27/02/2024

Gilberto Villarroel, Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées, éditions Pocket Imaginaire

Gilberto Villarroel, Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées
T.4,
 éditions Pocket Imaginaire 

Chez Pocket Imaginaire, le mois de février rime avec la publication du dernier opus, Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées de Gilberto Villarroel. Une série qui a su trouver son public en grand format aux Forges de Vulcain et qui continue d'émerveiller dans sa version poche. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Après leur escale dans l'archipel Juan Fernandez où Lord Cochrane et ses acolytes ont pu explorer l'île qui a retenu prisonnier si longtemps le corsaire Alexander Selkirk et ainsi découvrir et déchiffrer le message codé laissé par ledit marin. Il s'agit des coordonnées géographiques qui vont donner un nouveau cap aux aventuriers et les entraîner dans l'océan Austral, à l'assaut de l'Antarctique pour enfin savoir ce que cache le fameux trésor de Selkirk qui excite tant l'appétit vorace de certains pirates rivaux du lord Commandeur. 

Avec Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées, Gilberto Villarroel donne une conclusion à sa tétralogie. Le temps est donc aux révélations dans ce roman. Celles-ci sont d'ailleurs nombreuses car il s'agit, ni plus ni moins, de nous donner les clés de cet univers lovecraftien qu'il a imaginé pour l'occasion. C'est ainsi que l'on va suivre Lord Cochrane et quelques-uns de ses hommes sans oublier Maria Graham dans leurs pérégrinations au cœur des montagnes hallucinées. Les rencontres y seront donc nombreuses, à l'image de celle des Old Ones, les fameux grands anciens, divinités inventées par H.P. Lovecraft et transformées par Gilberto Villarroel en éminents scientifiques, concepteurs d'une technologie très avancée. Ils sont notamment les créateurs des Shoggoths, des monstres capables de changer de forme à leur guise, en prenant ici l'apparence des êtres vivants qu'ils rencontrent en aspirant leur essence. Or, l'auteur a fait coïncider la rébellion de ces Shoggoths contre leurs maîtres avec l'arrivée dans ce lieu de Lord Cochrane. Ainsi, pour le marin, le danger est omniprésent. Il vient de toutes parts car non seulement la compagnie doit affronter ces entités inconnues qui ont l'avantage de connaître le terrain mais ils doivent aussi faire face à l'ennemi juré de Lord Cochrane, Corrochano qui continue de marcher dans leurs pas et semble toujours avoir une longueur d'avance sur eux. 

Dans cette saga consacrée à Lord Cochrane, la plume de Gilberto Villarroel se montre très facétieuse et va jusqu'à nous proposer une mise en abyme de H.P. Lovecraft car l'écrivain prend ici les traits d'un collectionneur de Providence devenu fou après avoir lu le manuscrit de Maria Graham consacré à leur aventure au cœur des montagnes hallucinées et récemment ajouté à sa collection. 

Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées partage la même ambiance horrifique propre aux récits lovecraftiens qui met l'accent sur l'horreur de l'inconnaissable et de l'incompréhensible en donnant accès à des connaissances interdites et dangereuses poussant à la folie. Or, Lord Cochrane va y être largement exposé sans pour autant en perdre la raison puisqu'il choisit de renoncer à un trésor inestimable qui l'aurait aidé à racheter sa réputation mais seulement cela aurait été au détriment de la sauvegarde de l'humanité, d'où son désintérêt. 

En outre, Gilberto Villarroel emprunte également à la mythologie mapuche pour nourrir son univers. Ainsi, il fait référence dans son récit à l'affrontement entre les divinités Kai Kai et Treng Treng. Alors que le serpent de mer Kai Kai a décidé de noyer la terre sous un déluge par ses cris, celle-ci est sauvée par l'intervention du serpent divin, Treng Treng qui choisit de la faire trembler pour qu'elle s'élève au dessus des eaux. 

Tous ces éléments s'entremêlent au fil des pages pour donner au récit un cadre foisonnant et crédible qui s'ajoute harmonieusement au mythe de Cthulhu dont use habilement l'auteur. 

Cette saga maritime portée par la figure emblématique de Lord Cochrane revêtit également les atours du steampunk à travers les inventions, dont le bateau à vapeur, que l'auteur prête à l'amiral. Cela donne, d'ailleurs, une très belle esthétique au texte.

Fasciné par le destin hors du commun de ce marin incroyable, Gilberto Villarroel lui redonne toutes ses lettres de noblesse à travers chacun des quatre romans de sa saga. L'histoire est captivante et le temps s'écoule vite aux côtés de Lord Cochrane. Je vous conseille fortement de lire cette série à votre tour pour vous faire votre propre idée, sauf si c'est déjà fait. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mon avis sur Lord Cochrane et le trésor de Selkirk

Informations

Gilberto Villarroel
Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées
9782266340007
530 pages
Editions Pocket Imaginaire

Lien vers le site

23/02/2024

Stéphane Arnier, La brume l'emportera, éditions Mnémos

Stéphane Arnier, La brume l'emportera, éditions Mnémos 

Stéphane Arnier est un auteur français qui se plaît à bâtir des univers empruntant des formats différents. En 2015, il signe son premier roman, Le Déni du Maître-Sève qui remporte dans la foulée un concours d'écriture. Entre 2020 et 2023, il participe à la création de plusieurs jeux de rôle. 

Pépite de l'Imaginaire 2024 des éditions Mnémos, il est donc de retour avec un nouveau roman de fantasy qui s'annonce dès le pitch comme un gage d'évasion.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Keb Gris-de-Pierre est Dak, Maramazoe est Ta'moaza, deux peuples ennemis. Rien ne prédisposait ces deux êtres à s'entraider, mais c'est sans compter l'arrivée d'une brume vaporisant toute forme d'existence sur son passage qui va les y obliger. Pour autant, trouveront-ils une issue ou à défaut, une explication à cet inexorable phénomène mortifère ? 

La brume l'emportera est un roman de fantasy porteur d'une ambiance de fin du monde. En effet, Stéphane Arnier a donné vie à une brume qui avale les lieux et efface les vies qu'il a imaginées dans son roman. De fait, ce livre prend la saveur d'un postapo où la question de la survie est un enjeu majeur. L'univers est original. En outre, l'auteur y a infusé une magie surprenante. Celle-ci se manifeste de plusieurs manières. Ainsi, Keb a la capacité, en retenant sa respiration, de faire des bonds dans le passé. Cela a le double intérêt de lui permettre d'échapper, momentanément, à des situations périlleuses  et de comprendre ce passé, notamment sur les origines de la brume. Maramazoe, elle, a le don de tisser des liens de brume avec les êtres animés ou inanimés. Leurs deux pouvoirs se complètent car dans ce monde en ruine, ils leur permettent d'avancer en empruntant le passé. Cette magie prend sa source dans les mythes et les légendes des peuples mis en scène entre ces lignes. L'auteur s'inspire de la civilisation Maori, notamment pour la fonction des tatouages et les pouvoirs qu'ils confèrent. Il est également question de pierres d'obsidienne servant de bornes de passage et qui me rappellent étrangement les piliers d'Art présents dans la saga de L'Assassin Royal de Robin Hobb. Dans une interview accordée aux éditions Mnémos dans le cadre de la promotion de la sortie de ce roman, Stéphane Arnier relate ses pérégrinations en Nouvelle-Zélande. Or, justement en lisant La brume l'emportera, on ressent bien l'influence de la culture tribale et des paysages à couper le souffle sur son écriture. L'intrigue prend donc cadre dans un décor vertigineux multipliant les scènes spectaculaires qui vont régulièrement mettre les protagonistes à rude épreuve.

Maintenant que le décor est posé et qu'on n'y a pris nos marques, voyons les protagonistes d'un peu plus près. Dans La brume l'emportera, on fait donc la rencontre de Keb et de Maramazoe. Issus de deux tribus différentes, ils sont nés pour être ennemis et pourtant ils vont faire fi de leurs différences pour mener à bien leur quête. Alors que Keb est plutôt d'une nature bougonne et solitaire, Mara, elle, est solaire et toujours souriante face à l'adversité. Au fur et à mesure des chapitres, une alchimie va se tisser entre eux les rendant d'autant plus attachants à nos yeux. Elle est là pour retrouver sa fille, lui, c'est pour sa femme. Ils sont donc loin d'être prédisposés à incarner les sauveurs de ce monde et pourtant ils vont se dépasser pour réaliser des prouesses. Ils forment clairement un duo atypique mais pour lequel il est facile de ressentir une proximité tant ces deux-là sont vraiment très humains. Ils dégagent une vraie authenticité aussi bien dans leurs réactions que dans leurs émotions. Ils sont dépositaires d'une histoire bouleversante qui donne à ce récit une grande profondeur. On se laisse donc sans mal charmer par le charisme de cette chef de clan rejetée et touché par la détresse de ce berger abandonné des siens.

L'introduction de cette brume qui efface peu à peu l'humanité, qu'elle soit une conséquence naturelle ou non, donne à ce récit une portée écologique. En effet, avec cette nature qui se rebelle et qui menace le vivant, on ne peut que faire un parallèle, avec les bouleversements climatiques qui agitent notre quotidien, surtout lorsqu'il est question de déni et d'inertie de la population. D'autre part, Stéphane Arnier a mis le passé au cœur de son intrigue. Il y interroge notamment l'intérêt de pouvoir le modifier et les conséquences souvent imprévues qui ne manqueront pas de découler sur le présent. C'est donc l'occasion d'une introspection personnelle qui vise à mettre en lumière le poids des choix et donne ainsi tout son relief au texte. 

Enfin, La brume l'emportera est aussi une belle histoire d'amitié et d'amour où les émotions caracolent dans tous les sens. 

En librairie depuis le 21 février, je ne peux que vous recommander la lecture de cette pépite dont l'univers est bien travaillé et les destins contés sont très prenants. La brume l'emportera est un roman que vous n'êtes donc pas prêt d'oublier, croyez-moi !

Informations

Stéphane Arnier
La brume l'emportera
9782382671078
365 pages
Editions Mnémos

Lien vers le site

19/02/2024

Michael Moorcock, Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde, éditions L'Atalante

Michael Moorcock, Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde
éditions L'Atalante 

Grand auteur d'Imaginaire, Michael Moorcock a signé de nombreuses séries de fantasy et de science-fiction. D'ailleurs, on ne présente plus son héros Elric qui a marqué la culture populaire. Sa longue carrière littéraire a même été récompensée par les plus prestigieux prix : World Fantasy (2000), Utopiales et Bram Stoker (2004).

Or, en ce mois de février, les éditions L'Atalante ont décidé de rééditer l'un de ses textes, pioché dans sa vaste bibliographie et c'est le premier tome de sa saga Le Pacte de Von Bek qui a l'honneur d'être republié. Pour l'occasion, la maison d'édition a mis les petits plats dans les grands en glissant ce récit quelque peu oublié dans un très bel écrin, sous la forme d'un beau livre relié.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce magnifique service de presse.

Résumé :

Ulrich von Bek est capitaine d'infanterie et participe aux nombreux conflits qui déchirent l'Europe de son époque. Un jour, ses pas le conduisent à une forteresse abandonnée où lasse de la guerre, il décide d'y prendre un peu de repos. Le temps y semble suspendu, les lieux sont désertés par toutes formes de vie, y compris animale. C'est là que von Bek est surpris par une très belle jeune femme prénommée Sabrina qui est accompagnée par une bien étrange suite. Très vite, il succombe à ses charmes et en tombe profondément amoureux. Mais, ce qu'il ignore est qu'elle est l'émissaire de Lucifer qui souhaite lui proposer un pacte en échange du rachat de son âme et de celle de sa bien-aimée. Alors, acceptera-t-il cette étonnante proposition ?

Mon avis :

Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde s'insère dans un cadre historique très tourmenté puisqu'on est propulsé en pleine guerre de trente ans qui ravagea toute l'Europe de 1618 à 1648. Cette série de conflits armés est le fruit de la révolte des états Allemands protestants contre le catholicisme imposé par la lignée des Habsbourg d'Espagne et du Saint-Empire auxquels se sont adjoints d'autres puissances européennes par intérêt politique ou religieux. Voilà pour le contexte historique qui nous éclaire sur les motivations des protagonistes de ce livre. 

Quant à l'univers imaginé par Michael Moorcock, il puise largement dans la mythologie chrétienne, arthurienne et nordique. Ainsi, on va retrouver entre ces lignes la figure de l'ange déchu, Lucifer qui souhaite récupérer sa place auprès de Dieu et fait preuve d'humilité en chargeant un héros de trouver le mythique Graal afin de mettre fin à la douleur du monde. Cette quête rappelle bien évidemment celle des chevaliers de la Table Ronde qui, dans la geste arthurienne, s'y sont également attelés. Mais l'auteur table ici sur une inversion de paradigme puisqu'il fait de Lucifer l'initiateur de cette quête à la place de Dieu. 

Dans ce livre, on suit les pérégrinations d'Ulrich von Bek à travers un monde surnaturel ou non. En effet, il est amené à traverser le Mittlemarch où il multiplie les rencontres qui le conduisent peu à peu vers son objectif. Créature mythique à l'image du Grand Veneur, personnage légendaire connu pour hanter les forêts et qualifié par certains de personnification d'Odin ou mages, tous sont porteurs d'indices qui vont être nécessaires au personnage principal pour triompher de sa quête. En outre, il dispose d'artefact ou de potions assurant sa survie et un retour auprès de son maître.

Dans Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde, Michael Moorcock met en scène des protagonistes qui aspirent à la paix, à une vie sans peine et sans souffrance. Un comble au vu du contexte guerrier mais pourtant logique quand on cherche une réponse rationnelle au conflit. Par le prisme de son imaginaire, l'auteur met en lumière une approche scientifique pour répondre aux maux de l'humanité. La quête du Graal symbolise ici le triomphe de la raison sur l'irrationnel que représentent la croyance et le surnaturel même si le héros ignore encore quel usage en faire pour arriver à ses fins.

Avec Le Chien de Guerre et la Douleur du monde, on est sur un récit court et bien rythmé. Il est beaucoup question de spiritualité et de sauvegarde de l'âme à travers les réflexions intimes du personnage principal. Ulrich von Bek est un soldat qui a beaucoup ôté de vies au cours de sa carrière militaire. Or, cette mission va lui donner l'occasion d'interroger ses actes et ceux de l'humanité toute entière. C'est un personnage qui va beaucoup évoluer et sortir profondément changé de sa rencontre avec Lucifer. Il va être traversé par un certain nombre d'émotions qui vont ébranler sa froideur de soldat et le rendre ainsi plus intéressant à suivre.

Pour conclure :

Par cette réédition du Chien de Guerre et la Douleur du Monde, les éditions L'Atalante remettent en lumière un incontournable de l'Imaginaire qu'il faut avoir lu. Voilà de quoi donner l'occasion à la jeune génération de nourrir leur culture personnelle. Espérons que cette superbe version en appelle d'autres afin que chacun des volets de cette série ressorte de l'ombre. A suivre !

Fantasy à la Carte

Informations

Michael Moorcock
Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde
9791036001710
235 pages
Editions L'Atalante

Lien vers le site

14/02/2024

Pascale Quiviger, Les adieux, T.3, Le Royaume de Pierre d'Angle, éditions Folio SF

Pascale Quiviger, Les Adieux, T.3,
 Le Royaume de Pierre d'Angle
éditions Folio SF

En ce mois de février, les éditions Folio ont décidé de publier le troisième tome de l'excellente saga, Le Royaume de Pierre d'Angle de Pascale Quiviger. C'est une sortie que j'attendais avec impatience depuis que j'ai dévoré, l'année dernière, L'Art du Naufrage et Les filles de mai . C'est d'ailleurs une très belle découverte et l'une de mes sagas coup de cœur de l'année 2023.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Folio, je remercie Pascal Godbillon pour l'envoi de ce service de presse. 

Pour apaiser la Catastrophe et calmer le déchainement des éléments, Thibault et Ema ont dû payer un lourd tribut, en confiant leur fille à la forêt. C'est donc le cœur lourd qu'ils doivent continuer à vivre et surtout à gouverner un royaume profondément meurtri. D'autant que l'ombre de Jacquard plane toujours sur le trône. Celui-ci se fait un peu plus menaçant chaque jour car contrairement aux apparences, il rôde encore sur l'île. Alors est-ce que Thibault et les siens vont réussir à le mettre hors d'état de nuire une bonne fois pour toutes ? 

En dépit du long moment écoulé depuis la publication du tome 2, on se coule sans aucune difficulté dans cette suite grâce à la fluidité du texte et à la qualité de l'intrigue. 

Toute la tension accumulée dans les tomes précédents éclatent dans ce troisième volet sous la forme d'une machination à l'égard du règne de Thibault. Celle-ci est bien évidemment initiée par son frère Jacquard qui lorgne sur le pouvoir, mais Thibault va également goûter à bien d'autres traitrises. Le temps est donc au doute et à la suspicion car chaque visage de sujets fidèles ou d'amis proches peut potentiellement cacher un traître. Le texte est riche de nombreux renversements de situation et de rebondissements que l'on ne voit pas venir ou pire encore que l'on n'a pas envie de voir se réaliser. Mais une sombre prophétie plane sur ces lignes, on le sait car Pascale Quiviger a semé des indices, la mort est bien au bout du chemin. Seulement, la question qui reste en suspend est celle de qui ? 

La plume demeure enlevée et le rythme continue d'être nerveux. Tout est fait pour nous laisser frustré à la fin car en bonne conteuse, Pascale Quiviger connait son affaire. 

En outre, comme dans ses précédents romans, l'autrice continue d'enrichir son texte de thématiques variées. Ici, elle nous parle de la perte d'un enfant et notamment de la difficile reconstruction psychologique qui s'en suit. Néanmoins, elle aurait pu davantage s'appesantir sur son impact, la fragilité du couple et les fissures parentales. Elle ne fait que l'effleurer sans doute parce que cette série s'adresse en premier lieu à un jeune public. Les émotions véhiculées demeurent intéressantes : souffrance, chagrin, dépression. Or, les travailler davantage auraient donné encore plus de poignant à l'histoire surtout lorsque l'on est, comme je le suis, particulièrement attaché aux personnages.

Enfin, l'autrice a inclus tout un pan politique à son roman avec une remise en question du modèle de gouvernance. Le royaume de Pierre d'Angle est une monarchie qui se veut éclairée. Pourtant l'introduction d'un élément perturbateur sous la forme d'un livre subversif et interdit va ébranler le régime et beaucoup questionner le roi lui-même. Thibault se veut être un monarque juste et équitable. Pour rappel, il a pris le pouvoir non par calcul mais pour empêcher un despote de prendre la couronne. C'est une fonction qui lui pèse considérablement. Alors, il est immédiatement intéressé par cette proposition d'une autre gouvernance, tournée sur la représentation populaire. A travers son livre, Pascale Quiviger pointe donc les faiblesses d'un système qui peine à trouver l'équilibre et démontre les limites de l'utopie. 

Le Royaume de Pierre d'Angle, c'est un fabuleux récit tissé de complots et de mensonges, mais aussi de puissants sentiments. Il y a beaucoup d'amour entre ces lignes rendant cette histoire particulièrement addictive. Coup de cœur confirmé pour ce récit qui tient la route d'un bout à l'autre et où l'autrice nous maintient dans un suspense insoutenable jusque dans la conclusion en cliffhanger qu'elle réserve à chacun de ses tomes. L'attente s'annonce déjà intenable !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur L'Art du Naufrage et Les filles de mai.

Informations

Pascale Quiviger
Les adieux
T.3
Le Royaume de Pierre d'Angle
9782072999222
508 pages
Editions Folio SF

Lien vers le site

10/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames, T.3, Le Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames
T.3, Le Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

S'il y a bien un livre qui était très attendu en ce début d'année 2024 chez Les Moutons électriques, c'est bien la conclusion du cycle épique, Le Chevalier aux Épines de Jean-Philippe Jaworski. 

Venant de lire le tome précédent, Le Conte de L'Assassin, j'ai été fort aise de pouvoir directement enchaîner la suite. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Après l'échec de leur ambassade auprès de Ferbasach, le chef des Ouromands pour faire libérer contre une rançon Claudas de Kimmarc, Ædan de Vaumacel et ses amis preux retournent bredouilles auprès du comte Angusel. Face à cette impasse, le chevalier aux épines propose d'aller plaider la paix auprès de la duchesse de Bromael, récemment libérée et de son fils Méléagant de Vayre afin qu'ils unissent leurs forces à celles de Ganelon pour bouter l'ennemi hors de leurs terres. La mission s'annonce épineuse au vu des terribles antagonismes sans parler de l'intervention d'une sombre et ancienne magie qui pourrait bien faire échouer notre noble chevalier, qui sait !

Mon avis :

Changement de narrateur dans Le Débat des Dames puisque Jean-Philippe Jaworski délaisse à nouveau son célèbre assassin au profit du chevalier aux épines. Cela a pour conséquence directe de rebasculer le récit dans le cadre chevaleresque qui a marqué le début de ce cycle. Pour autant, l'ambiance n'est plus aux joutes pour laver l'honneur mais plutôt à la délicate question de la paix et de l'union. Entre ces lignes, Ædan de Vaumacel se fait le héraut de guerre chargé d'enterrer les désaccords familiaux afin de rétablir la cohésion au sein du duché de Bromael et ainsi de le sauver des griffes de l'ennemi. La cause est noble et louable mais sans doute un tantinet idéaliste car ce que le chevalier ignore est qu'il est surtout le pion de deux femmes dont les agissements prennent racines dans un passé lointain.

Le Débat des Dames est l'occasion pour Jean-Philippe Jaworski de démêler tous ses fils narratifs, y compris ceux initiés dans Le Service des Dames. Ainsi, les intrigues prennent tout leur sens, notamment par le truchement des révélations sur les nombreux mystères qui courent tout au long de ces trois tomes. 

Dans ce dernier opus, l'auteur laisse l'onirisme s'épanouir plus généreusement. Il lève donc le voile sur l'origine des magies qui sont à l'œuvre dans cet univers. En effet, Jean-Philippe Jaworski joue à la fois sur la figure de l'enchanteresse qui ensorcèle le chevalier pour servir ses desseins et sur l'utilisation d'une sombre magie ayant trait avec la mort, la nécromancie. Or, tout au long de ce tome, ces deux pouvoirs rivalisent pour écraser l'autre, quitte à se servir sans vergogne de certains protagonistes au mépris de leur vie. L'existence de ces pouvoirs s'appuie sur un historique solidement construit et nourrie par de nombreuses influences lui donnant intérêt et cohérence. C'est la valeur ajoutée qui donne à ce récit tout son sel en mettant notamment en relief les nombreuses intrigues. 

Pour conclure :

L'histoire du Chevalier aux Epines a su piquer ma curiosité dès les premières pages. Celle-ci se révèle, d'ailleurs, sur un temps long car Jean-Philippe Jaworski fait beaucoup de digressions dont on comprend pleinement le sens qu'à la toute fin de ce présent roman. En outre, l'auteur excelle à créer une ambiance médiévale crédible et immersive, ce qui est un atout indéniable à la saga. Enfin, la conclusion qu'il a réservé à sa trilogie est pour le moins surprenante où de nouvelles pistes d'exploration sont esquissées. On reste donc un peu sur notre faim sur certains points. Alors, on se donne donc rendez-vous au prochain épisode, car c'est sûr, il n'en a pas encore fini avec son vieux royaume.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog Le Tournoi des Preux (T.1), Le Conte de L'Assassin (T.2) et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Débat des Dames
Tome 3
Le Chevalier aux Epines
9782361838850
521 pages
Editions Les Moutons électriques

Lien vers le site

06/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin, T.2 du Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin,
 t.2 du Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

A l'heure où la campagne Ulule pour la réédition de Gagner la Guerre et de Janua Vera a été couronnée de succès et où le final tant attendu du Chevalier aux Epines vient d'être publié, je me replonge enfin dans cette saga en lisant le tome 2. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Dans Le Conte de L'Assassin, Benvenuto Gesufal est chargé d'accompagner la délégation ciudalienne jusque dans le duché de Bromael pour apporter la dote conséquente de Clarissima Ducatore et pour l'occasion, il est nommé Grand Argentier. La mission ne lui plait guère car il est toujours en froid avec la donzelle, d'autant que le Podestat lui a expressément demandé de lui passer tous ses caprices et de se réconcilier avec elle. Alors Benvenuto le sait, il va morfler mais ce qu'il ne sait pas, c'est jusqu'à quel point car la délégation va débarquer en plein drame familial. En effet, pour épouser Clarissima, le duc de Bromael a répudié sa femme et l'a exilé dans un couvent, ce qui lui vaut l'animosité de deux de ses fils. Alors que la guerre gronde avec les Ouromands, il doit laver son honneur et prouver sa valeur dans un tournoi l'opposant à ses fils et à ses partisans. Alors quel rôle Benvenuto Gesufal jouera-t-il sur cette scène politique délicate ? 

Mon avis :

Dans Le Conte de L'Assassin, le célèbre personnage de Gagner la Guerre, Benvenuto Gesufal reprend officiellement du service. Aussi, il récupère son rôle de narrateur principal et s'en vient nous conter par le menu sa vision des faits qui se sont déroulés lors du Tournoi des Preux, sans omettre les évènements qui l'ont précédé et suivi. Avec sa réapparition, Jean-Philippe Jaworski casse volontairement l'ambiance chevaleresque de sa saga. En effet, sa gueule cassée et sa gouaille détonnent dans le décor policé d'une cour de gentilshommes et de gentes dames. Le but recherché est de renverser les codes et pimenter ainsi le récit. L'objectif est atteint car on en oublie vite les sérénades contées précédemment entre chevaliers et nobles dames pour laisser la place aux meurtres commis à la dérobée et à un certain désordre.

Comme à son accoutumée, Jean-Philippe Jaworski malmène son personnage principal, d'autant qu'il l'envoie en terre inconnue où il est un étranger, autrement dit un homme facilement identifiable qui ne peut donc pas disparaître dans l'ombre. Autant vous dire que cette mission est une vraie chausse-trappe pour notre célèbre assassin qui se retrouve mêlé bien malgré lui à des intrigues initiées par le Podestat en personne mais à la finalité incertaine. 

Ainsi, la venue de Benvenuto donne un nouvel éclairage au récit du Tournoi des Preux. La visée de chaque protagoniste est plus clair et le récit, tellement plus captivant. Pour autant, si l'on croit tout savoir de l'issue de cette histoire, notamment à propos de l'affrontement entre Ædan de Vaumacel et Benvenuto Gesufal, la conclusion proposée par Jean-Philippe Jaworski promet d'être surprenante. 

Si l'auteur a parsemé sa série de motifs médiévaux tels le conflit de loyauté, les rivalités amoureuses ou l'infâmie, il a su moderniser le genre en y ajoutant sa touche personnelle, à travers son personnage irrévérencieux qui vient secouer les normes et dispenser le grabuge nécessaire aux desseins hégémoniques et machiavéliques de son commanditaire.

Personnellement, j'ai pris un grand plaisir à me plonger dans Le Conte de L'Assassin, notamment parce que la grande figure de Gagner la Guerre y reprenait place. J'apprécie tout particulièrement le travail réalisé par Jean-Philippe Jaworski sur son personnage principal. Benvenuto Gesufal est ce que l'on qualifie d'anti-héros. Ici, il est même l'antithèse du chevalier. L'auteur a donc pris le parti de placer le méchant en tête d'affiche de son histoire. Mercenaire et assassin, il annonce d'emblée la couleur et brise l'archétype du héros de fantasy. Pour autant, est-il le seul monstre du récit ? En le plaçant aux côtés de chevaliers, prêts à relever le gant et se défier lors des tournois, Jean-Philippe Jaworski démontre aussi que Benvenuto Gesufal n'a pas le monopole de la forfaiture et de la félonie, au regard des mensonges, de la traîtrise, du parjure et de l'adultère dans lesquels se compromettent certains galants. En outre, l'auteur ne lui donne pas pour autant de blanc-seing. En effet, ce n'est pas parce qu'il en fait son héros qu'il cautionne ses actes répréhensibles. D'ailleurs, dans ce roman, il va souvent le confronter au doute et à la peur. Benvenuto Gesufal est un homme vieillissant, donc forcément diminué face à la vitalité de la jeunesse de ses adversaires. Or, lui, le grand assassin sûr de lui, va goûter à l'échec et à la débâcle. Espiègle, Jean-Philippe Jaworski a encore une fois décidé de jouer avec son protagoniste en invitant la diablerie à être de la partie. Le résultat est assez cocasse et plein d'auto-dérision pour notre mécréant, ce qui ajoute une pincée de sel à la lecture. 

En lisant Le Chevalier aux Épines, on sent le goût de son auteur pour l'Histoire médiévale. L'ambiance et le décor n'en sont que plus immersifs. La richesse de la langue et du vocabulaire sont au rendez-vous pour retenir captifs les lecteurs. 

Pour conclure :

Complètement charmée par le talent indéniable de conteur de Jean-Philippe Jaworski, je ne peux que vous inviter à succomber à votre tour à cette voix incontournable de la fantasy française.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Le Tournoi des Preux et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Conte de L'Assassin
T.2
Le Chevalier aux Epines
9782361838515
518 pages
Editions Les Moutons électriques

Lien vers le site