04/11/2022

Wayne Barrow, Bloodsilver, éditions Mnémos

Wayne Barrow, Bloodsilver, éditions Mnémos

Pour ce Mois de l'Imaginaire, les éditions Mnémos ont fait les choses en grand en proposant une très belle version collector de Bloodsilver de Wayne Barrow

Sacré grand prix de l'Imaginaire en 2008, les lecteurs du genre ne bouderont pas leur plaisir de découvrir ou de redécouvrir ce livre qui a su marquer son époque.

Sous le pseudonyme de Wayne Barrow se cachent deux plumes françaises incontournables des littératures de l'Imaginaire : Xavier Mauméjean et Johan Heliot qui ont décidé de joindre leur talent pour ce projet d'écriture commune. Avec Bloodsilver, les auteurs ont relevé le défi d'écrire à quatre mains une oeuvre qui vient enrichir chacune de leur bibliographie déjà bien foisonnante. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Nathalie Weil pour l'envoi de ce service de presse. 

Seize nouvelles sont au programme de ce recueil et s'attachent à retracer les grandes étapes de la construction du Nouveau Monde en s'intéressant tout particulièrement à la Conquête de l'Ouest. 

Mon avis :

Bloodsilver est donc une uchronie fantastique dans laquelle les vampires se sont invités au casting et ce dès la première nouvelle, "Nouveau Monde", qui donne d'emblée le ton à l'ensemble du livre. En effet, on y rencontre un individu se faisant appeler le Grec qui vient témoigner du massacre dont a été victime son village après le naufrage d'un bateau venant du vieux continent. Dans ce village indien, nul n'a vu venir le danger de la part de ces naufragés que tous croyaient bel et bien morts. Erreur fatale pour cette petite communauté qui va payer le prix du sang, excepté le Grec, seul survivant de ce génocide. Or, c'est avec un désir de vengeance chevillé au corps qu'il va prendre la route pour traquer ces créatures de la nuit et se joindre à la communauté de chasseurs fondée par un certain Cotton Mather. 

Célèbre pasteur qui s'est illustré lors des procès des sorcières de Salem et que l'on retrouve présentement dans cette ville maudite du Massachusetts pour "Le Jour du Jugement". Première étape pour cet homme de foi qui s'est donné pour mission de purger le malin véhiculé par ce convoi considéré comme maléfique et engagé sur la route de l'Ouest. 

Quoi de mieux que des hors-la-loi, têtes brûlées à la gâchette facile pour rejoindre les rangs de ces chasseurs hors-normes à l'image d'un certain Doc Holliday, de Jesse James, des frères Dalton ou encore de Billy the Kid. Justement la nouvelle "Kid Caesar" est consacrée aux frasques du jeune Billy qui l'ont bien des fois conduit à la prison. Or, c'est fraîchement amnistié qu'il s'engage dans la traque de ces ombres aux dents longues, au moins pendant tout le temps qu'ils étaient considérés comme ennemis de l'Etat. 

Plus que de s'insinuer dans le paysage, ces derniers s'imposent peu à peu dans le destin politique du pays. Ils ont la faveur de certains présidents à l'image de Thomas Jefferson qui ordonne la fondation de Silver City comme zone franche où les chasseurs doivent cohabiter avec les vampires, appelés ici les brookes. Plus tard, Abraham Lincolm prononcera un discours de tolérance en faveur de ces brookes. Enfin, Théodore Rossevelt permettra à un état brooke de voir le jour à Bloodsilver comme en témoigne la nouvelle "Silver City" à travers les souvenirs d'un certain Samuel Clemens, plus connu sous le pseudonyme de Mark Twain qui n'aura de cesse d'empêcher l'avènement de cet état au risque de se faire tuer. Une quête qu'il a entamé très jeune puisque dans "La part d'ombre", il est déjà à l'oeuvre à forger la légende d'un jeune homme que ses écrits ont transformé en héros luttant contre la menace vampirique. Mais, il n'est pas bon d'attirer leur attention, d'ailleurs lui-même en fera les frais tout au long de sa vie. 

A travers Bloodsilver, Xavier Mauméjean et Johan Heliot revisitent avec beaucoup de talent les grands moments de la conquête de l'Ouest en s'appuyant sur les destins d'hommes et de femmes devenus légendaires qu'ils confrontent bien volontiers au surnaturel. 

L'ambiance western qui sied si bien à cette période charnière de l'Histoire des Etats-Unis d'Amérique, s'entremêle habilement avec le fantastique pour nous livrer un patchwork de morceaux choisis au goût acre de la poudre et métallique du sang. 

Il est vrai que le destin de l'Amérique s'est surtout écrit grâce aux armes à feu qui ont très vite donner au pays son hégémonie. Celles-ci sont omniprésentes dans chacune des nouvelles avec des protagonistes qui ont un rapport particulier avec elles, souvent fusionnel, voir totalement dépendant. Or, la nouvelle "La Veuve Noire" met en lumière le destin de la famille Winchester qui s'est enrichie grâce à l'industrie de l'armement et dont les armes légères ont précocement mis fin à la vie de bien des Américains. Or, ne supportant pas la perte de sa fille et de son mari, Sarah Winchester s'était mise en tête de construire un manoir pour accueillir toutes les âmes emportées par ces satanées pétoires. Johan Heliot et Xavier Mauméjean ont puisé allègrement dans le mythe entourant cette femme pour lui brosser une vie fantasmagorique, quitte à forcer le trait. Une manière de remettre au cœur du débat la problématique de l'armement en libre-service pour tous et des conséquences funestes qui lui sont inhérentes. 

  

Finalement, sorti des frontières de la vieille Europe, le vampire s'acclimate bien aux contrées sauvages de ce nouveau continent, venant nourrir le folklore local et les peurs diffuses que ce dernier engendre comme dans "Nuit de Sang" où un vampire affamé prend les traits d'El Chupacabra venu se repaître du sang d'une famille mexicaine. 

Néanmoins, si dans ces nouveaux arrivants, certains y voient une menace qu'il faut éliminer coûte que coûte, d'autres, au contraire, les considèrent comme de simples colons cherchant juste à s'établir et à vivre en bonne intelligence avec le reste de la communauté. En effet, si l'on en croit la nouvelle "Silver City", il n'est pas bon d'émettre la moindre critique sur cette population d'un autre genre sous peine de se voir molester ou pire encore, par une frange de la société qui y voit son intérêt. 

Derrière ces nouveaux colons, les auteurs questionnent la problématique de l'immigration à travers la notion du partage des terres ou de la tolérance en mettant en miroir le point de vue des vampires et celui des indiens face aux Américains natifs. 

En conclusion :

Dans Bloodsilver, on saute à pieds joints dans ce périple américain en suivant certains des plus célèbres pistoleros qui nous entraînent à perdre haleine dans cette aventure au goût de souffre. Une lecture qui n'est pas sans m'en rappeler une autre puisque Notre Dame des Loups d'Adrien Tomas partage également cet univers vampirique prenant cadre dans le contexte de la conquête de l'Ouest. Un cocktail excellent, je vous le recommande ! 

Fantasy à la Carte

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Informations

Wayne Barrow
Bloodsilver
317 pages 
9782354089924
Editions Mnémos

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