En 2021, l'utopie a posé ses valises chez les Moutons électriques. En effet, cette année ils ont eu envie de revenir à un imaginaire positif et plein d'espoir, sans doute pour casser cette morosité ambiante qui s'est installée dans nos cœurs, depuis plus d'un an maintenant.
Aussi, en mai, ils ont eu la bonne idée d'éditer une pépite américaine signée par le célèbre auteur de la trilogie, Mars. Il s'agit de Lisière du Pacifique de Kim Stanley Robinson qui a même reçu pour le présent ouvrage, en 1991, le prix John-Wood-Campbell Memorial.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec les Moutons électriques, je remercie chaudement Erwan pour l'envoi de ce service de presse.
Ne lisant que très peu de science-fiction et/ou de climate fiction, je ne connaissais donc pas la plume de Kim Stanley Robinson. Or, avec Lisière du Pacifique, j'ai découvert une écriture délicate et un imaginaire aussi flamboyant qu'éclairant.
Dans Lisière du Pacifique, on débarque donc à El Modena, une petite ville californienne peuplée par une communauté d'habitants qui tente de vivre en harmonie avec la nature. On y suit notamment Kevin Clairbone, un natif des lieux qui exerce la profession d'architecte et de constructeur de maisons. Alors que son tour est venu de siéger au conseil municipal, il découvre une anomalie dans la gestion de l'eau. De fil en aiguille, ses investigations vont l'amener à mettre à jour une affaire de malversation, impliquant des élus locaux et des sommes d'argent aux origines douteuses. Dans un monde pourtant devenu plus vert et qui s'est battu pour la justice sociale, que peut-il se passer lorsque la corruption resurgit ?
Kim Stanley Robinson s'est beaucoup illustré dans l'écriture de thrillers climatiques et écologiques, alors on ne s'étonne pas de la voir imaginer ici une utopie dans laquelle ces questions sont au cœur des enjeux.
Ainsi, dans ce roman, l'auteur a imaginé un futur dans lequel l'Amérique et plus particulièrement la Californie s'est reconnectée à la nature. Il nous immerge au sein d'une communauté qui a refait société en vivant à l'écoute les uns des autres. On découvre d'immenses demeures fonctionnant aux énergies renouvelables et où plusieurs familles cohabitent. Les humains ne sont plus isolés et individualistes mais vivent selon le principe du partage. Chaque maison dispose d'un potager collectif où chacun doit prendre part à son entretien. Il en va de même pour la gestion de la commune qui est assurée par les citoyens chacun à leur tour. Lisière du Pacifique nous décrit un monde plus humaniste et plus équitable car il a mis à bas le capitalisme néocolonialiste pour laisser place à une vraie justice sociale.
Pourtant dans cette utopie vivent des hommes et des femmes avec des désirs propres qui peuvent parfois aller à l'encontre de l'intérêt général. Voilà d'ailleurs un premier frein à toute bonne utopie quand bien même ses fondements seraient réalistes et réalisables. Or, justement ici Kim Stanley Robinson nous rappelle que les humains ne sont jamais à l'abris de voir resurgir la soif de pouvoir et/ou d'argent. Pour preuve avec cette histoire de terrain sur le point de se voir accorder par la mairie un changement de zonage. Ici, l'auteur nous démontre comment une si petite action peut cacher en réalité un iceberg d'agissements peu louables. La philanthropie n'est décidément qu'une chimère, et lorsqu'il s'agit de faire fructifier des capitaux, tous les moyens sont bons. Mais ce genre de fonctionnement sociétal peut trouver d'autres limites, ne serait-ce qu'au niveau du désintérêt citoyen. En effet, si les citoyens eux-mêmes refusent de s'investir, quel avenir la communauté-elle peut espérer suivre ?
Tout en découvrant ce futur auquel on a envie de croire, l'auteur nous annonce dès le début que quelque chose cloche. C'est une tactique efficace pour obtenir toute notre attention puisque très vite on est happés par l'urgence des personnages qui s'agitent pour sauver leur utopie.
Alors qu'une lutte se dessine progressivement, on fait la connaissance d'une galerie de personnages crédibles et touchants. L'auteur a eu à cœur de donner à son récit une vraie diversité dans ses protagonistes autant du point de vue de leur nationalité que de leur âge, afin que chaque lecteur s'y retrouve.
Parmi eux, il y a bien entendu l'idéaliste Kevin, gauche dans ses amours qui se retrouve bien souvent bégayant devant la splendide Ramona. Personnage principal de ce récit, on s'attache immédiatement à ce dernier. Tout à ses doutes sentimentaux, il n'en oublie pas pour autant de s'investir corps et âme pour cette terre qui l'a vu naître et qu'il a envie de protéger. C'est pour cela qu'il se tourne vers son grand-père, Tom. Grand militant en son temps, ce dernier s'est renfermé sur lui-même depuis le décès de sa femme et vit en marge de la ville. Mais, c'est sans compter sur l’opiniâtreté de son petit-fils ainsi que celle d'autres habitants qui vont lui remettre le pied à l'étrier. Tom est un vieux monsieur touchant pris entre ses souvenirs douloureux et chéris et un présent agité qu'il a du mal à accepter. Quant à Doris, l'une des colocataires de Kevin, elle est très investie pour la cause écologique. Frustrée par ses sentiments non partagés pour Kevin, elle reste une alliée de choix pour ce dernier dans le combat qu'ils ont décidé de mener ensemble. Enfin, il y a Oscar, un personnage étonnant. Avocat, il prodigue moult conseils aux habitants d'El Modena, mais il cache aussi une personnalité haute en couleurs dont les passions sont aussi déroutantes que le bonhomme est imposant.
Ainsi, Lisière du Pacifique, c'est aussi une mosaïque de petites histoires qui s'entrecroisent pour nous partager des tranches de vie où les larmes se disputent aux sourires. Tous ces personnages dégagent une telle émotion que cela contribue grandement à rendre le roman séduisant. On apprécie d'emblée de suivre la vie de ces gens et de marcher dans leurs pas. On partage pleinement leurs craintes, leurs espoirs, leurs frustrations et leurs déceptions.
Finalement, Lisière du Pacifique combine réflexions économiques et sociales et une fiction captivante. C'est vraiment un texte qui mérite d'être médité surtout lorsque le changement s'annonce inéluctable. A bon entendeur !
Fantasy à la Carte
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J'étais complètement passée à côté de ce titre (surement la faute à la couverture) alors qu'il a l'air parfait pour moi! Je te remercie de remédier à ça (l'état de santé de ma PAL beaucoup moins par contre :p)
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