25/08/2023

Arnaud Cazelles, Nous regrettons la mort, éditions Les Trois Nornes

Arnaud Cazelles, Nous regrettons la mort, éditions Les Trois Nornes 

Parmi les nouvelles signatures de l'Imaginaire francophone, il y a Arnaud Cazelles, à qui l'on doit déjà deux romans publiés en 2022 : Un Certain goût de plomb (éditions Oneiroi) et Nous regrettons la mort (éditions Les Trois Nornes). Or, justement ce second livre m'attendait dans ma pile à livres depuis l'été dernier, alors il était donc plus que temps que je m'y intéresse. 

Résumé :

La mort n'est plus. En effet, à l'expiration de leur dernier souffle, les humains deviennent de dangereux spectres contre lesquels les vivants ne peuvent se prémunir qu'avec du sel. Les sorcières en seraient la cause, ainsi que de l'élévation d'infranchissables barrières de brume. Depuis lors, les prêtres et les sœurs inquisitrices du Culte du Grand Œil traquent toutes les sorcières afin de les éliminer dans l'espoir de faire revenir la mort. Fàinella est l'une de ces sœurs. Elle a été chargée par sa hiérarchie de retrouver celle que l'on surnomme la Corneille Blanche, pendant qu'elle retourne sur sa terre natale pour noyer sa mère devenue une non-morte. C'est accompagnée d'un vieil homme que Fàinella s'engage dans cette nouvelle mission qui pourrait bien ébranler ses certitudes, qui sait ? 

Mon avis :

Dans Nous regrettons la mort, on pose ses valises dans un univers de fantasy remarquable et détaillé dans lequel Arnaud Cazelles a donné à son monde imaginaire un historique et une chronologie précis. Après des années de guerre et de pillages, les quinze clans, installés sur les îles situées au nord du continent d'Aboshàt, ont entériné la paix par le truchement d'un traité. Depuis lors, ils vivent à l'écart avec leurs propres croyances, en dépit de l'hégémonie du Culte du Grand Œil. Néanmoins, celui-ci demeure vivace sur le continent grâce au zèle de ses disciples qui gagnent toujours plus de terrain pour convertir les peuples et éteindre les sources de magie en supprimant les sorcières. On y retrouve ici des influences celtiques, à travers la présence de druides ou par le parallèle que l'on peut faire avec la dissolution progressive de la religion polythéiste celte dans la culture romaine. Sous la plume d'Arnaud Cazelles, la magie se nomme le viviccia et forme des nœuds de pouvoir perceptibles et utilisables que par une poignée d'élues. C'est aussi une source d'énergie utilisée pour ensorceler des armes servant à combattre les spectres et alimenter les navires-cathédrales, une sorte de bateaux volants qui ajoute une touche steampunk à l'ensemble.

Nous regrettons la mort est un roman court mais bien mené qui nous conte le road-trip d'un duo de personnages détonnant. Elle est jeune, lui est un homme vieillissant. Elle s'est convertie au Culte du Grand Œil, lui croit aux anciens dieux. Ils semblent incompatibles pour ce voyage et pourtant ils finiront par se compléter. Fàinella est un personnage plutôt ambivalent. Par sa chevelure rousse et ses racines, elle incarne l'image populaire que l'on se fait de la sorcière. Pourtant, elle s'est destinée plus par opportunité que par réelle conviction à la fonction de chasseuse. Au fil de l'aventure, on découvre donc cette femme dans toute sa complexité. Curieuse et pugnace, elle s'est hissée par sa seule volonté à une position élevée. Mais en retournant chez elle, elle va se confronter à son passé et à une réalité dont elle s'était coupée en partant. Ce voyage est donc l'occasion d'une introspection personnelle qui s'avéra à la fois douloureuse et perturbante. Un parcours qui fait d'elle une protagoniste particulièrement intéressante à suivre, d'autant qu'elle centralise à la fois des forces et des faiblesses. Quant à Callean, il se retrouve embarqué bien malgré lui dans ce périple dans lequel il va prendre part et jouer d'ailleurs un rôle décisif. Arnaud Cazelles nous brosse donc le portrait d'un personnage âgé en mettant en exergue toutes les problématiques liées à l'âge avec d'un côté, les douleurs du corps, la baisse du tonus et le dynamisme amoindri et de l'autre côté, l'expérience et la sagesse qui sont d'indispensables atouts. Sa volonté de protéger et de préserver Fàinella dégage de lui une vision paternelle. C'est vraiment un personnage très attachant, particulièrement dans sa démarche. Personnellement, j'ai eu un vrai coup de cœur pour ces deux protagonistes, autant pour l'évolution que l'auteur leur donne que pour les liens qu'ils tissent entre eux. 

Nous regrettons la mort est un roman d'action qui enchaîne les péripéties sans temps mort. En outre, Arnaud Cazelles a ponctué son récit de complots politiques, ce qui ne gâche en rien au plaisir de lecture. C'est également un texte intéressant du point de vue des thèmes traités puisqu'il nous parle de deuil, de vieillissement et de regret. Or, ce n'est pas forcément la panacée des récits de fantasy. Alors, c'est clairement un bon point pour ce livre qui se démarque. Il met également en lumière les relations intergénérationnelles en soulignant l'importance de se nourrir des expériences de ses aïeux car elles sont très formatrices pour tous. 

Pour conclure: 

Entre un imaginaire fertile et une plume travaillée, Arnaud Cazelles s'inscrit de suite dans la nouvelle génération d'auteurs à lire. Avec Nous regrettons la mort, j'ai passé un très bon moment de lecture, alors je ne peux que vous le recommander. Et puis, c'est aussi l'occasion de soutenir une jeune maison d'édition, alors foncez !

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, l'avis de Etemporel

Informations

Arnaud Cazelles
Nous regrettons la mort
9782492118067
231 pages
Editions Les Trois Nornes

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22/08/2023

Christophe Guillemain, La Morsure des Roses, éditions Mnémos

Christophe Guillemain, La Morsure des Roses, éditions Mnémos 

Après avoir été Pépite de l'Imaginaire en 2022 avec son roman, L'Enterrement des Etoiles, Christophe Guillemain fait la rentrée de la fantasy des éditions Mnémos avec son nouveau récit, La Morsure des Roses.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Le dieu Ur-Orio a cinq filles qui vivent recluses sur le mont Eremion. Il ne les visite qu'une fois par an, prétextant avoir toujours beaucoup à faire dans le reste du monde soumis à des conflits perpétuels. Or, le jour où leur précepteur, le chevalier des Roses est retrouvé pendu, Caelynn et Riveline savent qu'elles ne sont plus en sécurité en ces lieux et décident de reprendre leur liberté. Chacune va suivre, pendant un temps, son propre chemin jusqu'à ce que Caelynn fasse l'amère expérience de ne pouvoir complètement échapper à son destin. Alors pour sauver celui de sa sœur, en contrecarrant les plans machiavéliques de leurs aînées, elle s'est à nouveau mise en route en espérant arriver à temps. Mais n'est-il pas déjà trop tard ? 

Mon avis :

Avec La Morsure des Roses, Christophe Guillemain nous immerge dans un univers mythologique qu'il a bâti en s'inspirant des mythes gréco-romains. On y retrouve l'ombre du dieu Ur-Orio qui, par bien des égards, ressemble à Zeus, notamment dans sa nature volage et son caractère fourbe. Ainsi, lui aussi n'hésite pas à changer d'apparence pour séduire et/ou abuser les humaines, les déesses ou les géantes qu'il convoite. De même, son obsession de garder à l'œil et sous sa coupe son précieux sang dissimule en réalité cette même crainte qui habitait Cronos et Zeus, d'être trahi par sa progéniture. 

En outre, si les deux dernières de cette fratrie sont de simples humaines sans aucun pouvoir, il en va  bien différemment pour les trois aînées qui disposent, elles, d'un héritage divin leur conférant des capacités hors normes. En effet, par sa qualité de géante, Llybia possède une force incommensurable faisant d'elle une farouche alliée ou à contrario, une impitoyable adversaire. Quant aux jumelles, elles demeurent les plus redoutables des cinq puisque Nifère est une nécromancienne et Eluria est la reine des fous qui commande aux oiseaux et aux lézards. En conjuguant leur force, elles n'ont donc aucun mal à persécuter leurs cadettes humaines pour les empêcher de s'accomplir et d'enfanter. 

Ainsi, en suivant le sillage de ces dernières, on se retrouve en but à des hordes de morts-vivants, bien décidés à sonner la dernière heure des deux jeunes femmes et à tutoyer la folie qui s'empare des esprits sous la pression mentale divine. 

La Morsure des Roses est donc un récit de dark fantasy qui nous entraîne dans le dédale d'un monde crépusculaire cherchant à aliéner ses protagonistes en les plongeant dans une sorte de névrose teintée de psychose. 

La Morsure des Roses nous conte la quête de Caelynn pour sauver sa sœur et influencer ainsi le destin. L'auteur reprend donc l'idée que celui-ci est écrit d'avance comme on semblait déjà le penser dans la Mésopotamie ancienne, ainsi qu'à l'ère de la Grèce antique où celui-ci était d'ailleurs placé entre les mains exclusives des Moires. Les pérégrinations de Caelynn donnent à Christophe Guillemain l'opportunité d'explorer les relations difficiles, voire conflictuelles des demi-sœurs entre elles lorsqu'elles rentrent en rivalité pour obtenir l'attention d'un père trop peu présent. Il met en exergue la malaisance de cette ascendance paternelle qui isole ses enfants les uns des autres et du reste du monde pour garder un contrôle exclusif sur chacun d'entre eux et les maintenir ainsi dans le giron de son influence. L'auteur pointe ainsi du doigt les dysfonctionnements d'un tel modèle familial renforcé par l'absence d'une figure maternelle. Or, on prend conscience que c'est un véritable manque pour Caelynn et Riveline qui cherchent, d'ailleurs, par tous les moyens à reformer un noyau familial plus stable. 

La Morsure des Roses est un conte sombre et cruel qui touche à l'intimité des liens familiaux. C'est une histoire touchante à travers cette héroïne qui s'accroche contre vent et marée à sa mission. Elle fait preuve d'une vraie sororité à l'égard de Riveline tout comme Nifère avec Eluria, d'ailleurs.  

Dans son livre, Christophe Guillemain met en scène des protagonistes esseulés qui se mènent la vie dure. On y suit donc surtout Caelynn qui va tout faire pour éviter que sa sœur connaisse les mêmes souffrances qu'elle. Alors que cette dernière va longtemps la rejeter, elle va s'accrocher jusqu'au bout, quitte à se mettre en danger en affrontant le courroux mortifère de ses sœurs aînées. Ainsi, elle laisse le calcul et la manipulation à ses frangines pour laisser place à un courage et une opiniâtreté qui semblent sans limite. Caelynn est étonnante car sa naïveté se dispute en permanence avec sa témérité. Sa pugnacité la rend attachante. Elle est aux antipodes de ses sœurs entre une Riveline tournée vers son ambition personnelle et une Nifère et une Eluria enfermées dans leur égoïsme cruel, Caelynn, elle, incarne de plus nobles valeurs. 

Pour conclure :

Avec La Morsure des Roses, Christophe Guillemain s'affranchit à nouveau des codes classiques de la fantasy pour nous conter le destin de héros atypiques évoluant dans un univers travaillé. Il sort en librairie le 23 août, lisez-le !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur L'Enterrement des Etoiles et La Marche de l'Enfant-Saule

Informations

Christophe Guillemain
La Morsure des Roses
9782382670811
281 pages
Editions Mnémos

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18/08/2023

Hélène Besse, Les Émissaires du Lien, éditions Inceptio

Hélène Besse, Les Émissaires du Lien, éditions Inceptio 

Après la publication au format numérique d'un roman feuilleton intitulé Les Voies de Brume en 2021, Hélène Besse signe avec Les Émissaires du Lien, un nouveau récit chez Inceptio en 2022. 

Mais point de steampunk cette fois-ci car l'autrice nous propose plutôt une fantasy matinée de notes postapocalyptiques. 

Résumé :

A force d'exploitation excessive de la terre par des humains aveuglés par le pouvoir, d'anciens dieux se sont réveillés, bien décidés à se venger. Or depuis 60 ans, le genre humain est dominé par le monde végétal et animal qui s'est nettement accru au point de confiner dans des forteresses la poignée d'hommes et de femmes survivants. Mais, subsistent quelques rares élus choisis pour maintenir un lien ténu entre ces deux mondes voués à ne plus s'entendre. L'ensorceleuse Titania est l'une d'elle. Elle est la seule à vivre au cœur de la forêt, accompagnée de Puck, un chat peu ordinaire puisqu'il parle. Un jour, alors qu'elle est sommée de se rendre sans tarder auprès du seigneur d'e la grande cité d'Anguélarade, elle pressent l'imminence d'un grand danger. Pour autant, arrivera-t-elle à faire pencher la balance du côté de la paix? 

Mon avis :

Les Émissaires du Lien s'inscrit dans un cadre médiéval où la magie existe mais est crainte et proscrite. En effet, elle est considérée comme l'unique responsable du Réveil qui a donné lieu à la mutation des animaux les transformant en créatures gigantesques servant d'impitoyables gardiens à la forêt dotée d'une conscience défensive. Or, la menace qu'ils font peser sur les humains instille à cet univers fantasy une ambiance clairement horrifique car à chaque écart perpétré, le couperet vengeur ne manque pas de tomber. Ainsi, le lecteur est de suite mis au pas avec ce texte qui promet déjà d'être rude malmenant aussi bien les protagonistes de cette histoire que la nature dans laquelle ils évoluent qui a finalement juste besoin de protection. 

L'ombre des dieux s'incarne ici dans la figure d'Enori qui nous apparaît sous les traits d'une sorte de Grand-Mère Feuillage (personnage fictif du dessin animé, Pocahontas). Elle est le contact de Titania et matérialise l'âme de la forêt. L'origine celtique de son nom place son existence au rang de légendes et ajoute au texte un caractère mystique. 

En outre, Hélène Besse n'a pas manquer de parsemer son roman de clins d'œil au Petit Peuple des fées avec par exemple, Titania qui désigne la reine des fées des contes populaires anglais et le lutin Puck qui sert le couple royal formé par Oberon et Titania dans Le Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare. 

Dans Les Émissaires du Lien, l'autrice a construit son récit en alternant présent et passé afin de donner aux lecteurs les clés de compréhension quant aux origines du Réveil. Cela a également l'intérêt de rythmer grandement la lecture. 

Les Émissaires du Lien est un récit engagé, riche d'un propos écologiste dans lequel l'autrice alerte sur les dangers d'une activité humaine trop excessive, centrée sur la destruction plutôt que sur la protection. Derrière ce roman, il y a une vraie leçon d'humilité pour l'humanité qui doit toujours garder en mémoire qu'elle n'est qu'un élément d'un tout et non le tout lui-même comme elle a majoritairement tendance à le penser. Le texte est donc tantôt âpre, tantôt bouleversant et ne laisse en aucun cas indifférent surtout lorsque l'on a une vraie conscience écologique marquée par une volonté de préservation de la faune et de la flore. 

Dans son livre, Hélène Besse met en scène une galerie de personnages assez conséquente qui nécessite un temps d'appropriation. A titre personnel, il m'a fallu un peu de temps pour me familiariser à ce petit monde et à cette histoire sans doute aussi parce que ma concentration n'y était pas au début pour des raisons extérieures à la lecture. Néanmoins, j'ai trouvé particulièrement charmant le duo formé par Titania et Puck. Il faut dire que les humeurs et l'ironie du félin apportent une belle touche d'humour. Avec sa personnalité bien trempée, Puck égaye clairement les lignes de ce roman. Quant à Titania, elle est l'héritière d'une lignée de sorcières dont le rôle est de préserver l'équilibre entre les mondes végétal, animal et humain. Au même titre que ses aïeules, elle incarne cette génération de femmes courageuses, empathiques et téméraires dont le touchant combat semble voué à l'échec. Pourtant, elles le mènent jusqu'au bout et ce, même en dépit de l'adversité. Leur sens du sacrifice interpelle, force le respect et doit même être source de réflexion, voire d'inspiration pour le message transmis.

Pour conclure :

Les Émissaires du Lien est un texte puissant, porteur d'un message fort qui remue pas mal du fait de la justesse de ce qui est décrit. En lisant ce roman, j'ai découvert la plume délicate et sensible d'une autrice que je ne connaissais pas jusque là mais dont je vais très certainement suivre l'actualité littéraire. 

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère les avis de : Les Mille et une Pages, L'antre de Myfanwi et La citadelle de mes lectures

Informations

Hélène Besse
Les Émissaires du Lien
9782384110193
396 pages
Editions Inceptio

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11/08/2023

Ariel Holzl, Le Règne des Chimères, T.2, Les Royaumes Immobiles, éditions Slalom

Ariel Holzl, Le Règne des Chimères, t.2, 
Les Royaumes Immobiles
éditions Slalom 

Sélectionné pour le PLIB 2023 jeunesse et toujours en lice dans la dernière ligne droite des cinq finalistes, La Princesse sans Visage a su ensorceler la communauté de l'Imaginaire. La qualité de son univers y est sans doute pour quelque chose. Or, avec Le Règne des Chimères qui clôture cette duologie des Royaumes Immobiles, le temps est venu de lever le voile sur ses origines. 

Après un premier tome prometteur, j'ai poursuivi l'aventure sans plus attendre. 

Résumé :

En dépit de sa victoire au Sacre des Saisons, Ivalie a dû fuir dans l'Ailleurs avec le changeling Odd pour sauver sa vie. En effet, suite à la trahison de Séline qui a tué sa mère Titania pour prendre sa place à la tête de Radiance et celle encore plus amère d'Hélionie qu'elle pensait être son amie, Ivalie n'est plus en sécurité dans les royaumes immobiles. Seulement dans sa fuite, sa malédiction est revenue, condamnant Odd à sombrer peu à peu dans la folie. Alors, comment survivra-t-elle dans ce monde inconnu avec pour seul allié, un ami condamné à devenir son ennemi ? Et pourra-t-elle seulement espérer pouvoir remettre de l'ordre dans le chaos qui secoue maintenant les Royaumes Immobiles divisés ? 

Mon avis :

Avec Le Règne des Chimères, on change d'ambiance puisqu'Ariel Holzl emprunte les codes classiques du genre à travers la lutte manichéenne qui se dessine en filigrane du récit. En effet, on quitte les rives de la compétition où tous les coups étaient permis pour rentrer dans une véritable conquête du trône qui s'organise en deux temps avec d'abord la recherche d'alliés, puis l'affrontement. Ainsi, on est plongés dans des batailles épiques, mâtinées de magie qui s'exprime autant par les sorts lancés que par les chimères, nées de l'esprit des êtres féériques. On assiste donc à des combats aériens, à dos de créatures fantasmagoriques, pleins de bruit et de fureur comme la fantasy épique aime s'enorgueillir. En outre, l'auteur a ajouté une touche steampunk à son univers merveilleux en introduisant des entités faites de métal, ressemblant étrangement à des machines et difficiles à abattre pour les feys qui craignent le fer froid. Un univers qui témoigne de l'ingéniosité de son auteur donnant à nouveau vie à un cadre narratif aussi enchanteur que fascinant.  

Avec Le Règne des Chimères, on est sur un roman d'action où la tension monte crescendo jusqu'à atteindre son paroxysme dans les derniers chapitres du livre. C'est aussi un roman où les révélations vont bon train avec le dénouement qui se profile déjà à l'horizon. Ainsi, derrière les royaumes immobiles, il y a un monde d'en haut et un monde d'en bas. A coup de trahisons, de mensonges et d'usurpations, certains ont été relégués aux oubliettes, réfugiés sous terre, à l'abri des regards et effacés des mémoires. Alors, la quête d'Ivalie sonne pour eux l'heure de la revanche en entrant à leur tour dans la lutte. 

05/08/2023

Ariel Holzl, La Princesse sans Visage, T.1, Les Royaumes Immobiles, éditions Slalom

Ariel Holzl, La Princesse sans Visage
T.1, 
Les Royaumes Immobiles, éditions Slalom

Après avoir adoré l'humour grinçant des Sœurs Carmines, j'ai profité de la tournée promotionnelle d'Ariel Holzl, organisée à l'occasion de la sortie de son tome 2, Le Règne des Chimères pour craquer pour cette duologie fort prometteuse des Royaumes Immobiles

Résumé:

Ivalie mène une vie solitaire dans son manoir perdu au milieu de la forêt. Abandonnée par son père le Roi Gris et soumise à une terrible malédiction l'obligeant à porter un masque car elle est une "Belle à Mourir" condamnant quiconque verrait son visage, elle ne sait rien de ce qu'il se passe aux alentours. Ainsi, elle ignore que le Roi Gris n'est plus et que son trône d'Automne est vacant depuis trop longtemps mettant en péril l'équilibre des Royaumes Immobiles. Or, pour y remédier, les autres monarques ont décidé de mettre en compétition des prétendantes au Sacre et elle en est l'héritière de par son statut de fille naturelle, elle se doit d'y participer pour tenter de sauver sa vie car quoi qu'elle décide, elle sera toujours une menace au pouvoir en place. C'est ainsi que l'on va la suivre dans ses épreuves en se demandant à chaque instant si elle va y survivre? 

Mon avis :

Avec La Princesse sans Visage, Ariel Holzl inaugure une duologie de fantasy dans laquelle il a construit un univers merveilleux constitué par quatre royaumes représentant chacun une saison. Ainsi, Radiance est le royaume de l'été, dirigé par la reine Solaire, Titania et qui est peuplé par les Leanans, Khald est le royaume de l'hiver, gouverné par la reine des Frimas, Mab et où résident les Elfyns et Sempervirente est le royaume du printemps occupé par les Sylphes et où règne la reine des Lambeaux, Oona. Enfin, Evergrey est le royaume de l'automne où vivent les Beansidhes et dont le trône est vide depuis la mort de son roi. Or, cette absence est facteur de désordres au sein des royaumes, nécessitant la nomination rapide d'un successeur, d'où l'organisation de cette compétition du Sacre. Un enjeu qui ne va pas manquer de donner lieu à de la rivalité, des coups bas, de la manipulation et des trahisons conférant immédiatement à ce texte une ambiance acrimonieuse et cruelle. 

En outre, l'auteur s'est largement inspiré du folklore européen pour donner corps à son monde. En effet, il met en scène des Sidhes, tirés de la culture gaélique dont il a conservé la nature facétieuse voire maléfique. Ici, ils détiennent le pouvoir et dominent la société bâtie par Ariel Holzl où l'on va retrouver également d'autres créatures du Petit peuple qui vont le plus souvent les servir, à l'image des Pixies, des Phookas, des Selkies ou encore des Ondines. Si les nobles Sidhes maîtrisent le Bel Art, le bas peuple des feys que l'on nomme communément "Bogling", lui, ne maîtrise que le Bas Art. L'Art est donc ici  une magie qui puise dans le Glimmer que l'être féérique modèle à sa guise pour réaliser tel ou tel prodige. 

01/08/2023

Ciel Pierlot, Bluebird, éditons ActuSF

Ciel Pierlot, Bluebird, éditons ActuSF 

Jeune plume de science-fiction, Ciel Pierlot publie un premier roman qui a immédiatement attiré l'attention puisque Bluebird a été dans la liste des recommandations du prix Locus en 2022 et est en lice pour le Compton Crook Award du premier roman. Voilà qui donne donc le ton quant à la qualité de ce texte. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Voilà trois ans que Rig a quitté précipitamment sa faction Pyrite avec les plans d'armes de destruction massive en poche qu'elle a elle-même inventées. Esprit brillant, cette Kashrini, flattée par l'intérêt qu'on lui portait, n'a pas réalisé de suite la portée de ses recherches jusqu'à ce que celles-ci soient au point. Alors pour contrecarrer les plans diaboliques de ces factions rivales qui mettent la galaxie à feu et à sang et racheter ses fautes, elle s'est associée à un groupe de résistants pour mettre à l'abri des victimes de cette impitoyable guerre. Pour autant, peut-elle réellement échapper encore longtemps à ses poursuivants ?

Mon avis :

Bluebird est un space opera dans lequel Ciel Pierlot a imaginé la galaxie être aux mains de trois factions rivales : Pyrite, Ossuaire et Ascétique. L'origine de cet univers prend sa source dans un mythe fondateur contant l'histoire d'une étoile tombée dans la galaxie d'où seraient sortis trois groupes d'humains qui se dispersèrent sur les différentes planètes après s'être partagés les restes de leur étoile. Sous le couvert de vénérer leurs dieux morts mais avec l'idée qu'un seul a survécu sans réussir à déterminer lequel, ils ont continué d'alimenter le conflit qui les opposait déjà sur leur étoile, ravageant ainsi les espaces colonisés en les noyant sous le poison. 

Ainsi, le contexte guerrier est posé. Il implique sans surprise des persécutions, de l'espionnage, des exécutions et des trahisons, mais aussi de la résistance et de l'opportunisme. Ainsi, Ciel Pierlot ajoute à l'échiquier des bataillons de dissidents surnommés les Oiseaux-nocturnes et un obscur groupuscule de mercenaires, répondant au nom d'Ombrevent. C'est donc au cœur de ce danger que l'on suit une Rig tentant d'aider les uns tout en essayant d'échapper aux autres. 

Propulsé dans une course poursuite, le space opéra qui naît sous la plume de Ciel Pierlot prend très vite la saveur d'une guerre des étoiles où l'on est ballotés de planète en planète en voyageant à bord d'un mythique vaisseau spatial.