02/03/2024

Jean-Laurent Del Socorro, Peines de Mots Perdus, éditions Argyll

Jean-Laurent Del Socorro, Peines de Mots Perdus, éditons Argyll 

Auteur d'historique fantasy comme il aime le préciser en interview, Jean-Laurent Del Socorro est assurément une plume montante de l'Imaginaire. Comme l'illustre sa bibliographie qui commence à être bien fournie, il s'essaye à tous les styles en s'adressant à tous les publics. 

Son nouveau roman Peines de Mots Perdus sort ce 1er mars chez Argyll. 

C'est un récit qui donne l'occasion à l'auteur de renouer avec ses héros de la première heure qui lui ont valu le succès de son premier titre, Royaume de Vent et de Colères

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je remercie Xavier et Simon pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Dans Peines de Mots Perdus, on retrouve une figure emblématique du Royaume de Vent et de Colères. Il s'agit d'Axelle de Thorenc que l'on va suivre à différents moments de sa vie. Ainsi, de capitaine de la compagnie de mercenaires du Chariot, elle devient chevalière de Saint-Germain. D'ailleurs, la voici à nouveau missionnée par le roi de France qui la charge de prendre la direction de l'Angleterre pour investiguer du côté d'une société secrète qui agit à l'ombre du pouvoir et s'intéresse d'un peu trop près à l'Artbon. Or, cela déplaît et inquiète en France, surtout de voir tomber entre les mains de la souveraine anglaise un puissant artefact venu du Nouveau Monde. Une enquête qui s'annonce déjà à haut risque pour Axelle alors la question qui fleurit sur toutes les lèvres est de savoir si elle va y survivre ?

Mon avis :

Comme dans ses trois précédents romans, Royaume de Vent et de ColèresLa Guerre des Trois Rois et Du Roi Je Serai L'Assassin, Jean-Laurent Del Socorro insère son récit dans une période historique troublée, propice à la conspiration et à la trahison. 

Il jette cette fois-ci son dévolu sur la scène politique anglaise de la fin du XVIe et début du XVIIe siècle. On est en plein règne d'Elisabeth Ire où le royaume d'Angleterre manque de peu d'être envahi par l'Armada espagnole et où la reine elle-même échappe à plusieurs complots. Mais l'ère élisabéthaine inaugure aussi l'épanouissement du théâtre anglais sous l'égide d'un certain William Shakespeare ou de Christopher Marlowe et on assiste aussi à l'essor des colonies anglaises au Nouveau Monde rendu possible par des aventuriers de la trempe de Francis Drake et de Walter Raleigh.

Or, Jean-Laurent Del Socorro va s'appuyer sur tous ces éléments qui vont lui servir de décor pour insérer les aventures d'Axelle de Thorenc. Ainsi, elle va d'abord intervenir pour le compte de l'Ecole de la Nuit. C'est une société secrète avec laquelle l'auteur a pris quelques libertés en lui prêtant un intérêt pour l'occulte et notamment tout ce qui touche à l'Artbon. Il y fait évoluer d'éminentes personnalités comme Walter Raleigh. Il est l'interlocuteur privilégié de la chevalière et intrigue beaucoup à l'ombre du pouvoir. En outre, de nombreux espions gravitent au sein de cette organisation et servent d'indices à Axelle pour mener à bien sa première mission de monte en l'air. Par la suite, elle est chargée d'élucider des meurtres en démasquant l'assassin, ce qui l'amène un virevolter dans les couloirs du pouvoir, notamment du côté du conseil privé de la reine, présidé par le très machiavélique sir Thomas Walsingham. Ainsi, Jean-Laurent Del Socorro joue avec une galerie de personnages historiques très riche qu'il manipule habilement pour servir son intrigue.

 

Mieux encore, il se sert du contexte hégémonique de l'Angleterre pour réintroduire la note merveilleuse qui donne tout le sel à ses romans. L'Artbon repointe donc le bout de son nez à travers la découverte de gisements dans la colonie de Roanoke et l'usage qui en est fait par les Natifs du Nouveau Monde. L'auteur en fait un enjeu de conquête en mêlant des ajouts fictionnels à des faits avérés. Jean-Laurent Del Socorro se montre très ingénieux dans ses choix et nous livre une uchronie extrêmement bien réussie. 

De plus, il ne pouvait pas faire l'impasse sur le théâtre qui a beaucoup diverti la société élisabéthaine. Ainsi, dans Peines de Mots Perdus, on croise la route de William Shakespeare et on goûte beaucoup à son œuvre, à travers des extraits de ses pièces et même un jeu de mots que l'auteur se permet sur l'intitulé de son propre roman qui renvoie au titre de l'une de ses pièces. Jean-Laurent Del Socorro pousse le clin d'œil plus loin puisqu'il a construit son récit à la manière d'une pièce de théâtre en trois actes avec un préambule pour chaque début consacré à la présentation des personnages présents. Il change de style pour continuer l'exploration de cet univers que l'on connait bien et que l'on apprécie. Ce qui renouvèle sans mal notre plaisir de lecture tout en permettant à l'auteur de tester un autre format d'expression.

Avec Peines de Mots Perdus, Jean-Laurent Del Socorro nous propose un récit de cape et d'épée au féminin que je trouve personnellement très réussi car fort bien mené. On y retrouve d'abord un protagoniste récurrent de ses précédents romans, Axelle de Thorenc. Comme on la suit à plusieurs années d'écart, on la voit évoluer. Elle occupe différents statuts en passant de capitaine d'une compagnie de mercenaires à chevalière de Saint-Germain en passant par aubergiste. Axelle est une fine lame au caractère bien trempé qui a su s'imposer aux hommes de son entourage. Pour autant, rien de fatal chez elle mais juste un équilibre entre force brute et bonté. Tout au long du récit, elle va être pétrie de doutes sur sa légitimité en tant que soldate, meneuse d'hommes, épouse et mère de famille. Cela la rend finalement très humaine et instaure une vraie proximité avec les lecteurs. Entre ces lignes, elle va se lier d'amitié avec des femmes exceptionnelles qui ont marqué leur époque. Il y a déjà Jane Anger, auteure de la fin du XVIe siècle, surtout connue pour son pamphlet : Protection pour les femmesSous la plume de Jean-Laurent Del Socorro, elle prend les traits d'une féministe acharnée pleine d'impétuosité et de fougue. elle tient la dragée haute aux hommes même de haute naissance et réussit à s'imposer là où les femmes ne sont pas tolérées afin d'accéder au même savoir que les membres du sexe opposé. Elle va être une alliée de choix pour Axelle même si elle a tendance à l'agacer. Ensuite, il y a Mary Triph, dit Mary la tire-laine, une pickpocket célèbre du crime organisé. On est de suite charmé par l'impertinence de cette femme qui s'affiche toujours en habits masculins, une pipe au bec. Elle s'impose sans mal comme la compagnonne idéale des coups d'éclat d'Axelle dans ce Londres inconnue de la Française. D'autres viennent lui prêter mains fortes mais autant vous laisser le loisir de les découvrir par vous-mêmes. 

Dans Peines de Mots Perdus, Jean-Laurent Del Socorro a pris le contre-pied de la société patriarcale de cette époque en permettant aux femmes de prendre leur revanche. Ici, la compagnie des Quarante-Cinq qui assure la protection du roi de France n'est composée que de femmes et non de mousquetaires. Fières combattantes, elle sont donc l'égale des hommes en prenant les armes au même titre qu'eux. Henri IV ou Louis XIII, tous deux n'ont pas un homme mais bien une femme de confiance. Ce récit porte une belle sororité entre les femmes qui se soutiennent mutuellement pour se sortir des situations les plus épineuses. Avec beaucoup de finesse, l'auteur questionne la féminité et la place de la femme en tant que mère, épouse et être humain dans une société intraitable à son encontre. En remettant en lumière ces femmes avant-gardistes, courageuses dans leurs convictions, Jean-Laurent Del Socorro rappelle le long chemin parcouru et que le combat est toujours en cours. Il signe à nouveau un texte empreint d'émotions fortes, riche de belles amitiés et de solides amours. Il y a des passages touchants, d'autres bouleversants surtout si on a lu ses autres livres et que l'on est déjà bien attaché aux protagonistes de la première heure. 

Pour conclure :

Décidément, Jean-Laurent Del Socorro est très bon dans sa casquette d'écrivain. Il nous continue de nous émerveiller avec cet univers dont il pousse l'exploration un peu plus loin à chaque livre.

Peines de Mots Perdus, c'est le juste dosage entre action et émotions pour un moment d'intense lecture. Lisez-le !

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, lisez l'avis d'Au Pays des Cave Trolls.

Informations

A lire sur le blog, mes avis sur Royaume de Vent et de ColèresLa Guerre des Trois RoisDu Roi Je Serai L'AssassinMorgane Pendragon et Boudicca

Jean-Laurent Del Socorro
Peines de Mots Perdus
9782494665095
289 pages
Editions Argyll

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire