprit, alors n'hésitez plus et rejoignez  à votre tour Ambremer, vous ne serez pas déçu. Le voyage vaut vraiment le détour !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur la partie I des Enchantements d'Ambremer (Drakoo).

informations

Pierre Pevel & Etienne Willem
Les Enchantements d'Ambremer
Partie II
9782382331026
58 pages
Le Paris des Merveilles
Editions Drakoo

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08/01/2024

Laure Dargelos, La Voleuse des Toits, éditions Rivka

Laure Dargelos, La Voleuse des Toits, éditions Rivka

Rencontrée à l'occasion de sa dernière tournée promotionnelle de dédicaces, Laure Dargelos est une nouvelle plume de l'Imaginaire qu'il faut absolument lire. 

La Voleuse des Toits est son second roman publié par les éditions Rivka et le premier livre que je lis de cette autrice.

Résumé :

Orme est soumise aux lois Ecarlates, l'art est prohibé sous peine de condamnation à mort. Fille de l'ambassadeur, Eléonore Herrenstein est une aristocrate le jour et la nuit venue, elle aime s'échapper par les toits pour rêver à un monde libre. Un soir, elle surprend un cambrioleur en train de fouiller la bibliothèque d'un membre éminent de la ligue Ecarlate. Et quelle n'est pas sa surprise de le voir mettre la main sur une toile interdite. Or, au lieu de l'emporter, il la repose et quitte la pièce. Pour Eléonore, la tentation est trop forte de ne pas aller admirer l'œuvre de plus près. Seulement, à peine rentrée dans la pièce, le voleur qui n'était finalement pas parti loin l'attrape. Prise de panique, elle réussie à l'assommer et s'enfuit. Le lendemain, alors qu'elle espère oublier cet incident, elle accepte de se rendre à une réception sans se douter qu'elle risque d'y recroiser son fauteur de troubles. Et s'il la dénonçait à la ligue, l'opprobre serait jetée sur sa famille, elle-même serait condamnée à mort et son projet de rejoindre la rébellion tomberait à l'eau. Alors, comment peut-elle se sortir de ce mauvais pas ? 

Mon avis :

Dans La Voleuse des Toits, Laure Dargelos nous brosse le portrait d'une société opprimée, injuste à l'égard des pauvres et où toute forme d'expression artistique est interdite. Le récit se déroule dans le royaume d'Orme où le quotidien de ses habitants est régit par des règles strictes, promulguées par la ligue Ecarlate. A Seräen où vit Eléonore, la ville est cernée de hauts murs et il est interdit d'en sortir même pour les aristocrates sous le prétexte que le royaume est en guerre avec son voisin Valacer. Le pouvoir est entre les mains de l'Oméga, un être insaisissable dont les traits sont dissimulés sous un masque et entre celles des douze puissantes familles appartenant à la ligue Ecarlate. Ceux-ci font régner la terreur et nul n'ose s'élever contre eux, si ce n'est une poignée de pauvres révoltés qui cherchent à renverser le pouvoir au péril de leurs vies. 

Sous la plume de Laure Dargelos, deux mondes vivent côte à côte sans jamais réellement se rencontrer. En effet, il y a donc d'un côté, les riches enfermés dans un luxe et un confort les rendant sourds et aveugles à la souffrance humaine et de l'autre côté, les pauvres écrasés par la misère et vivant dans la peur de la condamnation ou du sacrifice de leurs enfants pour une guerre qui ne les concerne pas.

Au cœur de cet univers sombre et étouffant existe une magie oubliée et pourtant si puissante. Une magie qui pourrait dans les moments les plus critiques faire la différence pour peu que l'on redécouvre son existence. Celle-ci est capable de distordre le temps et ainsi tracer de nouvelles opportunités. Bien loin des manifestations de pouvoir explosives que les récits de fantasy se plaisent à exposer, l'autrice table ici sur un onirisme discret qui permet à son texte d'emprunter des tournures narratives inattendues. 

Si les premières lignes de La Voleuse des Toits laissent supposer la trame classique d'une romance se déroulant dans la bonne société, la réalité de l'Imaginaire fouillé de Laure Dargelos laisse place à un tout autre récit. En effet, ce texte construit en trois parties recèle son lot de surprises, ponctué d'épisodes déroutants et de rebondissements imprévisibles. La lecture n'en est donc que plus passionnante, d'autant que l'autrice nous y parle de lutte des classes et de révoltes populaires contre un pouvoir tyrannique. Elle y met en exergue les techniques de manipulation perverses pour se maintenir en place. En interdisant l'art, c'est la pensée qui est muselée car celle-ci doit être conforme à la propagande officielle. La Voleuse des Toits est un récit engagé qui met en garde contre les dérives d'un trop grand pouvoir conduisant au sacrifice des peuples, à la désignation d'un bouc émissaire toujours étranger, à l'injustice sociale et à la misère. C'est clairement un texte poignant qui s'inspire des régimes politiques despotiques pour mieux les dénoncer car lorsque la liberté d'expression doit se conformer à des interdits et à des règles, cela ne peut qu'être le signe d'une démocratie mourante et d'un malheur général. 

Enfin, l'autrice s'appuie sur un duo de personnages absolument délicieux pour porter son récit, ce qui ne gâche pas le plaisir de lecture, bien au contraire ! Entre Eléonore Herrenstein, alias Plume et Elias d'Aubrey, mon cœur balance ! Voici deux protagonistes aux antipodes, mais ne dit-on pas que les contraires s'attirent! Eléonore est si éprise de justice, c'est une âme révoltée enfermée dans le carcan écrasant de l'aristocratie. Elle se découvre un penchant pour l'interdit mais ne le fait pas pour autant pour le frisson car elle a surtout soif d'un monde meilleur. Faisant fi des règles et des convenances, elle préfère embrasser une cause juste et noble. C'est un personnage qui se découvre une force de caractère insoupçonnée, un passé surprenant et va, de facto, beaucoup évoluer au fil du roman. Quant à Elias d'Aubrey, il est autoritaire, intransigeant et d'humeur versatile. En tout cas, c'est l'image qu'il souhaite renvoyer. En tant, qu'héritier d'un membre de la ligue Ecarlate, il se doit d'être conforme à cette apparence. C'est un personnage plein de secrets qui virevolte à la limite du bien et du mal toujours prêt à basculer d'un côté ou de l'autre. Ce qui lui donne toute sa saveur puisque finalement, on ne sait jamais qui il est vraiment. C'est d'ailleurs le protagoniste le plus ambivalent du roman et à ce titre est donc un véritable atout pour celui-ci. 

Pour conclure :

Personnellement, j'ai beaucoup apprécié ma lecture de La Voleuse des Toits. La plume de Laure Dargelos est très fluide et le livre offre un bon rapport qualité prix entre un texte de qualité glissé dans un très bel écrin, à un prix tout à fait raisonnable par rapport à ce que l'on trouve sur le marché du livre. 

Je vais, bien entendu, continuer de suivre l'autrice en lisant déjà son précédent roman qui m'attend d'ailleurs dans ma PAL, mais aussi la maison d'édition qui mérite que l'on porte une attention particulière à ses publications. A suivre !

Informations

Laure Dargelos
La Voleuse des Toits
9782493897091
648 pages
Editions Rivka

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02/01/2024

Mark Lawrence, La Reine Rouge, intégrale, éditions Bragelonne

Mark Lawrence, La Reine Rouge, éditions Bragelonne 

La Reine Rouge prend la suite de la trilogie L'Empire Brisé, composé du Prince Ecorché, du Roi Ecorché et de L'Empereur Ecorché que j'avais lue et chroniquée au moment de sa parution. 

Or, Mark Lawrence m'a fait l'honneur de m'envoyer sa seconde saga, me permettant ainsi de continuer l'exploration de son sombre univers. Je le remercie donc très chaleureusement pour cette délicate attention et pour sa confiance.

Résumé :

Le Prince des Fous

Petit fils de la Reine Rouge, le prince Jalan Kendeth est un joueur invétéré et un coureur de jupons patenté. Endetté jusqu'au cou, il est toujours enclin à foncer tête baissée dans les ennuis, sans doute au grand dam de sa terrible grand-mère. C'est ainsi qu'après s'être servi d'un captif censé être libéré, pour gagner un pari dans les arènes, il échappe de peu à un attentat perpétré dans un opéra et se retrouve dans la ligne de mire d'un sort le liant irrémédiablement au ledit prisonnier à qui il a joué un mauvais tour plus tôt dans la journée. Dès lors, il n'a d'autre choix que de suivre Snorri ver Snagason dans sa quête pour libérer sa famille des griffes d'un viking renégat qui a vendu son âme au Roi Mort, sauf s'il trouve le moyen de se libérer avant ? 

La Clé des Menteurs

Après avoir survécu à leurs affrontements avec les séides du Roi Mort et mené à bien sa vengeance contre les vikings rouges responsables de ses malheurs, Snorri en est ressorti très amère. En effet, il a échoué dans sa mission première, à savoir arriver à temps pour sauver sa famille, mais il a récupéré une mystérieuse clé, objet de toutes les convoitises, qui pourrait bien changer la donne. Poursuivi de toutes parts, jusqu'où ira-t-il pour obtenir sa rédemption et Jalan le suivra-t-il dans ce nouveau voyage tortueux ?

La Roue d'Osheim

De retour de son séjour en Enfer après avoir accompagné Snorri dans sa quête ultime, Jalan en est revenu à son tour profondément changé. Il ne rêve d'ailleurs plus que de retrouver la sécurité des murs de son palais rougemarquais, seulement son retour risque de ne pas être conforme à ses aspirations. En effet, sa grand-mère, la Reine Rouge a pris la tête de l'armée pour régler son compte une bonne fois pour toutes à sa rivale, la Dame Bleue, déshabillant ainsi son royaume de sa sécurité militaire. Or, c'est une opportunité que le Roi Mort ne peut pas laisser passer, alors pour Jalan, il s'agira plutôt d'affronter des hordes de morts ranimés pour tenter de sauver les siens d'une fin funeste. Sera-t-il à la hauteur de la tâche?

Mon avis : 

Avec La Reine Rouge, on retrouve l'univers de L'Empire Brisé, précédemment effleuré dans la première trilogie éponyme de Mark Lawrence. Bien que les deux récits soient contemporains, l'action se partage, cette fois-ci, entre le sud de l'empire du côté de Rougemarche et le nord, par-delà les îles Noyées, sur la côte du Nordheim. 

Pour bâtir son monde, l'auteur s'est inspiré du vieux continent en éclatant l'Europe telle qu'on la connaît aujourd'hui en une multitude de petits royaumes où règne la magie. Celle-ci semble être le fruit d'une science pervertie par la mégalomanie d'une humanité égarée. Mark Lawrence nous immerge donc dans une science fantasy, teintée de notes postapocalyptiques et infusée à la mythologie nordique où le Ragnarök tant redoué par les uns pourrait être la conséquence d'une technologie destructrice. 

L'empreinte viking est très présente dans ce récit. Elle s'exprime déjà par la présence de la völva, figure sacrée des tribus claniques scandinaves. Prêtresse ou prophétesse, sa parole est divine. En outre, l'ombre des dieux n'est jamais loin entre les lignes de La Reine Rouge, notamment celle de Loki, le dieu de la ruse, à travers cet artéfact magique qui suscite tant d'émois et dont on lui attribue la propriété. Quant aux autres divinités, elles viennent juste derrière surtout quand il s'agit pour les protagonistes de traverser l'Enfer où règne la déesse Hel ou pour les plus valeureux guerriers de rejoindre le Valhalla en Asgard  et ainsi prêter main-forte à Odin. 

La Magie prend bien des formes sous la plume de Mark Lawrence. Déjà, elle est souvent détenue par des femmes de pouvoir, à l'image de la Reine Rouge qui tire sa puissance de sa sœur. Ombre d'elle-même et âme silencieuse, cette dernière dispose d'un don de préscience bien utile à cette sanglante monarque. Quant à sa rivale, la Dame Bleue, elle puise son pouvoir dans les miroirs lui permettant à la fois de surveiller et d'influencer autrui. En outre, la magie qui s'épanouit au fil des pages de cette trilogie est parfois pervertie et se pare des atours de la nécromancie comme en use le Roi Mort pour lancer sur ses ennemis des hordes de zombies, quasiment indestructibles. 

La Reine Rouge est une trilogie captivante tissée de complots et d'intrigues de cour, d'aventures rocambolesques et de rebondissements dramatiques. Au cœur de ce maelström de manipulations, se débat un duo de personnages aussi improbables qu'attachants. Tantôt pions, tantôt atouts de ce périple ponctué de dangers, Jalan Kendeth et Snorri ver Snagason sont bien souvent ballotés par les événements. Parieur, coureur et menteur, Jalan n'est clairement pas un parangon de vertus. De même, ce n'est pas le courage qui l'étouffe car s'il peut se défiler des situations délicates, il n'hésite pas à prendre ses jambes à son cou. Pourtant, en dépit de tous ses défauts qui font de lui un vrai anti-héros, Jalan est un protagoniste très drôle, piquant, parfois absurde et totalement irrésistible. Bien loin d'incarner la force brute du héros d'heroic fantasy ou la rouerie de celui de dark fantasy, Jalan Kendeth ne rêve que du confort de sa vie princière mais semble incapable de la mener sans se mettre dans la panade. Souvent rattrapé par ses vices, il n'apprend jamais de ses erreurs, ce qui ne manque pas de nous tirer un sourire ou deux. A contrario, Snorri ver Snagason incarne le parfait guerrier viking, pétri de nobles valeurs. Ami fidèle, défenseur des plus faibles, Snorri n'hésite pas à se jeter dans la gueule du loup pour tenter de sauver sa famille. L'amour indéfectible qu'il porte à sa famille en fait un personnage très touchant. Avec son physique d'ours et son cœur d'or, il apparaît comme le compagnon d'aventure idéale. A titre personnel, j'ai eu un gros coup de cœur pour ces deux-là qui apportent à ce récit, selon moi, une vraie valeur ajoutée. 

Plus qu'un roman d'aventure, La Reine Rouge est un texte intéressant à plus d'un titre qui nous parle aussi bien d'handicap que de maladie. Il alerte également sur les dangers des velléités dominatrices destructrices qui vont de pair avec une soif inextinguible de pouvoir.

Pour conclure :

La Reine Rouge est un texte dense, parfois long car trilogie oblige, mais qui ne manque pas de charme dans l'ensemble et n'en demeure pas moins plein de qualités en assurant tout de même un bon divertissement. 

Rendez-vous au prochain épisode puisque Mark Lawrence n'a pas dit son dernier mot sur cet univers.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Le Prince Ecorché, Le Roi Ecorché, L'Empereur Ecorché, et Sœur Ecarlate (T.1 du Livre des Anciens).

Informations

Mark Lawrence
La Reine Rouge
9791028110635
1197 pages
Editions Bragelonne

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