21/02/2020

Elodie Serrano, Cuits à point, collection Bad Wolf, éditions ActuSF

Nouvelle moisson de talents chez les Indés pour cette édition 2020 des pépites de l'Imaginaire. Côté ActuSF, on retrouve la plume d'Elodie Serrano avec un roman inédit, Cuits à point. C'est dans la collection Bad Wolf que ce dernier est publié. Je remercie Jérôme Vincent et les éditions ActuSF pour l'envoi de ce service de presse. 

Triés sur le volet, les livres édités sous ce label sont soigneusement sélectionnés. Alors on n'est pas surpris d'y retrouver les éléments qui font la force de Bad Wolf : intrigue enlevée, personnages hauts en couleurs et brin de légèreté. 

Cuits à point réunit tout cela et même plus encore. Elodie Serrano nous met dans les pattes d'un duo de démystificateurs régulièrement appelé pour démêler des affaires touchant au surnaturel. Enfin, il s'agit surtout pour eux de prouver l'arnaque là-dessous. Pour l'heure, c'est à Londres qu'ils doivent se rendre via un dirigeable afin d'élucider le mystère de cette canicule qui s'est abattue sur la capitale britannique en plein mois de février. Mandatés par le parlement des Lords, ils devront s'associer à un homologue anglais dont les convictions différentes pourraient bien ébranler les leurs. Cause naturelle ou surnaturelle, à eux de le découvrir. 

Sous le couvert d'une investigation à mener, Elodie Serrano évoque finalement une problématique très actuelle : l'urgence climatique. En effet, les causes de ce coup de chaud inopiné, c'est bien le fond du problème que doivent résoudre nos héros. Et même si l'autrice l'aborde avec beaucoup de dérision, surtout quand on en découvre les raisons, cela ancre bien sa fiction dans notre contemporanéité. 

Un mot sur les héros que nous brosse l'autrice. Elle a pris le parti de réunir un Français bougon et une Italienne exubérante. Le résultat est explosif et franchement drôle. Gauthier Guillet est si vieille France, si collet monté qu'il apporte malgré lui la touche de légèreté à ce roman. Renfrogné, querelleur, avec lui tout est sujet à chamaillerie comme en fera les frais l'Anglais qui vient leur prêter main forte dans cette enquête. Quant à Anna Cargali, elle est une héroïne rayonnante, toujours de bonne humeur et ne manque pas d'initiative. Elle fait même fi des convenances de son époque lorsque cela est nécessaire pour mener à bien ses missions. Passionnée comme le sont les Italiens, elle ne s'en laisse jamais compter. A eux d'eux, ils sont l'étincelle contribuant à rendre ce livre encore plus addictif. Mais, j'avoue apprécier également le flegme d'Anton Lloyd qui tient la dragée haute à Gauthier. Tout personnage secondaire qu'il est, il tient autant sa place que les deux autres.

Cuits à point ne manque pas de points forts comme l'univers dépeint. Je partage avec Elodie Serrano le même faible pour l'époque victorienne qui est propice à l'épanouissement d'une fantasy saupoudrée d'une touche "steampunk". D'ailleurs, d'autres auteurs aiment aussi y faire éclore leurs propres histoires comme Alex Evans et son roman, La Machine de Léandre dont je vous ai déjà parlé sur le blog. L'esthétisme que dégage cette époque donne à l'aventure son caractère passionnant. 

Voici une pépite de l'Imaginaire qui se lit d'une traite et se révèle comme un gros coup de cœur.  

Fantasy à la Carte

Découvrez l'avis des Carnets d'une Livropathe

Elodie Serrano
Cuits à point
Collection Bad Wolf
296 pages
978-2-37686-237-6
Editions ActuSF

18/02/2020

Guy Gavriel Kay, Tigane, éditions L'Atalante

Les éditions L'Atalante se sont illustrées en éditant des grands noms de l'Imaginaire. Parmi eux, il y a la plume de Guy Gavriel Kay qui est devenue, au fil du temps, incontournable pour les amateurs de fantasy historique. 

Auteur à succès, Guy Gavriel Kay voit, depuis quelques années, ses romans être réédités dans une nouvelle traduction chez L'Atalante. C'est ainsi que son second livre, Tigane est ressorti en librairie en 2018. Je remercie Emma des éditions L'Atalante pour l'envoi de ce nouveau service de presse qui me permet de continuer mon exploration des œuvres majeures de cet auteur. 

L'écriture de ce livre marque un tournant dans la carrière de Guy Gavriel Kay. En effet, après avoir écrit une première saga d'une fantasy très classique avec La Tapisserie de Fionavar, il s'est tourné vers l'épopée fantastique. Pari osé pour cet auteur qui a cherché très vite à se démarquer de ses homologues. Même s'il refuse d'écrire des cycles fleuves, l'ensemble de ses œuvres demeurent tout de même très denses. Il prend son temps pour planter le décor de chacun de ses livres et cela se ressent à la lecture. Tigane en est un bel exemple puisque le récit se raconte en 765 pages. 

On y suit une communauté de personnages qui, chemin faisant, se rejoignent pour mener à bien une belle et noble quête. La Palme est une péninsule qui s'est vue des années auparavant conquise par deux puissants sorciers. Tombées sous le joug de ces deux tyrans, les provinces-états qui composent cette péninsule ont perdu toute liberté. Pire encore, l'une d'elle, La Tigane, a même perdu son identité. En effet, en représailles de la mort de son fils, le mage Brandin d'Ygrath a souhaité la châtier de la pire des manières en effaçant son nom de la mémoire de tous. Pourtant une poignée d'hommes et de femmes se souvient. Parmi eux, le prince héritier Alessan de Tigane souhaite venger la disparition des siens et retrouver sa province. C'est dans cette quête que lui et quelques-uns de ses amis se lancent afin de reconstruire La Tigane et libérer La Palme toute entière. Seulement, anéantir deux sorciers n'est pas chose aisée surtout lorsque cela doit impérativement se faire simultanément. 

Inspiré de l'Italie de la Renaissance, on retrouve dans la gestion des cités-états qui composent La Palme un peu de l'influence des Médicis lorsque cette puissante famille exerçait son pouvoir en son temps. 

En suivant les pérégrinations d'Alessan et ses compagnons qui cherchent à rallier chaque province à leur cause, on explore une terre meurtrie, tout comme on rencontre des personnages résignés ou revanchards. Tous ont la même ambition de voir les tyrans tombés même si personne n'ose réellement y croire. 

Guy Gavriel Kay se fait l'auteur ici d'un grand récit d'aventure dont l'enjeu n'est pas des moindres puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de la reconquête de sa liberté et de son identité. Il met en lumière l'importance de connaître ses racines, faute de quoi, celui qui en est privé est condamné à un profond mal-être. 

Une histoire menée par une poignée de héros tous plus attachants les uns que les autres. A travers leurs regards différents, ils nous permettent de prendre la mesure de l’horreur que vivent ces peuples déracinés ou envahis par des nations conquérantes. 

Guy Gavriel Kay est un conteur-né qui nous entraîne avec une grande facilité dans ses histoires. C'est une plume que l'on prend plaisir à lire. Même si le livre est épais, cela n'est en rien un obstacle à la lecture, bien au contraire !

Finalement, passés les premiers chapitres, Tigane devient vite un roman très immersif dont on a juste envie de connaître le dénouement. 

Fantasy à la Carte
Retrouvez les avis du Monde d'Elhyandra  et de Just A Word.


Guy Gavriel Kay
Tigane
Editions L'Atalante
A lire aussi sur le blog mon avis sur Voile vers Sarance

11/02/2020

Nnedi Okorafor, Kabu Kabu, éditions ActuSF

Janvier aura été dédié à Nnedi Okorafor chez ActuSF. Après Qui a peur de la mort ? c'est au tour de Kabu Kabu d'être mis en lumière. Je remercie d'ailleurs les éditions ActuSF pour ce second partenariat sur cette autrice. 

C'est une oeuvre dense réunissant 21 nouvelles qui, par le prisme de l'Imaginaire, explore les nombreux visages de l'Afrique.

Américaine, d'origine Nigériane, Nnedi Okorafor rend hommage à la terre de ses ancêtres et à sa propre histoire à travers la multitude de récits qui viennent nourrir ce recueil. 

Il démarre sur les chapeaux de roue en nous embarquant dans un Kabu Kabu, autrement dit un taxi clandestin qui conduit Ngozi dans un étrange périple. Alors que la jeune femme espère juste attraper son vol pour arriver à temps au mariage de sa sœur au Nigéria, elle ne se doute pas des étranges rencontres qui l'attendent. Un voyage au cœur des légendes africaines qui ne sera pas exempt de turbulences. Avec cette première nouvelle, on réalise combien Nnedi Okorafor se plaît à explorer les coutumes et les croyances de ce continent qui s'avèrent propices à tricoter des récits baignés de touches fantastiques. 

La magie imprègne autant ses histoires que la culture africaine. Elle aime par exemple doter ses héros et ses héroïnes de capacités hors-normes. Revient, d'ailleurs, souvent celle de voler comme dans "Comment Inyang obtint ses ailes" dans laquelle la jeune Inyang se découvre un destin de coureuse de vent qui lui vaut l'opprobre de son village et finit par l'obliger à fuir. Un don partagé par d'autres personnages comme Asuquo dans "Les vents de l'harmattan" qui vole en secret avec l'espoir caché au fond de son cœur de trouver son chi, son âme-sœur.

Mais Nnedi Okorafor n'oublie pas de nous parler également des grandes blessures de l'Afrique. C'est le cas avec "Biafra" qui, comme ce titre l'indique, va évoquer cette terrible guerre civile qui a ravagé le Nigéria. Ainsi, on survole le pays en compagnie de Arro-yo. Elle retrouve avec effroi et impuissance sa terre natale détruite par une guerre de territoire : inévitable lorsqu'on s'octroie le droit de voler la terre de ses voisins. Une indépendance qui se gagne au prix du sang de milliers d’innocents. Quant à la nouvelle "Popular Mechanic", elle met l'accent sur la surexploitation des terres et des peuples, ainsi que sur le pillage des richesses pour le profit des plus riches, au détriment des locaux. 

Finalement, l'autrice s'épanouit dans tous les genres et imagine aussi bien des textes mâtinés de fantastique que de science-fiction. Ainsi, dans "L'artiste araignée", il est question de zombies surveillant les pipelines de pétrole mais qui s'avèrent être en réalité des robots développés par l'intelligence artificielle, capables de rentrer en communication avec l'humain tout en développant une vraie sensibilité artistique. 

A la lecture de ce recueil, on prend conscience que beaucoup de ses nouvelles donnent la parole à des héroïnes fortes et combatives. Dans une société aux mentalités encore archaïques, Nnedi Okorafor fait entendre ici son féminisme pour redonner aux femmes la place qu'elles méritent. 

Kabu Kabu, c'est un patchwork de récits puissants qui rend à l'Afrique toute sa beauté sauvage tout en dénonçant la sauvagerie et la cruauté de ce que la tyrannie capitaliste peut engendrer. 

Avec ce livre, Nnedi Okorafor démontre avec force toutes ses qualités de conteuse. On se glisse dans la peau de chacune de ses héroïnes et de chacun de ses héros avec une grande fluidité. Elle signe des textes qui dégagent une grande sensibilité et réussit à nous tirer bien des larmes.

Fantasy à la Carte
Sur la blogosphère, découvrez l'avis du Monde d'Elhyandra

Nnedi Okorafor
Kabu Kabu
400 pages
978-2-37686-229-1
Editions ActuSF
A lire aussi sur le blog mon avis sur Qui a peur de la mort ? 


07/02/2020

La geste médiévale s'invite à Grésimaginaire


L’imaginaire aime bien poser ses valises, tout au long de l’année, un peu partout en France. Fantasy à la Carte a pris l’habitude de vous parler de ces rendez-vous annuels qui réunissent des milliers de passionnés ou de curieux.

Pour sa quatrième édition, le salon du livre Grésimaginaire se prépare à faire son grand retour. Situé en Isère, ce festival réunit, tous les deux ans, les auteurs, les illustrateurs et les éditeurs de SFFF.

Fruit de la passion de copines qui souhaitaient mettre à l’honneur le fantastique dans leur région, voilà comment l’association Grésimaginaire est née, un beau weekend d’avril 2014.

Cette année, il aura pour invité d’honneur, une plume montante de la fantasy, celle de Grégory Da Rosa. Impossible de passer à côté du panache de son célèbre personnage, le sénéchal Philippe Gardeval. Personnellement, j’ai adoré sa trilogie au suspense implacable, alors ça fait plaisir de le retrouver mis en avant lors d’un tel événement. Et avec lui, c’est tout le médiéval fantastique qui est mis en avant pour cette nouvelle édition.

Bien entendu, ce sera une belle occasion de multiplier les rencontres auprès d’autres noms qui font vivre ces littératures SFFF. Je dois dire que le comité d’accueil donne particulièrement envie de s'y rendre avec la présence, par exemple, de Lionel Davoust, Estelle Faye, Morgane Caussarieu, Jean-Laurent Del Socorro, Vincent Tassy, Floriane Soulas ou encore Jean Vigne. Tous ont répondu à l’appel. Et je vous confirme qu’il y aura de quoi contenter les envies de lectures de chacun car ils seront une cinquantaine d’auteurs présents au total.

Certains animeront d’ailleurs des tables rondes avec au programme, le samedi, une consacrée aux héroïnes/héros malgré elles/eux avec Lionel Davoust, Morgane Caussarieu, Jean Vigne et Aurélie Wallenstein, et le dimanche, il faudra compter sur une table ronde thématisée sur la Fantasy, fille illégitime de l’histoire avec Grégory Da Rosa, Lionel Davoust et Floriane Soulas, et une autre sur la sorcellerie.

C’est un bel événement labellisé par les éditeurs qui ont donné les lettres de noblesse à l’Imaginaire et qui seront bien évidemment sur place comme Mnémos, ActuSF, Rivière Blanche, Le Chat Noir, Le Héron d’Argent, les éditions du Petit Caveau ou encore Livr’S éditions. 
Et comme à chaque fois que l’on se balade dans de tels festivals, on y rencontre aussi pour notre plus grand plaisir des illustrateurs de talent. Grésimaginaire n’échappera pas à la règle avec la présence de sept d’entre eux.

En amatrices de jeux, les organisatrices n’ont pas oublié de les convier à l’événement avec la possibilité de s’inscrire à un JDR et/ou de participer à différentes parties de jeux de société. Un espace sera prévu à cet effet.

Musiques et danses seront également de la partie avec notamment des représentations tout le weekend de la troupe Excalibur.

Avec un tel programme, cette nouvelle édition s’annonce déjà sous les meilleurs auspices.

 Salon du livre Grésimaginaire
4 & 5 avril 2020
9H-17H
Salle La Marelle
Crolles

04/02/2020

Guillaume Coulaty, Affaires de Familles, tome 2, La Guerre des Maisons, éditions Les Presses Littéraires

Pirates des Trois Mers nous avait laissés sur notre faim alors retrouver la jeune plume de Guillaume Coulaty ne manque pas de charme ni d'intérêt. Je remercie Les Presses Littéraires pour l'envoi de ce service de presse. 

Avec un premier roman baigné d'intrigues et de coups fourrés, on imagine une suite écrite dans la même veine.

Ainsi, dans ce tome 2, on renoue avec Karplesch qui s'est forgé une belle réputation de redoutable pirate. Seulement naviguer sur les Trois Mers ne l'a pas pour autant mis à l'abri. A force d'échapper aux tentatives d'assassinats perpétrées par différentes guildes, il pourrait bien finir par y rester. Il a bien conscience que son salut va dépendre de son retour réussi au Fertoslhon auprès de sa famille. Mais ce n'est pas plus glorieux du côté des Farge qui connaissent une lutte intestine et une guerre ouverte avec la famille Delorë depuis l'assassinat de leur héritier. C'Leenë, la petite sœur de Karplesch est accusée du meurtre. Elle est victime d'une machination qui la dépasse. Or, si Karplesch arrive à rallier les siens, il risque de tomber dans une situation encore plus explosive.

Avec Affaires de Familles, Guillaume Coulaty recentre son intrigue autour des rivalités familiales, ainsi que des complots et des trahisons qui en découlent. En effet, en retournant chez eux, les enfants Farge sont l'étincelle qui rallume la guerre avec leur opposant, les Delorë mettant à feu et à sang la capitale de Ballyenone. 

L'auteur délaisse donc l'exploration des Trois Mers avec ses ports, ses îles, ainsi que la vie de pirate pour partir à l'assaut de la terre ferme. On parcourt le Fertoslhon avec l'effervescence de ses grandes villes, fiefs des familles les plus puissantes. 

Changement de décor, changement d'ambiance pour Karplesch qui va devoir assumer son héritage. Une leçon qui va d'ailleurs s'apprendre au prix du sang. 

Guillaume Coulaty signe un roman aux multiples rebondissements. Les têtes tombent dans ce livre si bien que l'on ne sait pas qui va jouer le prochain coup. 

Sa plume est habile pour nous proposer un récit haletant. Il s'est inspiré des cours royales dans lesquelles on se débarrassait fréquemment de ses rivales à coup de poison ou d'épée pour écrire sa propre saga d'une fantasy qui s'avère finalement aussi épique que sanglante.

A l'image du premier tome, ce second volet se laisse lire. On est finalement pris au jeu par ce récit mené tambour battant que l'on n'a pas envie d'en perdre une miette.

Fantasy à la Carte
A lire aussi sur la blog, mon avis sur Pirates des Trois Mers

Guillaume Coulaty
Affaires de Familles
Tome 2
La Guerre des Maisons
Les Presses Littéraires