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17/06/2016

Pierre Grimbert, l’auteur qui a placé la fantasy française sur la première marche du succès

Originaire du Nord Pas de Calais, Pierre Grimbert est un auteur français de fantasy né le 23 septembre 1970. Issu de parents instituteurs, il obtient un baccalauréat scientifique, puis poursuit ses études supérieures à Lille et à Bordeaux. Il s’oriente vers les métiers du livre et commence une carrière de bibliothécaire avant de devenir infographiste.
Il s’initie d’abord à la scénarisation de BD avant de se lancer en 1995 dans l’écriture de son premier roman, Six Héritiers, premier tome de la tétralogie Le Secret de Ji qui le rendra si célèbre. Le cycle est édité en deux parties en 1997 par les éditions Mnémos. A peine publié, ce premier volume reçoit deux prestigieuses distinctions, le Prix Julia Verlanger, décerné par la Fondation de France et le prix Ozone, attribué par les lecteurs du Science-Fiction Magazine.
 
Dès 1998, il choisit de se consacrer pleinement à l’écriture et déménage en Normandie où il entame le cycle de La Malerune. Ce cycle de fantasy conte la quête du chevalier Eras de Garamont accompagné d’un vieux mage du nom de Zétide, d’un monstrueux lycante et de sa fille afin de retrouver la rune de la Belle Arcane, seul espoir de sauver le royaume de la destruction. A l’origine cette série se destinait à un jeune public sauf que les éditions Mnémos ont renoncé à créer une collection jeunesse, ce qui a demandé à Pierre Grimbert de retravailler son texte afin qu’il devienne un cycle de fantasy pour adultes. Or, cela nécessitait un tel travail que l’auteur a dû abandonner ce projet au profit de deux autres séries jeunesse. Néanmoins cette trilogie de La Malerune sera achevée par un autre auteur de fantasy, Michel Robert. Pour en revenir aux autres projets d’écriture auxquels s’est consacré Pierre Grimbert, il y a d’abord Dragonia composée de six romans, publiés dans les années 2000 par les éditions Bayard dont les histoires sont indépendantes les unes des autres avec pour seul point commun l’univers Dragonia dans lequel se déroule l’action. Mais à la même époque, il écrit également une autre série jeunesse de quatre romans publiés d’abord aux éditions Degliame sous l’intitulé les Aventuriers de l’Irréel, puis rebaptisés plus tard Dragon X aux éditions Octobre. Des romans qui racontent le destin d’un jeune garçon et de ses copains dont la vie se trouve bouleversée par une console de jeu vidéo.
Puis en 2002, il fonde avec son épouse Audrey Françaix les éditions Octobre. A partir de 2004, il se consacre à l’écriture de la suite du Secret de Ji, Les Enfants de Ji (entre 2004 et 2006) et Les Gardiens de Ji (entre 2008 et 2012). Il s’attelle également à une nouvelle saga, Gonelore sur laquelle il travaille encore à ce jour. Après des années de paix, le monde de Gonelore se voit encore menacé par de terrifiantes créatures qui risquent de semer un chaos général. Face à cette terrible menace, il faut à nouveau faire appel aux arpenteurs: des guides, des guerriers dont on avait oublié l’existence mais qui sont les seuls êtres capables de sauver Gonelore. Le premier cycle de cette série est publié de 2013 à 2014. Et en 2015, un second cycle s’ouvre avec la sortie d’un premier tome. Le second livre est quant à lui prévu pour novembre 2016. De plus, Gonelore est également une série qui s’exporte puisque depuis 2014, elle est traduite en allemand par l’éditeur Heyne Verlag.
Après ces quelques lignes retraçant la carrière littéraire de Pierre Grimbert, il est temps de reprendre le chemin de Ji pour comprendre comment une telle tétralogie a permis à la fantasy française de s’asseoir une belle réputation par-delà les frontières.

Le Secret de Ji, c’est d’abord un univers grandiose, à la géographie détaillée dans lequel évolue le récit de Pierre Grimbert. Une double carte accompagne les romans afin de se repérer tout au long de l’aventure. Les pays imaginés sont nombreux, Pierre Grimbert les décrit avec minutie au fur et à mesure de son écrit. Il fait preuve d’une grande méticulosité pour faire naître sous sa plume les décors qui sont le théâtre de sa saga. En suivant les péripéties de sa communauté de héros, on traverse tour à tour déserts, montagnes, forêts, bourgs ou capitales. Chaque lieu est estampillé d’un nom propre. Que les personnages soient à pied, à cheval ou en bateau, ils nous font pénétrer dans un territoire fabuleux qui ferait presque pâlir d’envie La Terre du Milieu tant la cohérence et la précision des lieux sont également au rendez-vous.

Quelques pages suffisent pour faire connaissance avec les personnages qui se retrouvent rapidement propulsés au cœur d’une quête aux enjeux périlleux et capitaux. Voyant leur vie menacée par une horde de tueurs assoiffés de sang, chacun des héros se voit contraint d’abandonner la tranquillité de sa vie, et ses proches pour partir sur les chemins et tenter de disparaître. Seulement, on n’échappe pas à son destin. En cours de route, ils finissent par se retrouver car même si tout semble les opposer, une même destinée les unit pourtant. Ils sont les héritiers d’un groupe d’hommes et de femmes qui un siècle plus tôt se sont réunis à l’appel d’un certain Nol l’Etrange sur une île mystérieuse dont l’objectif final demeure obscur. Pour les descendants, la seule solution est de retourner sur l’île afin de découvrir par eux-mêmes le secret de l’île de Ji. De rebondissement en rebondissement, cette quête de vérité les obligera à parcourir tout l’univers imaginé par l’auteur pour tenter de comprendre. Chaque étape est une révélation retentissante pour nos héros et met peu à peu en exergue la traditionnelle lutte entre le Bien et le Mal. Les ennemis affluent autour d’eux les obligeant à croiser le fer pour survivre. Découvrir l’instigateur qui leur envoie tous ces tueurs va dévoiler un danger plus grand encore car c’est une menace pour l’humanité toute entière. Justement dans Le Secret de Ji, le Mal est personnifié par Saat, l’Econome. Un sorcier aux pouvoirs immenses qui puise sa force dans l’énergie d’un démon. Pourquoi agit-il ainsi ? Sans doute par avidité parce que le pouvoir lui a monté à la tête. Son but avoué, anéantir chaque croyance religieuse et réduire en esclavage la population de tous les royaumes en leur imposant un culte unique, celui de Sombre, dit celui qui vainc. Un endoctrinement violent qui ne peut se faire que par la force, et le meurtre. L’avenir s’annonce donc sombre et la seule étincelle d’espoir réside ici dans les héritiers.
Ce grand récit de high fantasy est donc porté également par une belle communauté de personnages. Pierre Grimbert a pris le temps de façonner chacun de ses héros en leur attribuant des caractéristiques très personnelles. Communauté hétéroclite mais qui au final se complète bien pour nous offrir une grande aventure. Il y a d’abord Corenn qui fait figure de sage au sein de cette histoire. Grande diplomate, Corenn est si pondérée que ses compagnons de voyage se tournent naturellement vers elle pour les guider. De péripétie en péripétie, elle affirme peu à peu son rôle de ligueuse. Aux côtés de cette dernière vient instinctivement se placer Grigan, le guerrier du groupe qui est prêt à tout pour sauver ses amis et en premier lieu Corenn elle-même pour qui il éprouve un certain attachement. Le géant Bowbaq, c’est le gentil nounours de la bande. Grand respectueux de la nature, il est contre l’usage des armes et prône la paix. Mais ses sentiments vont évoluer au cours de l’aventure où il sera contraint bien malgré lui de les prendre pour défendre les siens, et tenir sa famille en sécurité. Reyan, est quant à lui le comique du groupe. Il est le personnage le plus amusant de Pierre Grimbert. Ce Don Juan est la dose de frivolité et de légèreté du récit. Lana est la belle héroïne de l’histoire. Fervente croyante en la déesse Eurydice, elle est la bienveillance même, et est à ce titre une proie facile pour les méchants. Léti est la jeune nièce de Corenn. Intrépide et fougueuse, elle perd peu à peu son innocence pour devenir une redoutable guerrière au fur et à mesure de la quête. Enfin Yan est l’amoureux transi de Léti. Il incarne la candeur par excellence. Jeune et naïf, il se trouve enrôlé dans cette aventure par amour et fidélité pour sa promise. Comme tous ses compagnons de voyage, il va connaître une sacrée évolution. Plus que la maturité, cette quête va lui ouvrir une nouvelle vie en lui offrant de sacrées perspectives plutôt magiques, d’ailleurs.

Dernier élément à signaler est bien entendu la présence inévitable de la magie au sein de ces romans de fantasy. Qu’elle soit bénéfique ou maléfique, elle s’entremêle intimement à l’histoire. Au départ, elle n’est ni bonne ni mauvaise, c’est une puissance vierge pour ainsi dire. Ce qui compte, c’est ce que l’on en fait. Il ne faut pas se laisser corrompre par l’avidité, la cupidité, l’envie pour ne pas être consumé par son désir de puissance et de domination sur les autres. La magie est au cœur même de cette lutte du Bien et du Mal. Ici, elle est donc soit maléfique à l’image de Saat et Sombre, soit bénéfique à l’image des pouvoirs de Corenn et de Yan. Elle est liée à la nature : la terre, l’eau, le vent et le feu. Elle peut également se manifester à travers la capacité de certains à pénétrer l’esprit d’autrui, d’un animal par exemple comme le pratique Bowbaq car il est un Erjak ou d’un autre humain comme tente de le faire Yan en essayant d’atténuer l’essence sublime de l’avatar de Sombre.
Ce Secret de Ji mêle bien tous les éléments caractéristiques du genre. Avec Pierre Grimbert, pas besoin de lire les trois-quarts du cycle pour percevoir la qualité de ce récit. En effet, on est emportés dès les premières lignes et donc pas étonnés de l’immense succès que cette saga a rencontré depuis sa publication. Ce premier cycle est d’ailleurs traduit dans quatre langues : allemand, anglais, tchèque et néerlandais. Et en français, le cycle connait tous les formats de publication et totalise 100 000 séries vendues. En signant cette première tétralogie, Pierre Grimbert prouve simplement que la fantasy n’est pas la chasse gardée des auteurs anglo-saxons car Le Secret de Ji laisse définitivement son empreinte dans le paysage littéraire des littératures de l’Imaginaire.  

Fantasy à la carte

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