Terence David John Pratchett est un écrivain britannique de fantasy parodique. Il est né en 1948 à Beaconsfield et est décédé il y a peu, le 12 mars 2015 à Broad Chalke.
Dans son enfance, il se passionne d’abord pour l’astronomie, puis s’intéresse à la science-fiction jusqu’à assister à des conventions à partir de 1963. Il est à noter que ses premières lectures des œuvres de H. G. Wells et d’Arthur Conan Doyle influenceront son écriture plus tard.
C’est à l’âge de 13 ans qu’il publie sa première nouvelle The Hades Business dans un fanzine de son école. Nouvelle qui sera d’ailleurs rééditée deux ans plus tard dans une revue professionnelle.
Terry Pratchett est un adolescent qui s’intéresse à tout. Ainsi, il commence une formation en Art, en Histoire puis en Anglais avant de s’orienter vers le journalisme en 1965. Grand amateur de livres, il publie son premier roman, Le Peuple du Tapis en 1971 qui reçoit un succès relatif malgré quelques bonnes critiques.
Entre 1970 et 1980, il devient rédacteur et dessinateur pour différents journaux. On lui connait notamment la série Warlock Hall qui raconte la vie d’une agence de recherche paranormale.
Même si en 1980 il obtient le poste d’attaché de presse au sein d’une société gérant trois centrales nucléaires, il n’en met pas pour autant de côté l’écriture. En effet, il publie en 1976 La face sombre du soleil puis Strate-à-gemmes en 1981. Néanmoins, malgré l’humour filtrant déjà à travers ses titres, Terry Pratchett demeure encore dans l’anonymat. Pour que cela change, il faut attendre la publication de La Huitième Couleur qui sera le premier volume des Annales du Disque-Monde. En fait, l’auteur va bénéficier d’un petit coup de pouce lorsque la BBC accepte de diffuser une version radiophonique du roman. Le second tome, Le Huitième Sortilège vient confirmer cet engouement du public. En 1987, lorsqu’il met un point final au quatrième volume, Terry Pratchett décide de se consacrer pleinement à l’écriture et arrête d’exercer son emploi d’attaché de presse. Une sage décision face au triomphe de Sourcellerie qui incite même son éditeur à lui commander six autres nouveaux romans. Dès lors, Pratchett démontre qu’il est un auteur prolifère en écrivant deux romans par an. Ainsi, Les Annales du Disque-Monde comptent 27 romans dont chaque tome s’attache à explorer cet univers fabuleux, baroque et farfelu imaginé par l’auteur.
Mais ce dernier a été plus loin puisqu’il a même collaboré à des livres gravitant autour de cet univers. Il co-écrit ainsi avec Stephen Briggs un guide encyclopédique du Disque-Monde, Le Vade-Mecum (1994), qui sera d’ailleurs réédité en 2003 sous le titre Le Nouveau VadeMecum. L’année d’après, il élabore une carte géographique associée à un livret regroupant des éléments biographiques des différents explorateurs du Disque. Enfin, il va même jusqu’à écrire avec Tina Hannan un livre de cuisine aux notes humoristiques, Les Recettes de Nounou Ogg. En compagnie du mathématicien Ian Stewart et du biologiste Jack Cohen, il se lance dans une série de livres sur la science du Disque-Monde. Pour ces ouvrages de vulgarisation scientifique, il sera d’ailleurs récompensé par un diplôme honorifique délivré par l’université de Warwick.
Terry Pratchett est également l’auteur de quelques livres pour enfants, parmi lesquels on peut notamment citer la trilogie du
Grand Livre des gnomes publiée entre 1988 et 1990, ou encore
Les Aventures de Johnny Maxwell (1992-1996). En 2012, il écrit un dernier roman jeunesse
Roublard dans lequel le héros rencontre des personnes ayant réellement existées comme Charles Dickens.
Côté littérature pour adultes, il publie une uchronie en 2008, Nation dont l’action se déroule au milieu du XIX e siècle. Ensuite, il s’associe à Stephen Baxter pour co-écrire une série s’axant autour des mondes parallèles à la Terre. Trois volets vont en ressortir, La Longue Terre en 2013, La Longue Guerre en 2014 et The Long Utopia en 2015.
Bien entendu, on ne peut pas parler de la fantasy pratchettienne sans revenir plus longuement sur son œuvre majeure des Annales du Disque-Monde. Cette gigantesque saga suit tour à tour une série de personnages tous plus étonnants les uns que les autres dans leur exploration du Disque. A la différence de la fantasy commune mettant en scène une communauté de héros dont le but ultime est de mener à bien une quête et le plus souvent de sauver le monde, Terry Pratchett, lui, va apporter un autre souffle au genre. Ici, on colle aux basques de héros inattendus qui se retrouvent enrôlés dans des aventures hasardeuses et étranges. Ainsi, le cycle démarre avec l’arrivée d’un étranger prénommé Deuxfleurs dans la ville d’Ankh-Morpork. Cet homme semble sortir tout droit du futur avec ses expressions modernes et ses appareils avant-gardistes par rapport à l’époque médiévale qui est décrite ici. Mais c’est surtout lorsque Deuxfleurs rencontre le mage Rincevent que l’aventure va réellement débuter. Chargé par le praticien de la cité, Rincevent n’a pas d’autres choix que de suivre l’étranger dans ses pérégrinations déconcertantes car Deuxfleurs est un touriste et son seul but est de partir à la découverte de ce monde fabuleux.
Pourquoi est-il si fabuleux d’ailleurs ? Peut-être parce qu’il est constitué d’un immense disque plat soutenu par quatre éléphants : Bérilla, Tubul, Ti-Phon et Jérakine, eux-mêmes reposant sur le dos d’une tortue géante, prénommée la Grande A’Tuin qui navigue dans le cosmos. Voici donc un univers qui n’a pas son pareil dans ce qui se fait en littérature fantasy. Originalité et singularité seront donc les maîtres-mots de cette série.
Néanmoins, des critères communs au genre transparaissent à travers ses textes comme la magie qui demeure un élément omniprésent dans la totalité des aventures du Disque-Monde. Elle se manifeste déjà par le pouvoir que possèdent les mages. Ceux-ci ont la capacité de jeter les sorts contenus dans les grimoires de magie comme l’In-Octavo. Même si les sorciers de Terry Pratchett sont peu banals avec leur maîtrise approximative du pouvoir, à l’image de Rincevent. En effet, ce dernier est incapable de prononcer le moindre sort depuis que l’un d’eux s’est logé dans sa tête le jour où il a ouvert le grimoire. D’autre part, certaines femmes possèdent aussi un don pour la magie. Il passe notamment par la maîtrise de l’emprunt, cette capacité à couler son esprit dans le corps d’autrui comme celui d’un animal, ou encore la connaissance des plantes et des simples, et même l’habileté à voler sur un balai. Existent également des objets ensorcelés comme cette malle qui suit Deuxfleurs partout. Elle semble douée de raison, dispose de nombreuses petites pattes grâce auxquelles elle se déplace et a même l’étrange capacité de faire apparaître à chaque ouverture de son couvercle ce que souhaite son propriétaire. En outre, même dans les écrits de Terry Pratchett, on retrouve un peu la dimension manichéenne de la lutte entre le Bien et le Mal. Pour autant, elle est plus subtile que dans la fantasy traditionnelle. Par exemple, dans le premier diptyque, elle se manifeste lorsque Rincevent va s’opposer au mage maléfique Trymon quand celui-ci cherche à s’emparer de tous les sorts enfermés dans l’In-Octavo.
Néanmoins toute l’extravagance de l’auteur réside dans les détournements des éléments classiques de fantasy pour apporter une vraie touche d’humour, voire d’absurdité à ses textes. Ainsi, ses romans sont remplis de références à d’autres œuvres afin que le lecteur se retrouve finalement en terrain connu. Il instaure ainsi une certaine complicité avec lui et rend ses livres encore plus fascinants. Il reprend par exemple des éléments des contes merveilleux comme les bottes des sept lieues dont vont user Rincevent et Deuxfleurs ou encore aux fameuses mines de pierres précieuses des nains qui nous rappellent bien entendu Blanche-Neige. Quant aux terribles créatures ailées cracheuses de feu, elles sont le fruit de pouvoir de l’esprit de certains humains qui les font apparaître à leur gré. Là encore, nous sommes bien loin des créatures dangereuses et indépendantes auxquelles la littérature fantasy nous avait habituées. Et cette malle n'est pas sans rappeler le sac de Mary Poppins car l'un comme l'autre semblent contenir l'univers infini.
D'autre part, des héros mythiques ont leur place dans l’œuvre de Pratchett. C’est le cas de Cohen le Barbare en hommage au célèbre personnage de Conan de Robert E. Howard. Mais un Conan âgé de plus de 80 ans. On est donc loin du jeune homme fort, défenseur de la veuve et de l’orphelin, toujours parti sur les chemins pour vendre son épée au plus offrant. Pratchett met l’accent sur l’humanité des personnages, sur leurs faiblesses aussi. Finalement, l’auteur propose des héros proches de ses lecteurs où chacun y trouve son compte, d’où sans doute son immense succès. Mais Cohen le Barbare n’est finalement pas le seul personnage aux caractéristiques si humaines.
Tous les héros de Pratchett sont remarquables au regard du soin qu’il a mis pour les façonner. Prenons par exemple Rincevent. Voilà bien un héros atypique. Un mage raté, on peut le dire. Et pourtant, il n’en demeure pas moins un héros. Lui qui manquait tant de courage, couard sur les bords, il a su en trouver à la toute fin de l’aventure pour sauver son monde et ses amis. Car c’est dans l’adversité que l’on prend conscience de la valeur de l’être humain. Quant à Deufleurs, petit personnage farfelu aux idées bien arrêtées qui ne semble avoir peur de rien. Non pas qu’il soit très brave lui non plus, mais il est inconscient des réalités. Totalement dans sa bulle, cela lui donne un côté frondeur. Tout fantasques qu’ils soient, Rincevent et Deuxfleurs n’en demeurent pas moins très humains et forts attachants.
Autre personnage incontournable est La Mort car elle a une place centrale dans Les Annales du Disque-Monde. La première chose à dire sur La Mort est qu’elle est de sexe masculin et qu'il est même chef de famille. Ce qui est pour le moins étonnant. D’autre part, son rôle est bien entendu de moissonner les âmes des défunts. Un personnage bien sombre me diriez-vous. Et bien détrompez-vous car Terry Pratchett a su y insuffler de l’humour notamment lorsque La Mort n’arrive pas à récolter l’âme de Rincevent qui semble se jouer de lui. En effet, notre mage catastrophe est en fait un grand chanceux qui se sort des pires situations. Pratchett multiplie les situations burlesques comme lorsque La Mort joue aux cartes avec ses amis La Famine, La Guerre et La Peste pour passer le temps. En somme, c'est une manière pour l’auteur de dédramatiser la fin de la vie. Autre personnage hors norme est Mémé Cirdeutemps. Voilà une sorcière peu ordinaire, déjà au vu de son âge avancé. A la différence de ses confrères écrivains, Pratchett va donner la primeur à des héros vieillissants dans certaines de ses aventures au risque de manquer de crédibilité parfois. Car comment peut-on imaginer un vieillard sortir victorieux d’un combat singulier ? Et pourtant Terry Pratchett l’a fait et ce avec brio puisqu’il arrive même à nous tirer un sourire, voir un rire au détour de l’une ou l’autre des pages de ses romans. Et puis comment ne pas fondre devant cette grand-mère complètement dépassée par sa petite-fille appelée à devenir un mage à cause d’une erreur de présage.
C’est bien dans des aventures rocambolesques et désopilantes que nous entraîne Terry Pratchett. Observateur du monde, il se sert de ses écrits pour dépeindre notre société en exagérant les situations, ou les travers de l’humanité. Pour quelles raisons ? Pour rire, peut-être. Ou tout simplement pour arrêter de se prendre au sérieux. Finalement Terry Pratchett maîtrise la dérision de soi avec une grande habileté et on se laisse si facilement prendre au jeu par ses romans. Alors je ne sais pas ce que vous en pensez mais autant ne pas se priver d’une franche dose de bonne humeur, non ?
Fantasy à la carte