16/08/2024

Jeanne Mariem Corrèze, Le Chant des Cavalières, éditions Les Moutons électriques

Jeanne Mariem Corrèze, Le Chant des Cavalières
éditions Les Moutons électriques 

Alors que son nouveau roman, Nous serions l'incendie, vient juste de rejoindre, ce 14 août, les rayonnages des librairies, je me suis dit qu'il était plus que temps d'exhumer de ma PAL, le premier livre de Jeanne Mariem Corrèze, Le Chant des Cavalières.

Comme les deux récits partagent le même univers, autant faire les choses bien en les lisant dans l'ordre. 

Résumé :

La jeune Sophie se rêve écuyère mais pour le devenir, elle doit attendre le premier sang car c'est la condition pour être liée à un dragon. Pendant ce temps, les évènements se précipitent au sein de l'ordre des Cavalières, une nouvelle Matriarche est nommée. Et c'est elle qui va devenir la maîtresse de Sophie. Seulement occupée à ses petites affaires, elle n'a que peu de temps à accorder à la jeune fille qui va pourtant devoir embrasser son destin et bien choisir ses alliés. Alors quel chemin empruntera-t-elle ? 

Mon avis :

Avec Le Chant des Cavalières, Jeanne Mariem Corrèze nous propose un texte de fantasy très soigné. Elle y a bâti un univers solide et envoûtant en empruntant notamment à la mythologie arthurienne. Elle se l'est d'ailleurs réappropriée avec beaucoup d'habileté en l'abordant sous un angle féministe car ici l'héritage des Pendragon échoue aux femmes. De même que l'on croise entre ces lignes le célèbre Myrddyn sous le masque d'un mage puissant et rusé. Il incarne les légendes oubliées et une magie ancestrale qui renaît sous la plume de Jeanne Mariem Corrèze. Celle-ci embrase les pages de ce livre et se mêle à la nature pour mieux la magnifier. Mais, l'onirisme se manifeste de bien des manières au sein de ce roman. Aussi, il peut intervenir à travers les rêves qui habitent les nuits de certains protagonistes cherchant à leur montrer le chemin même si celui-ci paraît obscur. Enfin, il y a également l'omniprésence des dragons, fabuleuses créatures issues du bestiaire merveilleux que la littérature fantasy adopte bien volontiers et que l'autrice a choisi ici d'en faire de fidèles montures à ses cavalières. 

Dans Le Chant des Cavalières, on parcourt donc le royaume de Sarda, essentiellement à dos de dragons. Depuis la Grande Guerre, la défaite de la reine Maude et la réédition du royaume à Sabès, celui-ci vit dans une paix relative. Le pouvoir est entre les mains d'un prince et d'un condottiere. L'Ordre des Cavalières est réparti au sein des quatre citadelles : Nordeau, Estari, Ousterre et Soufeu. Mais, ces guerrières d'antan ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes, davantage rompues aux intrigues de cour qu'aux véritables combats. Seulement une effervescence semble agiter les couloirs du pouvoir. Tandis que certains s'accrochent aux paroles d'une prophétie annonçant le retour des Reines, d'autres ont des velléités d'indépendance ou rêvent d'une autre gouvernance. 

L'autrice donne donc vie à un univers magistral qu'elle a pris le temps d'explorer dans ce premier roman afin d'offrir à son récit un très bel écrin qu'elle pourra au demeurant réutiliser ultérieurement.

Mais c'est aussi le décor idéal pour tisser les nombreuses intrigues politiques qui tapissent les pages de ce livre car Le Chant des Cavalières est avant tout un roman politique. L'action relève davantage de manipulations et de trahisons que de véritables combats en dépit que l'on parle beaucoup de guerre au fil des chapitres. En effet, on découvre les évènements loin du champ de bataille, à l'abri des salons et des cours où circulent les mensonges, les secrets, le fiel et l'amertume. Ils sont propices pour donner à cette intrigue tout son suspense. 

Certains verront sans doute dans l'absence de batailles, un manque de rythme, pour autant cette histoire demeure agréable à lire. Il est vrai que la présence des dragons enflamme notre imaginaire d'affrontements épiques et flamboyants, il n'en est rien ici mais cela ne veut pas dire que cela n'adviendra pas plus tard car au regard de ce livre, Jeanne Mariem Corrèze n'en a clairement pas encore fini avec son univers. 

Dans Le Chant des Cavalières, l'autrice reprend le motif de la quête initiatique, à travers une héroïne qui refuse de n'être que le pièce maîtresse d'une prophétie pilotée par d'autres. En la rencontrant très jeune, on va la suivre dans sa quête d'identité, dans sa compréhension de ses origines et dans ses choix de vie. Bien que ce soit un schéma narratif classique, l'autrice arrive à surprendre en lui faisant emprunter des chemins inattendus. 

Le Chant des Cavalières dégage une grande sororité. L'autrice a articulé son histoire autour de femmes de pouvoir qui cherchent à reprendre pleinement leur indépendance et leur liberté. pour cela, elles vont beaucoup intriguer, chacune derrière le dos de l'autre. Chacune dispose de sa propre puissance sans pour autant faire tout exploser sur son passage. Jeanne Mariem Corrèze nous dépeint des protagonistes féminins forts, sensibles et auxquelles il est facile de s'identifier. Elles sont toutes différentes et apportent sa singularité au texte. Entre Sophie qui va apprendre de son inexpérience pour se tracer le chemin qu'elle aura elle-même choisi, Frêne, l'aïeule herboriste qui n'hésite pas à prendre sous son aile les jeunes pousses afin de leur transmettre force et savoirs et enfin Eliane qui affiche une dureté implacable pour mieux dissimuler le dessein qu'elle vise. 

Pour conclure :

Bien que Le Chant des Cavalières reprenne les motifs habituels de la fantasy à travers la quête et la lutte pour le pouvoir, Jeanne Mariem Corrèze donne à sa geste une puissante singularité. Sa plume très travaillée et pleine de poésie se révèle être un véritable atout pour porter le destin de ses personnages qui n'a pas fini d'être conté. Affaire à suivre !

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, les avis de : Le Bibliocosme et Just A Word

Informations

Jeanne Mariem Corrèze
Le Chant des Cavalières
9782361836412
320 pages
Editions Les Moutons électriques

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