John Howe est un illustrateur canadien né le 21 aout 1957 à Vancouver. En inaugurant cette nouvelle rubrique consacrée aux plus grands illustrateurs et aux Artbooks, il ne pouvait pas aller autrement que de parler de cet artiste et de son travail sur l’univers de Tolkien. Quelle œuvre grandiose, d’ailleurs. John Howe est un nomade qui a notamment parcouru l’Europe pour finir par s’installer en Suisse, à Neuchâtel.
En 1977, il vient à Strasbourg pour se former à l’École supérieure des arts décoratifs. Les années passées dans cette ville viennent nourrir son imaginaire. En effet, John Howe est passionné par le fantastique et le Moyen-Age. Ainsi, il passe des heures dans les musées, il étudie l’architecture et les nombreuses sculptures de la ville et particulièrement la majestueuse cathédrale. En 1994, il fait un séjour à Troyes où cours duquel il apprécie grandement le style médiéval des bâtiments de la ville.
Bien entendu ses goûts imprègnent largement ses illustrations. On retrouve donc ce fantastique moyenâgeux dans les nombreux ouvrages qu’il a illustré à l’image de La Guerre du feu de J.H. Rosny en 1982 aux éditions Gallimard, Cathédrale chez La Nuée bleue en 1994, Les Chevaliers en 1995 et Le mystère de Greenwood en 1996 chez Bayard, Dragons en 1997, l’exceptionnel Bilbo le Hobbit en 1999, ainsi que les albums de Claude Clément édités chez Casterman ou encore en 2003 pour Méditations sur la Terre du Milieu chez Bragelonne.
Admiratif de son travail, Peter Jackson le charge même avec Alan Lee de la direction artistique du Seigneur des Anneaux, puis du Hobbit.
Enfin, en novembre 2014, il participe au documentaire A la recherche du Hobbit diffusé sur Arte dans lequel il occupe un rôle de guide à travers des interviews et des voyages.
En plus de ses illustrations qui viennent égayer les œuvres de bien des écrivains, John Howe a plus d’un pinceau dans sa manche puisqu’il dispose également d’une belle bibliographie composée de livre d’art, ou de loisirs créatifs. Ainsi en 2002, il se joint à un collectif d’auteurs pour écrire ce beau-livre design intitulé John Howe : Sur les terres de Tolkien. Un livre qui vient faire écho à une exposition qui a eu lieu à l’office régional culturel de Champagne-Ardenne. Cet ouvrage apparait comme un panorama en images de l’univers tolkienien. En 2004, il sort John Howe Artbook qui constitue un précieux témoignage avec plus de 200 de ses illustrations. Il y évoque également ses méthodes de travail et les rencontres marquantes de sa carrière. Autre guide qui dévoile les secrets de cet artiste est édité en 2008 sous l’intitulé de Fantasy art : Peindre un univers de légende dans lequel on retrouve de multiples illustrations commentées et où il y dispense des conseils à ceux et celles qui veulent se lancer dans le dessin. Dans un tout autre registre que celui du Seigneur des Anneaux, John Howe publie, en 2009, un recueil de 24 illustrations inédites sur les Mondes Perdus. Toujours en 2009, un autre beau-livre paraît sur l’univers des dragons sous le titre de Dragons : Peindre et dessiner un univers de feu dans lequel il explique les méthodes et les techniques de peinture qui l’ont rendu si célèbre. Enfin en 2011, le livre de loisirs créatifs, Dessiner la Fantasy propose dix démonstrations de John Howe à suivre pas à pas. En somme c’est un véritable cours de dessin délivré par le maître pour les dessinateurs en herbe.
Mais il est temps de revenir sur ce qui a rendu si célèbre cet illustrateur de génie. On peut affirmer sans crainte que l’univers imaginé par Tolkien en a fait rêver plus d’un et tout comme ces millions de lecteurs, John Howe n’échappe pas à cette fascination collective. Mais comme il le dit lui-même dans un article publié dans le recueil Méditations sur la Terre du Milieu : « Le Seigneur des Anneaux et la Terre du Milieu ne peuvent pas être illustrés ». Pourquoi ? Parce que c’est un univers complexe tellement riche, tellement changeant que finalement John Howe n’a pu en tirer que des images, des peintures autrement dit des instantanés de moments précis de l’histoire mais qui ne peuvent être immuables puisque ce monde est bien vivant. Par conséquent, on ne peut pas dire que ses illustrations définissent le monde de Tolkien tel qu’il est réellement car il n’est pas figé. Il est donc par exemple impossible de le cartographier de manière définitive. Pour John Howe, ses dessins ne sont que des esquisses et des regards furtifs. Pour lui, faire jaillir cet univers sur une toile fut un voyage solitaire car à la différence des lecteurs qui peuvent partager leurs impressions sur les livres, John Howe, lui, ne pouvait pas se permettre la moindre influence. C’est un travail personnel au cours duquel il s’est nourri de ses lectures des romans de J.R.R. Tolkien et des descriptions très détaillées des lieux, des peuples afin que tout ça prenne vie sous son pinceau.
En croquant des instants de cette illustre Terre du Milieu, il pousse la porte d’un jardin secret, merveilleux, fantastique où la magie des mots se pare de formes et de couleurs pour nous faire rêver. Toutes ses illustrations sont saisissantes de réalisme car n’oublions pas que ces lieux ne sont que chimères. Et pourtant, lorsqu’on ouvre un artbook sur Le Seigneur des Anneaux, on se voit par exemple très bien marcher sur le chemin menant à la Comté. Avec une carrière aussi remarquable, John Howe apparaît comme un fer de lance pour tous les illustrateurs qui suivront ses traces. Il est celui par qui on prend conscience que la fantasy ne se résume pas qu’à des petites aventures épiques, c’est aussi de l’Art avec un A en majuscule. Grâce à des illustrateurs comme John Howe, les romans de fantasy deviennent ainsi de véritables objets d’art que les lecteurs se dépêchent d’ouvrir pour découvrir et admirer les dessins qui viennent agrémenter le récit.
Même si cela fait vingt ans qu’il peint les romans du Hobbit ou du Seigneur des Anneaux, il n’a pas encore fini de nous faire rêver car comme il le dit lui-même : « les images ne sont pas à sa hauteur ». Une conclusion fort explicite et nous les amateurs de l’Imaginaire, nous nous en frottons les mains car des inédits restent à venir…
Fantasy à la carte